Autorité parentale : différences entre autorité parentale exclusive et retrait de l’autorité parentale.

Par Barbara Régent, Avocate.

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Explorer : # autorité parentale # retrait de l'autorité parentale # violences familiales # intérêt de l'enfant

L’autorité parentale est une responsabilité vis-à-vis de l’enfant. C’est à la fois un droit et un devoir des parents à son égard. Les parents doivent le protéger dans sa sécurité, sa santé, et sa moralité. Ils doivent également assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne. Dans certains cas, l’exercice de l’autorité parentale peut être attribué à un parent seul, voire être retiré à un ou aux deux parents. Le cadre juridique applicable a évolué en 2024, avec la loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

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I) Autorité parentale exclusive.

Un juge aux affaires familiales peut décider de confier l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des deux parents parce que le comportement de l’autre parent est nuisible ou dangereux pour l’enfant. Il faut cependant un motif grave (un désintérêt total, une obstruction pour les décisions importantes en matière de santé, de scolarité par exemple, un comportement brutal...). De manière générale, ce parent privé de l’exercice de l’autorité parentale conserve le droit d’entretenir des relations avec l’enfant par l’exercice de droits de visite, au besoin dans un lieu neutre (droits de visite dit « médiatisés »), sauf « motifs graves » [1].

L’autre parent demeure obligé de le tenir informé de tous les choix importants relatifs à la vie de l’enfant (choix de l’école, parcours scolaire, santé, religion…).

Cette décision ne mentionne pas de durée. Il appartient au parent qui souhaiterait la récupérer de démontrer que son comportement néfaste à l’enfant et à la coparentalié a cessé.

II) Le retrait de l’autorité parentale.

Le retrait de l’autorité parentale, qui est une mesure temporaire, sanctionne l’exercice gravement défaillant de l’autorité parentale. Il a pour but d’en protéger les mineurs et délie ces derniers de l’obligation alimentaire vis-à-vis du parent concerné. Ce retrait porte de plein droit sur tous les attributs, tant patrimoniaux que personnels, se rattachant à l’autorité parentale ; il s’étend, en principe, à tous les enfants mineurs déjà nés au moment du jugement. Autrement dit, un parent qui perd l’autorité parentale perd de plein le droit de visite ou d’hébergement, fût-ce un droit de visite médiatisé.

Depuis 1971, l’article 378 du Code civil permet à une juridiction pénale de prononcer le retrait (Appelé « déchéance » jusqu’à la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l’adoption) de l’autorité parentale d’un parent en cas de condamnation comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit commis sur la personne de son enfant, ou comme coauteur ou complice d’un crime ou délit commis par son enfant.

En 2010 (loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants), puis en 2020 (loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales), ont été ajoutés à cette liste respectivement les crimes et les délits sur la personne de l’autre parent, le législateur prenant ainsi en compte les répercussions sur l’enfant des violences conjugales.

Dans sa rédaction issue de la loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, l’article 378 du Code civil prévoit désormais qu’

« en cas de condamnation d’un parent comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou d’une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d’un crime commis sur la personne de l’autre parent, la juridiction pénale ordonne le retrait total de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. Si elle ne décide pas le retrait total de l’autorité parentale, la juridiction ordonne le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée ».

Cette rédaction est le fruit d’un équilibre. En effet, l’article 2 de la proposition de loi dans sa version initiale prévoyait de modifier l’article 378 du Code civil pour prévoir un « retrait automatique » de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour viol ou agression sexuelle sur son enfant ou pour crime et violences volontaires ayant entraîné une interruption temporaire de travail (ITT) de plus de huit jours sur l’autre parent. Ces dispositions ont été entièrement réécrites par le Parlement pour prendre en compte le droit de mener une vie familiale normale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et la nécessité d’apprécier l’intérêt de l’enfant in concreto. Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme a pu juger que le prononcé automatique d’une privation de l’autorité parentale en cas de condamnation pénale n’était pas conforme à l’article 8 de la convention dès lors que cette privation ne pouvait être écartée notamment en fonction de l’appréciation de l’intérêt de l’enfant [2]. A également été invoqué, dans les débats parlementaires, le principe d’individualisation des peines.

Compte tenu des risques au regard des exigences constitutionnelles et conventionnelles, les députés ont choisi de ne pas imposer aux juges le retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation pour crime ou agression sexuelle incestueuse sur l’enfant ou pour crime sur l’autre parent, mais de les obliger à motiver spécialement toute décision contraire. Ils ont également introduit une gradation entre le retrait de l’autorité parentale, qui serait prioritaire, et le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, qui interviendrait « par défaut ».

Barbara Régent,
Avocate au Barreau de Paris, co-fondatrice des associations Les Avocats de la Paix et Humanethic
https://www.regentavocat.fr/

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Notes de l'article:

[1Article 373-2-1 du Code civil.

[2CEDH n° 64791/10 17 juillet 2012, M. D et autres c/ Malte.

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