Protection des mineurs contre l’accès à la pornographie : des petits pas à consolider.

Par Olivia Sarton.

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L'ARCOM a publié un référentiel exigeant des sites pornographiques qu'ils vérifient l'âge des internautes. Les sites disposent de 3 mois pour se conformer. Parallèlement, la Cour d'Appel de Paris a contraint les fournisseurs d'accès à restreindre l'accès à certains sites. Le droit européen complique cette protection des mineurs.
Description rédigée par l'IA du Village

Le mois d’octobre 2024 a vu la protection des mineurs contre l’accès à la pornographie faire quelques petits pas.
Rappelons que la loi pénale sanctionne l’exposition des mineurs à la pornographie, mais que cette mesure protectrice des mineurs demeure en partie lettre morte sur internet où des mineurs, de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes, se trouvent exposés, parfois sans même l’avoir cherché, à des contenus pornographiques.
Alors qu’une prise de conscience en est cours sur les effets dramatiques de la pornographie sur les enfants et la nécessité de les protéger contre ce fléau, cette volonté théorique se heurte pour l’instant à des difficultés d’ordre pratique : comment, concrètement, préserver les mineurs d’accéder à des contenus pornographiques sur internet ?
Nous faisons ici le point sur les avancées récentes en la matière.

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Publication par l’ARCOM du référentiel applicable aux systèmes de vérification de l’âge des internautes.

L’Arcom (autorité administrative de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) a publié le 9 octobre le référentiel qui détermine les exigences techniques minimales applicables aux systèmes de vérification de l’âge des internautes qui naviguent sur un site pornographique. Les sites ont 3 mois pour mettre en place un système conforme aux exigences techniques du référentiel, impliquant la fiabilité du contrôle de l’âge et le respect de la vie privée [1].

Le droit européen, obstacle à la protection des mineurs ?

L’autorité de régulation a également participé à l’appel à contribution de la Commission européenne sur la protection des mineurs en ligne [2].

C’est d’autant plus important que le droit européen constitue aujourd’hui une pierre d’achoppement dans les efforts faits pour protéger les mineurs.

En effet, les éditeurs de sites mais également l’ensemble des protagonistes de la chaîne de diffusion de ces sites (hébergeurs, fournisseurs d’accès à internet) exploitent les failles ou contradictions juridiques internes au droit européen, ou avec les législations locales, pour échapper à leurs responsabilités et poursuivre leurs activités sans être inquiétés.

En témoigne le dernier épisode en date que constitue l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris le 17 octobre 2024 dans un contentieux tumultueux introduit par deux associations de protection de l’enfance, E-Enfance et La Voix de l’Enfant, à l’encontre des fournisseurs d’accès à internet (Orange, Colt Technology Services, Free, Bouygues Telecom, SFR, SFR Fibre, SRR, OMT), faute de pouvoir toucher directement les éditeurs de site.

La Cour d’appel de Paris a pu enjoindre aux fournisseurs français d’accès à internet de mettre en œuvre, dans un délai de 15 jours, des mesures propres à empêcher l’accès à quatre sites pornographiques édités par des prestataires établis hors Union européenne et ce, jusqu’à ce que ces sites mettent en place un dispositif permettant de contrôler l’âge des internautes et de limiter l’accès aux seules personnes majeures.

Mais elle n’a pu en faire autant s’agissant des demandes de blocage des sites pornographiques majeurs (Pornhub, Youporn etc.) établis au sein de l’Union européenne (i.e. Chypre et République Tchèque). En effet, ces sites soutiennent qu’en vertu de la directive e-commerce 2000/31/CE du 8 juin 2000, ils ne peuvent être tenus par la réglementation française puisque leur législation nationale ne prévoit pas de dispositif de répression similaire à celui de l’article 227-24 du Code pénal qui sanctionne l’exposition des mineurs à la pornographie.

La Cour d’Appel de Paris a été contrainte de surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne, saisie en mars 2024 par le Conseil d’Etat de questions préjudicielles. La CJUE doit dire si l’argument de ces sites doit être retenu et si le droit pénal français est rendu inefficace du fait de l’application de la directive européenne.

Le Parlement européen doit prendre ses responsabilités.

Si la CJUE statue dans ce sens, alors le Parlement européen devra prendre ses responsabilités : l’Union européenne n’a pas été créée pour rendre inopérantes les législations pénales locales protégeant les enfants d’un Etat de l’Union, et les voir neutralisées par un développement transgressif à partir d’une implantation dans un pays de l’UE moins-disant pénalement.

Si un Etat membre de l’UE n’adopte pas une législation suffisamment protectrice, alors les autres Etats-membres doivent pouvoir appliquer leur régulation locale aux organisations domiciliées sur le territoire du premier Etat, dès lors que ces organisations entendent étendre le champ de leurs opérations dans les autres Etats membres : le parlement européen doit donc d’urgence adopter les dispositions ad-hoc amendant les directives de libre circulation des biens (y compris numériques), de manière à toucher les éditeurs de site quel que soit le pays dans lequel ils sont installés.

Olivia Sarton
Directrice scientifique de l’Association Juristes pour l’enfance

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