1- Les principes du contrat prénuptial aux États-Unis.
La plupart des États aux USA ont un modèle de contrat prénuptial [1].
Le contrat prénuptial est un accord écrit entre deux personnes qui vont se marier pour prévoir les situations en cas de divorce ou de décès, notamment pour prévoir qui paiera les dettes contractées pendant le mariage par les époux, le sort des biens de chaque époux.
Il est observé que si les accords prénuptiaux concernent plutôt les mariages de personnes qui ont des biens, ces accords sont utiles pour les mariages de séniors qui ont des enfants de mariages précédents pour leur conserver une part d’héritage - il n’y a pas de réserve successorale. Ou de les protéger du paiement des dettes de leur futur conjoint (prêts pour les études des enfants du futur conjoint).
L’attention sur l’information des futurs époux est vivement demandée par l’adjonction d’un Avocat spécialisé du droit de la famille, un pour chaque époux et mention est érigée en préambule au contrat.
L’équilibre des pouvoirs entre les futurs époux est rappelée : le contrat doit veiller à un équilibre des droits et obligations des contractants sauf à le considérer inéquitable et non valide [2].
Cette obligation est d’autant plus essentielle quand une disparité existe entre-eux : classe sociale, travail, patrimoine.
Cinq pièges des contrats prénuptiaux sont répertoriés :
- Proposer un contrat à son futur risque de dégrader la relation sentimentale : rien de romanesque, il ou elle est radin, fait les comptes,
- Quand les deux parties ont un pouvoir de négociation inégal, en faisant un contrat coercitif, comme signer le contrat à la veille du mariage pour empêcher l’autre d’étudier les clauses du contrat, manœuvre dilatoire malhonnête,
- Quand le mariage est un premier mariage où il n’y a pas à prévoir de dispositions pour des enfants du premier lit pour leur garantir des droits, étant considéré qu’un contrat prénuptial qui réduirait les droits d’un conjoint ayant moins de patrimoine pour favoriser le plus riche en cas de divorce serait contraire aux Lois des États sur le divorce. Un mariage devant être une aventure commune.
- Quand les familles ont des origines sociales et des situations patrimoniales différentes, que la famille riche impose des conditions qui ne donnent aucun droit au conjoint pauvre.
- Quand les clauses du contrat en cas de divorce prévoient des conditions financières inférieures en avantages (partage, aliments) à la Loi de l’État sur le divorce. Dans ce cas, le conjoint en Justice pour faire valoir ses droits.
Rappelons que chaque État dispose d’un régime légal applicable en cas d’absence de contrat prénuptial.
La majorité des États ont opté pour un régime de séparation de biens à l’exception des États suivants : « la communauté d’acquêts comme l’Arizona, la Californie, l’Idaho, la Louisiane, le Nevada, le Nouveau-Mexique, le Porto Rico, le Texas, l’État de Washington et Wisconsin » [3].
L’article insiste donc sur le nécessaire équilibre des droits des époux et au respect des droits prévus par la loi sauf à aller en Justice et perdre des années en procédures et frais.
Le contrat prénuptial du Delaware.
Le site LawDistrict.com regroupe tous les modèles de contrats, procurations. Ce site propose aussi d’enregistrer le contrat que les futurs époux auront rempli et signé pour lui rendre effectif mais, il est possible de s’adresser à un notaire ou un avocat [4].
Le modèle comprend un préambule présentant les motivations des époux pour conclure un prenup, déjà mariés, ayant des enfants, pour expliquer pourquoi ils recourent à ce contrat.
Le principe repose sur leur choix de communauté de biens, tous ou certains, ou de séparation des biens acquis avant leur mariage ou au cours de leur mariage, avec options de panachage par pourcentage sur leurs biens ou sur certains.
Il y a une souplesse dans la désignation des biens mis en commun.
Le même principe pour les biens professionnels, restés séparés ou mis en commun, ainsi que pour les biens futurs.
La fin du mariage par décès est aussi prévue, le sort du domicile conjugal avec le droit d’y rester toute la vie, sous réserve d’un testament.
Le droit aux aliments en cas de divorce, sous réserve de la légalité d’une clause privative d’aliment à l’époux divorcé.
Le sort des enfants reste sous le coup de la loi de l’État.
Une clause attributive de juridiction et de médiation est prévue.
Les époux signent ce contrat auquel est annexé un état des biens et des revenus de chacun des époux, Annexe A et Annexe B, signé sous engagement de sincérité [5]
2- Les contrats de mariage en France.
Le principe est différent ; En France, le contrat de mariage a toujours été un contrat solennel, établi par un notaire, signé par les deux futurs époux, pour fixer les règles de gestion du patrimoine des époux.
Deux principes directeurs :
- régime de communauté des biens des époux en gestion commune,
- régime séparatiste, chacun des époux est propriétaire de ses biens acquis par ses fonds propres et les gère seul.
Le régime légal est celui de la communauté réduite aux acquêts, seuls les biens acquis pendant le mariage sont communs- avec possibilité de préciser l’origine des fonds, mentions utiles pour estimer les éventuelles récompenses en cas de liquidation.
Le contrat de mariage est de loin supérieur en valeur symbolique et éthique du mariage, pour être la règle de fonctionnement du patrimoine familial, charte sécuritaire pendant toute la durée du mariage.
Bien plus, la possibilité de changer de régime matrimonial, pour préserver le patrimoine familial par un régime séparatiste permettant aux conjoints de créer leurs entreprises sans risque pour les biens de la famille.
Et, à l’approche de l’âge, de faire une communauté universelle, afin de protéger le conjoint survivant.
En cas de divorce, le contrat de mariage, s’il est bien établi, liste des biens de valeur de chacun des conjoints notamment, et facilite la liquidation, encore que les époux ne prennent pas toutes les précautions pour éviter les litiges.
Le contrat de mariage est donc un instrument évolutif, pratique grâce aux notaires de famille.
3- Opposabilité en France des contrats prénuptiaux : Règlement UE 2016/1103 ou si extra européen, les règles françaises de conflit : compétence juridictionnelle et détermination de la loi applicable.
Les contrats prénuptiaux sont-ils opposables en France ?
3-1. Tout d’abord, un contrat étranger ne doit pas être contraire à l’ordre international public. La longue jurisprudence entre la CEDH et la France contre l’opposabilité des contrats GPA régulièrement conclus à l’étranger, USA, Inde, entre autres, atteste du domaine restreint accordé à l’ordre international public.
Un contrat prénuptial américain n’est pas contraire dans son principe, tout dépend de la validité des clauses qui peuvent aussi être attaquées en Justice aux USA si elles sont excessives et déséquilibrées au détriment de la partie faible (le conjoint pauvre).
3-2. Pour être opposable, il doit remplir les critères du droit international privé français sur la loi applicable au fond :
- Loi nationale commune des époux,
- Loi du dernier domicile conjugal connu.
Ces principes ont été reconduits dans les conventions internationales (Convention de la Haye) et pour les pays de l’Union européenne par le Règlement II bis et depuis le 22 juillet 2019 du Règlement Bruxelles II Ter, applicable aux actions judiciaires intentées, aux actes authentiques enregistrés et aux accords conclus à compter du 1ᵉʳ août 2022.
Ce dernier Règlement incluant les accords privés- divorce par consentement mutuel notamment.
Il s’ensuit que si deux époux de nationalité américaine ou un seul de nationalité américaine et un de nationalité française s’installent en France, le contrat prénuptial pourra être opposable s’ils saisissent la juridiction française à la condition que les juridictions françaises soient compétentes territorialement.
L’article 1070 du Code de procédure civile précise que :
« Le juge aux affaires familiales territorialement compétent est :
- le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ;
- si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d’exercice en commun de l’autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ;
- dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n’a pas pris l’initiative de la procédure.
En cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des parties, celui du lieu où réside l’une ou l’autre ».
3-3. Pour être opposable en France, les consentements des parties ne doivent pas avoir été viciés, par une information incomplète sur leurs droits et sur la renonciation à leurs droits.
Un exemple récent a limité considérablement la portée de clauses de renonciations à réclamer le remboursement des paiements effectués par le mari sur des biens immobiliers de son épouse [6]
Selon le pourvoi :
« Mme Z... et M. X... ont conclu un contrat prénuptial par lequel il est prévu d’une part que M. X... renonce à tout droit sur les biens immobiliers dont Mme Z... est ou pourra être propriétaire au cours du mariage et qu’il renonce « à tout droit matrimoniaux () sur les biens et la succession de celle-ci » ; qu’en considérant, après avoir reconnu la validité de la convention matrimoniale, que « Le contrat versé aux débats comprend un paragraphe intitulé "renonciation à droit dotal", excluant tout droit du mari sur les biens immobiliers dont l’épouse est ou deviendra propriétaire ; mais il ne contient aucune disposition relative aux biens mobiliers des époux, ni aux biens immobiliers du mari » pour en déduire que le régime de la communauté restait applicable et que Mme Z... devait récompense à la communauté pour les biens acquis avec des fonds communs »
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi et confirmé l’interprétation de la Cour d’Appel du contrat prénuptial ayant limité aux seuls biens immobiliers de l’épouse la propriété personnelle, laissant le régime légal de communauté s’appliquer sur tous les autres biens mobiliers des époux et sur les biens immobiliers du mari dont le droit à récompense était ainsi préservé :
« La cour d’appel, par une interprétation de la convention matrimoniale dont les termes n’étaient ni clairs ni précis, ce qui exclut toute dénaturation, a, sans être tenue de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle décidait d’écarter, fait application du droit étranger dont, dans l’exercice de son pouvoir souverain et hors toute dénaturation, elle a recherché la teneur pour donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif de l’État concerné ; que le moyen ne peut être accueilli ».
4- La fraude à la Loi française.
Le contrat prénuptial ne doit pas avoir été choisi par les futurs époux dans le seul but d’échapper à la Loi française sur le divorce et notamment sur la prestation compensatoire.
La fraude à la Loi, concept créé par la Cour de cassation dans son Arrêt du 18 mars 1878, Princesse de Bauffremont - Chambre Civile :
« Le Prince et la Princesse de Bauffremont étaient déjà judiciairement séparés de corps. La Princesse de Bauffremont désira se remarier, mais à l’époque, la loi française qui régissait leur situation ne prévoyait pas de divorce. La séparation de corps lui permettant pourtant de choisir un domicile distinct de celui de son mari, elle s’installa dans le Duché de Saxe-Aldenbourg pour y obtenir la nationalité allemande, déclenchant l’application du droit allemand à sa propre situation, droit allemand dans lequel le divorce était admis. Cela fait, elle épousa le Prince Bibesco, personne avec laquelle elle s’était très temporairement déplacée en Allemagne pour revenir ensuite en France, l’ayant épousé ».
« Le Prince de Bauffremont saisit les tribunaux pour obtenir l’annulation du mariage ».
La Cour de cassation, par son arrêt du 18 mars 1878 estima que : « sans autorisation du mari, l’acquisition volontaire de la nationalité étrangère était impropre à libérer la Princesse de l’allégeance française et donc des contraintes de la loi française » ».
C’est pourquoi un changement de nationalité ne peut permettre d’échapper à des dispositions d’ordre public de la loi française ».
« Fraus omnia corrumpit ».
En conclusion, le contrat prénuptial est fait pour la procédure du pays où il a été conclu, et peu opposable en France. Chaque pays a sa conception du mariage et du divorce, et dans le cas des États-Unis, chaque État même.
Il faut donc saisir le premier le Juge étranger pour faire juger son divorce sauf pour le défendeur à soulever l’incompétence territoriale et/ou l’inopposabilité d’un contrat frauduleux.