Les contrats d’assurances souscrits sont rarement lus du fait de leur longueur et de leur complexité. Cette méconnaissance aboutit à ce que des assuré.es ne sont pas accompagné.es pour tous leurs recours et ne sont pas indemnisé.es suite à certains sinistres. Iels ignorent notamment, à leurs dépens, les règles de prescription extinctive.
Les actions dérivant d’un contrat d’assurance sont en effet prescrites par deux ans sur le fondement de l’article L114-1 du Code des assurances. Autrement dit, à l’échéance de ce délai imparti, la.le propriétaire d’une action verra son droit s’éteindre du fait de son inaction.
En pratique, quelle est l’importance de la prescription biennale pour l’assuré.e ?
Malgré l’apparente dureté de la prescription à son égard (I), cette prescription extinctive souffre de nombreux assouplissements et semble complexe à mettre en œuvre par les assureurs (II).
I. Le champ d’application de la prescription biennale : un principe rigoureux en apparence.
La prescription des litiges nés du contrat d’assurance est abrégée et semble ainsi peu favorable aux assuré.es. Quelles sont les actions soumises à cette prescription et quels sont les effets de cette prescription (A) ? Et pourquoi la Cour constitutionnelle confirme-t-elle l’applicabilité de cette prescription malgré son apparente dureté envers l’assuré.e (B) ?
A. Le large champ d’application d’une prescription aux effets draconiens.
Le délai de prescription biennal déroge au droit commun des actions civiles qui est de cinq ans à compter du jour donnant naissance à l’évènement [2].
Ainsi, une personne sera en mesure de demander des dommages et intérêts du fait du préjudice délictuel ou contractuel qu’elle a subi dans un délai moins restreint qu’une personne souhaitant engager une action relative au droit des assurances.
Le champ d’application de la prescription biennale est, qui plus est, large. L’article L114-1 du Code des assurances indique simplement que les actions concernées sont celles “dérivant du contrat d’assurance”. L’interprétation jurisprudentielle de ces termes est libre et donne lieu à un contentieux abondant. Les actions concernées sont multiples. Il s’agit des sinistres, communément définis dans les conditions générales du contrat d’assurance tel un dommage causé à des tiers engageant la garantie souscrite. Cela peut être également un fait, tel que la date du sinistre de dégât des eaux, mais aussi une faute, telle que le prélèvement par l’assureur d’une deuxième cotisation mensuelle ou encore le recours en justice d’un tiers envers l’assuré.e et inversement.
La jurisprudence a déterminé que l’action résultant d’une obligation précontractuelle n’est pas concernée dans la mesure où le contrat n’a pas encore été souscrit. Ainsi, l’action en responsabilité que souhaiterait entreprendre l’assuré.e envers son assureur, à l’instar d’une action en nullité pour un manquement à son obligation de conseil, échappe à la prescription [3].
Le délai de prescription commence à courir au moment de la survenue du fait générateur du sinistre, soit le jour de l’événement donnant naissance à l’action [4]. Passé le délai de deux ans, la réclamation est prescrite. L’assureur peut ainsi refuser d’indemniser un.e assuré.e d’un sinistre déclaré [5].
Cette prescription est d’ordre public, il est interdit pour les parties au contrat de s’accorder sur une modification de sa durée, ni de remanier ses causes de suspension ou d’interruption [6].
Le champ d’application et les effets drastiques de la prescription biennale conduisent certains à affirmer qu’elle avantagerait davantage l’assureur, de sorte qu’elle serait inconstitutionnelle.
B. L’inflexibilité de la Cour constitutionnelle face à la prescription biennale.
La prescription biennale en droit des assurances interroge ; l’assuré.e est-iel en équilibre dans la balance face à l’assureur ?
En octobre 2021, la Cour Constitutionnelle est saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité. Les requérants affirment que le premier alinéa de l’article L114-1 du Code des assurances, soit le paragraphe établissant la prescription biennale, n’est pas conforme à la Constitution. Le principe d’égalité devant la loi et la justice de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 ne serait pas respecté [7]. Selon eux, l‘assuré.e serait dans une situation inégale d’une part envers les autres consommateurs, bénéficiant d’un délai de prescription de cinq ans pour les actions civiles. D’autre part, il serait en position d’infériorité vis-à-vis des assureurs, professionnels du droit des assurances, en position de force.
Suite à cette saisine, les juges de la rue Montpensier énoncent l’inexistence d’une inégalité et la constitutionnalité de l’article précité L114-1 du Code des assurances [8]. Ils estiment que la différence de traitement de l’assuré.e avec les autres consommateur.rice.s se justifie par une différence de situation.
En premier lieu, le contrat d’assurance se définit par la garantie d’un risque pour les assureurs se faisant en contrepartie du versement d’une cotisation par l’assuré.e. L’assureur couvre en effet toutes ou parties des conséquences dommageables de la réalisation d’un risque par la conclusion du contrat d’assurance.
Dans un second temps, les Sages soulignent que les assureurs n’échappent pas eux non plus au délai de prescription de deux ans pour leurs actions. En effet, les actions des assureurs dérivant du contrat sont soumises par la jurisprudence à la prescription biennale, et cette réciprocité semble pencher en faveur de l’assuré.e. A titre d’illustration, sont concernées les demandes des assureurs suite à des cotisations de l’assuré.e non acquittées ou encore les recours en paiement de l’indu, suite à une indemnisation versée plus importante qu’elle n’aurait dû être [9].
La décision de la Cour Constitutionnelle peut laisser à première vue perplexe face à la sévérité du champ d’application de la prescription biennale et oblige à se pencher sur le régime d’application de la prescription et sur sa réalité pratique.
II. Le régime assoupli de la prescription biennale et le constat d’une difficile application.
Afin de mesurer les aménagements de la prescription réalisés en faveur de l’assuré.e, seront présentés successivement le régime protecteur de la prescription biennale (A) et les entraves limitant l’utilisation de la prescription par l’assureur (B).
A. L’aménagement équilibré du régime de prescription.
Le délai de deux ans de la prescription connaît un certain nombre de nuances. Dans un premier temps, le départ du délai est prorogé si l’assuré.e ne se sait pas victime du sinistre au moment même où il naît [10]. Ainsi, le point de départ de la déclaration faisant courir le délai de prescription biennale peut être non pas la date de survenue mais la date à laquelle l’assuré.e a eu connaissance de son sinistre ou d’éléments permettant l’exercice de son droit.
En outre, si l‘assuré.e est en état d’invalidité ou d’incapacité, la prescription extinctive est constituée le jour de la consolidation de l’état de l’assuré.e [11]. Le législateur a aussi prévu la suspension de la prescription contre les mineurs non émancipés et les majeurs sous tutelle [12]. Par ailleurs, en cas de recours du tiers, l’assuré.e peut se retourner contre son assureur après l’échéance des deux ans, le départ du délai ne commençant que le jour où le tiers a exercé son action contre l’assuré.e [13].
Ensuite, la prescription biennale souffre d’exceptions, elle n’est pas de deux ans pour toutes les actions qu’il est possible d’intenter en matière d’assurances, ni pour toutes les personnes. En guise d’exemple peut être citée la prescription décennale dans le cadre des contrats d’assurance vie, lorsque la.le bénéficiaire est différent du souscripteur [14].
Enfin, la prescription peut être interrompue dans de multiples circonstances, de droit commun et de droit spécial. L’envoi d’une lettre recommandée en est la première illustration [15].
La simple information par l’assuré.e via lettre recommandée de l’existence du sinistre à son assureur n’interrompt toutefois pas la prescription [16]. L’indemnisation doit être expressément demandée dans l’écrit [17]. Il est aussi demandé à l’assuré.e d’avoir une attitude proactive suite à l’envoi de sa lettre, même s’iel n’est pas en mesure de transmettre à son assureur l’ensemble des éléments justificatifs complétant son dossier de sinistre ouvert.
Ainsi, le médiateur de l’assurance avait jugé que l’assureur habitation était fondé à opposer la prescription de son action lorsque son assuré lui avait fait part de son sinistre par lettre recommandée mais qu’il n’avait pas répondu par la suite à la demande de documents, tel un constat matériel signé. Ce n’est que trois ans après la déclaration du dudit sinistre, à la fin des travaux réalisés, que l’assuré était revenu vers son assureur pour se voir indemnisé [18].
La désignation d’un.e expert.e pour constater le sinistre permet aussi d’y mettre un terme, tout comme une citation, une demande en justice ou une exécution forcée [19]. La reconnaissance du droit à garantie par l’assureur [20], notamment par son indemnisation, même partielle de l’assuré.e, sera considéré comme un renoncement de sa part à la prescription [21].
Au vu de toutes ces particularités, il est pertinent de se demander si l’assureur a souvent recours à la prescription biennale.
B. La difficile application en pratique pour l’assureur.
Pour qu’un assureur invoque la déchéance de garantie, il doit ainsi s’assurer que l’action dérive du contrat. Il doit considérer aussi l’événement donnant naissance à la prescription, comme vu précédemment. Plusieurs conditions cumulatives doivent également être réunies, toutes paraissant favorables à l’assuré.e.
La première est que l’assureur est tenu d’informer les assuré.es de l’existence de cette échéance. Les dispositions de la loi concernant la prescription biennale doivent être expressément énoncées dans la police d’assurance et non seulement mentionnées, en application de l’article R112-1 du Code des assurances [22]. Le manquement à cette obligation entraîne par ailleurs l’inopposabilité de la prescription [23].
La seconde est que la jurisprudence a aussi conditionné l’invocabilité de la prescription à la mention des différents points de départ du délai [24] et des causes d’interruption de la prescription [25]. L’assureur est tenu d’apporter la preuve qu’il a rappelé ces dispositions du Code des assurances [26] et que l’assuré.e a eu connaissance des clauses de déchéance de garanties antérieurement à la réalisation du sinistre [27].
Ces clauses doivent par ailleurs être retranscrites en caractères apparents afin d’attirer l’attention de l’assuré.e pour qu’iel soit en capacité d’en mesurer la portée [28], par exemple en gras ou avec une taille de police plus importante. La Cour de cassation écarte également les clauses de déchéance de garantie figurant dans un document annexe à la police d’assurance et non insérées dans celle-ci [29].
Si ces conditions cumulatives ne sont pas présentes, l’assureur ne peut se prévaloir du retard dans la déclaration pour opposer la perte de la garantie. Tant d’exigences qui rendent l’applicabilité de la prescription complexe et peu pratiquée.
Discussions en cours :
Cas particulier, dans la prescription biennal dans le cadre des contrats d’assurance dommage ouvrage, lorsque la ou le bénéficiaire est différent du souscripteur (Promoteur Immobilier) ??
exemple lorsque l’acte de notarial fournit pas le notaire du promoteur lors de l’achat d’un logement neuf n’indique pas les conditions générales avec l’article L1141-1 ? L’assureur peut-il nous opposer des exclusions de garantie ( article L1141-1) qui n’ont jamais été portées à notre connaissance ?
Vous avez omis d’écrire quelques lignes sur le mécanisme de l’article L. 114-1 C. ass. face à l’article 1792 C. civ. (garantie décennale des constructeurs compte tenu des désordres évolutifs). L’article aurait été ainsi complet.
Est ce que la prescription biennale est opposable au tiers victime en responsabilité pour faute professionnelle de l’assuré ?
Le choix de l’écriture inclusive correspond à une approche anglo-saxonne, or le français est une langue de style, riche en vocabulaire et sémantique. Du coup, l’article publié est totalement illisible. Il serait opportun qu’un filtre existe pour que les articles en écriture inclusive soient réécrits avant publication.
Le langage inclusif français, qui peut aussi prendre le nom de langage “non sexiste”, “dégenré” ou “égalitaire”, est un ensemble de règles et de pratiques qui cherchent à éviter toute discrimination sexiste par le langage ou l’écriture. Cela se fait à travers le choix des mots, de la syntaxe, de la grammaire ou de la typographie. Le langage inclusif, c’est le langage qui n’exclut pas. qui va En 1899, Hubertine Auclert écrivait : “L’omission du féminin dans le dictionnaire contribue plus qu’on ne le croit à l’omission du féminin dans le droit. L’émancipation par le langage ne doit pas être dédaignée.”
Par analogie, on pourrait écrire que le Rock and Roll correspondait à une approche anglo-saxonne de la musique, avant qu’on ne se rende compte que c’était formidable.
Chaussez vos lunettes Messieurs Dames, ça va bien se passer.