La résidence alternée : symbole de l’égalité parentale encore minoritaire malgré les incitations politiques.

Par Francine Summa, Médiatrice familiale.

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La loi n°2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a introduit la résidence alternée de l’enfant mineur en cas de séparation des parents.
Considérée comme le meilleur mode de résidence égalitaire et le plus adapté à la notion de co-parentalité, son application reste minoritaire et la résidence de l’enfant reste un sujet controversé et passionné.

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Considérée comme le meilleur mode de résidence égalitaire et le plus adapté à la notion de coparentalité, ôtée de toute suprématie maternelle sur l’enfant, doté de parents sans genre, la résidence en alternance fait l’objet de mesures incitatrices dont notamment le partage des allocations familiales (I). Mais, son application reste minoritaire en raison des conditions matérielles et psychologiques nécessaires aux parents, à leur entourage et surtout à l’enfant, principal intéressé (II). Une proposition de loi pour rendre de droit ce mode de résidence a été repoussée en novembre 2017 pour mai 2018 tant la fixation de la résidence de l’enfant reste un sujet controversé et passionné pour lequel, la médiation familiale est le moyen privilégié de régler pacifiquement les relations parentales conflictuelles (III).

I-1. La résidence alternée.

Elle n’est pas définie par la loi n°2002-305 du 4 mars 2002. L’article 373-2.9 du Code civil dispose :
« la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux. »

Le juge peut l’ordonner à titre provisoire et ensuite faire le point pour voir s’il y a lieu de la confirmer.

La résidence alternée suppose une alternance : l’enfant a deux domiciles et réside chez chacun des deux parents. L’alternance se fait en principe par semaine égale, mais il est possible de répartir de façon inégale, quatre jours et l’autre trois jours.
L’essentiel est cette alternance de domicile où l’enfant a deux lieux de vie stables.
Il est possible que l’alternance ne soit ordonnée que pour un seul enfant, les autres maintenant la ligne traditionnelle de domicile principale et de droit de visite et d’hébergement pour l’autre parent.

L’intérêt de la résidence alternée était et est toujours de ne pas faire de différence entre le parent principal doté de la charge de l’enfant et le parent secondaire, celui du week-end, des sorties distrayantes, le parent sympathique - le père - face à la mère sérieuse, autoritaire, chargée des tâches ménagères, des sorties tristes : dentiste, médecin et autres.

Cette répartition inégalitaire des tâches et des rôles parentaux a été ressentie comme étant injuste pour la mère désireuse de s’affranchir de ce rôle ingrat et de certains pères dits « papa poules » revendiquant une parentalité complète du quotidien impliquant une résidence de l’enfant par périodes hebdomadaires ou par quinzaine.
Cette démarche allant dans le sens de la coparentalité, et de la désacralisation de la mère, privilégiée par l’attribution de la résidence principale.
Père et mère, désormais, parents, sans distinction de genre, égaux dans leurs droits parentaux.

1-2. La notion de coparentalité.

Ce terme n’est pas introduit dans la loi, mais il est utilisé pour insister sur l’égalité des parents dans l’éducation des enfants. Dans le Code civil, il s’agit de l’autorité parentale conjointe.

- Coparentalité allant dans le sens de la déstructuration des rôles traditionnels du père et de la mère, privilégiés par le législateur influencé par les modèles suédois et anglo-saxons : congé parental du père, suppression des termes père, mère substitués par le terme : parent. Indication de deux domiciles de l’enfant.
- Coparentalité s’inscrivant dans la légalisation du mariage homosexuel, révolution du Code Civil issu du droit romain.
- Coparentalité permettant la parentalité aux personnes transgenres.

Cette évolution sociétale est générale dans nos sociétés occidentales et s’étend à la filiation elle aussi déstructurée, avec la légalisation de la PMA mais non de la GPA, cette dernière méthode étant encore interdite en France.

La résidence alternée est ainsi le symbole de la famille qui ne se définit plus par le couple mais par l’enfant, autour duquel s’articule diverses structures familiales.

1-3. Mesures financières favorisant la résidence alternée.

- Le partage des allocations familiales est prévu (articles L 521-2 et R 521-2 du Code de la Sécurité sociale),
- Les APL sont versées proportionnellement aux parents exerçant la résidence alternée :
Conseil d’Etat, 5-4èmes chambres réunies 21 juillet 2017 n°398563, rendu en application de l’article L 351-3 et R 351-8 du Code de la Construction et de l’habitation :
"Considérant, d’autre part, que, pour l’application des articles L. 351-3 et R. 351-8 du Code de la construction et de l’habitation cités ci-dessus, les enfants en situation de garde alternée doivent être regardés comme vivant habituellement au foyer de chacun de leurs deux parents ; qu’ils doivent, par suite, être pris en compte pour le calcul de l’aide personnalisée au logement sollicitée, le cas échéant, par chacun des deux parents, qui ne peut toutefois prétendre à une aide déterminée sur cette base qu’au titre de la période cumulée pendant laquelle il accueille l’enfant à son domicile au cours de l’année ;"

- Par contre, les prestations sociales ne sont pas partagées : Cass Civ 2ème Ch. 30 mars 2017 n°161372 pour le complément du libre choix du mode de garde des enfants, il n’y a qu’un allocataire unique.

2-La résidence alternée reste minoritaire.

Selon les statistiques du ministère de la Justice, elle ne représenterait que 10 à 17 % des décisions soit conventionnelles soit judiciaires. (Site du Ministère de la Justice Stats).

2-1- Elle suppose des conditions psychologiques et matérielles exigeantes : un couple parental qui s’entend bien, un environnement familial harmonieux, des domiciles rapprochés de l’école notamment.

2-2 - Vis-à-vis de l’enfant, elle peut être mal vécue et stressante : changements trop fréquents.

3- La parole de l’enfant.

L’enfant doit être entendu car il s’agit de sa vie quotidienne et son choix doit être prise en considération, sauf à s’apprêter à une vie familiale traumatisante pour tous, nécessitant une aide psychologique.
Ceci, excepté les situations conflictuelles graves, rendant impossible une résidence alternée.

Ces difficultés mal vécues par les parents ont donné lieu à une proposition de Loi du Modem, pour faire déclarer la résidence alternée comme étant de principe. Cette proposition a été très critiquée et la proposition de Loi annoncée en novembre 2017 a été retirée pour être revue en mai 2018.
(A ce sujet : http://www.huffingtonpost.fr/ « Histoire inavouable de la loi sur la résidence alternée systématique » )

4- La médiation familiale reste le meilleur recours possible pour trouver une solution en cas d’obstruction du ou des parents. Cette vois pacifique permet de trouver un équilibre dans les relations familiales.
La tentative de médiation préalable obligatoire déjà mise en place dans la plupart des Tribunaux va dans le bons sens.

Francine Summa, Avocate,
Médiatrice familiale.

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  • « Les APL sont versées proportionnellement aux parents exerçant la résidence alternée : Conseil d’Etat, 5-4èmes chambres réunies 21 juillet 2017 n°398563, rendu en application de l’article L 351-3 et R 351-8 du Code de la Construction et de « l’habitation »

    Ce texte n’est pas appliqué. La CAF s’auto déclare "incompétente en la matière", et un recours au TASS est nécessaire pour faire valoir ses droits.

    Les autres prestations, notamment le libre choix du mode de garde, les primes de rentrées scolaires, l’aide aux loisirs et vacances ne sont pas partagées.

    Les enfants ne peuvent être rattachées qu’à un seul parent : C’est une grande injustice pour l’autre parent.

    • par Jeremy , Le 29 juin 2020 à 05:09

      Oui c’est une grande injustice lorsque l’enfant est rattaché à l’autre parent. Nous les autres parents, nous sommes des parents sans enfant aux yeux de la Caf.
      Pourtant dans la réalité nous logeons nos enfants, nous habillons les enfants, nous nourrissons nos enfants, nous les eduquons et nous les aimons la moitié du temps, une semaine sur deux, comme l’autre parent.
      Et la CAF agit en considérant que nous n’avons pas d’enfants dans la composition de notre foyer.
      Cela est très injuste tans que sur le plan moral que financier.
      Pourquoi cette loi de l’allocataire unique ??!!
      Une demi-part sur chaque dossier caf serait formidable.

      0.5 / 0.5 et non 1 / 0.

      Dans l’espoir que les choses avancent vite merci de votre lecture

    • par Francine SUMMA , Le 29 juin 2020 à 12:06

      Vous évoquez un problème qui mérite d’être traité effectivement.
      Souvent la CAF renvoie à un accord entre les parents mais ce n’est pas toujours simple.
      Merci de le signaler.

  • Dernière réponse : 23 mars 2018 à 11:21
    par Roux Frederic , Le 22 mars 2018 à 21:27

    Bonjour, et merci pour votre excellent article. Permettez moi quelques remarques.

    "2-La résidence alternée reste minoritaire.
    Selon les statistiques du ministère de la Justice, elle ne représenterait que 10 à 17 % des décisions soit conventionnelles soit judiciaires. (Site du Ministère de la Justice Stats)."
    Présentez la situation, le pourcentage, comme ça n’est ni pertinent ni très honnête. En effet, c’est le pourcentage de Résidence Alternée, toutes situations confondues, donc en comptant les cas dans lesquels les deux parents sont d’accord. En réalité, lorsqu’il y a désaccord (en pratique, le père demande la RA et la mère la refuse), le % (selon le même site du ministère de la justice) est totalement marginal. Traduction, c’est la mère qui décide de la mise en œuvre de la RA ou pas. La justice entérine la décision de la mère.

    "2-1- Elle suppose des conditions psychologiques et matérielles exigeantes : un couple parental qui s’entend bien, un environnement familial harmonieux, des domiciles rapprochés de l’école notamment."
    Et si c’était l’inverse ? Si le couple parental s’entendait bien PARCE QUE la RA est mise en place ? En effet, dès lors que le parent qui demande la RA a mis en place les conditions nécessaires (distance géographique, aménagement de son emploi du temps, etc), le parent qui la refuse n’a plus qu’un seul moyen de la faire rejeter par le juge : le conflit entre les parents. Il est donc écrit noir sur blanc, dans la loi actuelle, dans les comptes-rendus des juges, qu’un des parents a intérêt au conflit.

    "2-2 - Vis-à-vis de l’enfant, elle peut être mal vécue et stressante : changements trop fréquents"
    Comme vous le dites-vous même, en cas de RA, l’enfant déménage UNE fois par semaine, dans le cas d’une résidence principale avec droit de visite élargi (le milieu de semaine), l’enfant déménage QUATRE fois en moins d’une semaine (exemple : arrivée chez le père le vendredi soir, retour chez la mère le dimanche soir, arrivée chez le père le mardi soir, retour chez la mère le mercredi soir). Sans parler du fait que l’enfant a vraiment la sensation de venir chez lui, ce qui banalise le changement de résidence et évite l’excitation de revoir un père pas vu depuis 10 ou 15 jours.

    4 La médiation
    CF le 2-1 : il n’y a pas de médiation possible si un des parents a intérêt au conflit. La médiation ne peut intervenir qu’APRÈS la fin du conflit, donc la suppression de l’objet du conflit, c’est à dire la mise en place de la RA.

    • Cher Monsieur,

      Vos observations sont vraies mais malgré tout le principe de la résidence alternée correspond bien au concept de la coparentalité, chère au législateur.

      Et ce mode de résidence fait son chemin dans les mentalités des parents.

      La médiation familiale est le meilleur mode de communication malgré tout.

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