Faits.
Alors qu’il participait à un barbecue avec des amis, un jeune homme de vingt ans était victime d’un tir de flashball. Il était touché au niveau de l’œil droit. Quelques jours après l’accident, il perdait finalement la vision de cet œil.
Le fonctionnaire de police à l’origine du tir était condamné par le Tribunal correctionnel pour violences volontaires aggravées ; par ailleurs, le tribunal ordonnait une expertise afin d’évaluer l’ensemble des préjudices subis par la victime.
Le jeune homme se rendait seul à l’expertise, sans être accompagné ni par un avocat ni par un médecin-conseil.
Un cabinet était saisi plusieurs années après le dépôt du rapport d’expertise.
La production en justice d’une expertise privée.
Le rapport apparaissant lacunaire, n’ayant notamment pas retenu certains postes pourtant objectivés et objectivables, ou minimisant certains autres postes de préjudices, il était demandé au médecin-conseil d’établir un rapport d’expertise privé.
L’avocat conseil de la victime a donc saisi en indemnisation sur la base de ce rapport d’expertise privé. Le Fonds de garantie basait quant à lui sa proposition indemnitaire sur la base du rapport d’expertise judiciaire, sans contester pour autant la valeur probante du rapport privé.
C’est ainsi que par décision du 17 octobre 2024, aujourd’hui définitive, la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions de Pontoise a considéré que pour évaluer les préjudices subis par la victime, il convient de retenir aussi bien l’expertise judiciaire que l’expertise privée au motif que :
« Les conclusions de l’expertise judiciaire ordonnées par le tribunal correctionnel ainsi que la note du Dr N., versées aux débats, non contestées par le Fonds de Garantie, reposent sur un examen sérieux de la victime et mérite de servir de base à l’évaluation du préjudice subi par celle-ci ».
La CIVI a ainsi majoré de manière significative les évaluations faites par l’expert judiciaire en s’appuyant sur l’argumentation du médecin la victime notamment :
- les souffrances endurées sont passées de 3/7 à 4/7, considérant que ce quantum est « plus adapté au regard de la nature et la durée des souffrances endurées ».
- le déficit fonctionnel permanent est passé de 25% à 35% considérant que « il convient de relever que le taux de déficit fonctionnel permanent de 25% fixé par le docteur F, ophtalmologiste, correspond à la seule perte fonctionnelle d’un œil. Afin de tenir compte également des migraines persistantes, du retentissement psychologique et de l’ensemble des répercussions sur les activités de la vie courante relevée par les experts, il sera justement retenu un déficit fonctionnel permanent de 35% ».
- l’assistance par tierce personne, rejetée par l’expert judiciaire, a été retenue par la CIVI et ce pendant une année entière. La décision étant motivée comme suit : « au regard de l’état psychologique du requérant suite à son hospitalisation ayant nécessité la présence et l’assistance quotidienne de sa famille et notamment de sa mère pour l’état cherche quotidienne les repas et les soins de l’œil et de son tympan ».
Cette décision est une grande victoire : elle a permis de solliciter une indemnisation intégrale de ses préjudices qui ont été plus justement indemnisés.
Il est malheureusement trop rare que les magistrats acceptent de s’écarter des conclusions de l‘Expert qu’ils ont eux-même désigné…
Aussi, il doit être rappelé, quand nécessaire, que l’article 246 du Code de Procédure Civile dispose que :
« Le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien ».
(CIVI Pontoise, 17 octobre 2024, RG 23/00486)