En application de l’article 270 du Code civil,
« l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge. Toutefois, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture ».
En vertu de l’article 271 du Code civil, le juge prend notamment en considération la « durée du mariage ».
De la combinaison de ces deux articles 270 et 271 du Code civil, il ressort que pour une brève durée de mariage (entre 5 et 8 ans), la jurisprudence alloue une faible prestation compensatoire, même en présence d’une très forte disparité de revenus et de patrimoines. Il faut préciser que dans les décisions accordant une prestation compensatoire, la durée moyenne du mariage est de 20 ans, selon le dernier rapport sur le sujet.
Pour un mariage de quelques années, il est fréquent que la disparité éventuelle, c’est-à-dire la différence de revenus et de patrimoine entre les époux, était déjà présente au moment de l’union. Or, selon la Cour de cassation, « l’un des époux ne peut être tenu de verser à l’autre une prestation compensatoire que si la disparité dans leurs conditions de vie respectives est créée par la rupture du mariage », et tel n’est pas le cas lorsque « cette disparité existait antérieurement à l’union (…) et n’était pas la conséquence de la rupture du mariage, dont la durée très brève n’avait eu aucune incidence sur la situation patrimoniale » de l’époux demandeur à la prestation compensatoire [1]. Dans cet arrêt, la Cour de cassation valide ainsi la décision qui avait rejeté la demande de prestation compensatoire dans le cadre d’un mariage d’une durée de 6 ans.
La doctrine considère également qu’il est « nécessaire de rechercher la cause de la disparité pour savoir si une prestation compensatoire est ou non justifiée » [2]. Cette position résulte de la rédaction même de l’article 270 précité au travers, d’une part, de la notion de « disparité créée par la rupture du mariage », d’autre part, de la référence à l’équité, qui implique, selon la doctrine, de se référer au « vécu du couple » et aux « choix de vie faits en commun » [3].
Faisant application de cette jurisprudence, en particulier en cas de mariage de courte durée, de nombreuses décisions écartent la demande de prestation compensatoire lorsque la disparité préexiste au mariage. Il serait en effet anormal qu’un époux « s’approprie », par le biais de la prestation compensatoire, des revenus et du patrimoine que son conjoint a acquis par son travail (ou par des donations) antérieurement à l’union. Compte tenu du taux de divorce en France et donc du nombre croissant de remariages, les juridictions sont de plus saisies de ce type de litiges.
Citons une dizaine d’exemples de jugements :
- « la disparité dans les conditions de vie respectives des époux préexistait au mariage (…) Ainsi, compte tenu de ces éléments et de la très courte durée du mariage, force est de constater que la rupture du mariage n’est pas à l’origine de la disparité dans les conditions de vie des époux (…) Mme xxx est déboutée de sa demande de prestation compensatoire » [4].
- « la prestation compensatoire n’a pas pour effet de corriger les effets du régime matrimonial choisi par les époux avant le mariage, la demande de Madame Y aboutissant à lui permettre de s’approprier son patrimoine, acquis avant le mariage ». [5].
- « L’épouse s’est mariée sous le régime de la séparation des biens en toute connaissance de cause. (…). La disparité dans les conditions de vie respectives des époux préexistait au mariage et ne résulte pas de la rupture du mariage dont la brièveté n’a pas permis d’avoir une incidence sur la situation et le patrimoine de C D. L’ensemble de ces éléments justifie le rejet de la demande de prestation compensatoire » [6].
- « Comme l’a relevé le premier juge les prétentions de l’épouse sont très excessives si l’on considère que la situation enviable du mari procède de son travail personnel et du patrimoine acquis avant le mariage » [7].
- « Il résulte de ces éléments que les époux n’ont que très peu partagé d’intérêt économique commun sur une durée de mariage courte de moins de quatre années et ont conservé, avant, pendant et après le mariage, le même niveau de vie respectif. La rupture du mariage n’ayant pas créé de réelle disparité dans les niveaux de vie respectifs des époux, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de prestation compensatoire à hauteur de 20.000 euros formée par Mme xxxx. La décision sera confirmée » [8].
- « Au regard de l’ensemble de ces éléments, il doit être considéré que la rupture du mariage, d’une durée relativement brève, n’est pas la cause de la disparité dans les situations respectives des époux, et qu’il n’y a en conséquence pas lieu à prestation compensatoire » [9].
- « S’il n’est pas contesté qu’il existe une disparité de revenus conséquente entre les parties ainsi qu’une disparité de fortune, celle-ci étant liée aux effets du régime de séparation de biens adopté par les époux que la prestation compensatoire n’a pas pour objet de corriger, aucun élément n’établit que cette disparité au regard de la très courte durée de vie commune (…) résulte de la rupture du mariage. En conséquence, la décision rejetant la demande de prestation compensatoire de l’épouse, sera confirmée » [10].
- « Attendu que cette brièveté du mariage et de la vie de couple, permet de dire que la disparité des conditions de vie entre les époux existait antérieurement à l’union, et qu’elle n’est pas la conséquence de la rupture du mariage, dont la durée très brève n’a eu aucune incidence sur la situation patrimoniale de l’époux demandeur à la prestation compensatoire ; Attendu qu’en conséquence, la demande de prestation compensatoire formée par Mme sera rejetée » [11].
- « Il apparaît dès lors que la disparité dans la situation respective des parties préexistait au mariage. Les époux n’ont pas opté, lors de leur union, pour un régime de communauté universelle. Cette disparité n’est pas la conséquence de la rupture du mariage, dont la durée relativement brève n’a eu aucune incidence sur le sort patrimonial de Mme X, laquelle n’a fait que retrouver sa situation antérieure (…). Il n’y a pas, dès lors, lieu à attribution d’une prestation compensatoire. La décision entreprise sera confirmée en totalité » [12].
- « Au vu de ces éléments, s’il apparaît qu’il existe une disparité dans les situations respectives des époux, au détriment de l’épouse, il convient de constater que cette disparité n’est pas la conséquence de la rupture du mariage, dont la durée a été relativement brève, et qu’elle existait antérieurement à celui-ci compte tenu de la situation des époux lesquels ont d’ailleurs, en se mariant sous le régime de la séparation de biens, entendu maintenir cette disparité. En conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme Y de sa demande de prestation compensatoire » [13].
La jurisprudence semble donc confirmer ce lien de cause à effet : « disparité préexistante => absence de prestation compensatoire ».
Toutefois, dans certains divorces, une prestation compensatoire peut être due, même en présence d’une disparité préexistante et d’un mariage de brève durée. Seule l’expérience d’un avocat formé à la matière familiale et doté d’une solide expérience peut aider les époux à déterminer si une prestation compensatoire est justifiée et quel est son montant, au regard, outre de la jurisprudence, des autres éléments spécifiques du dossier (âge des époux, état de santé, qualifications professionnelles, sacrifices professionnels pour éduquer les enfants, régime matrimonial choisi par les époux, …). Les modes amiables sont toujours à privilégier, car au-delà du droit, ils permettent de mettre celui-ci en corrélation avec les besoins et les capacités des personnes pour que chacun puisse rebâtir sa vie plus sereinement après une séparation, surtout en présence d’enfants.