Les effets néfastes de la distinction victimes physiques/psychologiques.

Par Elsa Crozatier, Avocate.

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Explorer : # blessures psychiques # reconnaissance des victimes # indemnisation # perception sociétale

La distinction entre blessés physiques et blessés psychologiques doit être remise en cause afin de permettre une meilleure reconnaissance sociale et indemnitaire des victimes psychologiques.

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Une distinction créée par le Code Pénal.

Le Code Pénal met en évidence une distinction entre blessure physique et blessure psychique au travers du Chapitre intitulé « Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne ».

Il est probable que cette distinction ait été mise en œuvre afin de faciliter la reconnaissance et l’indemnisation des personnes souffrant de lésions psychiques à la suite d’un évènement traumatique (agression, attentat par exemple).

En effet, la difficulté de la reconnaissance et de l’indemnisation de telles afflictions réside dans le fait qu’elles sont impalpables et de fait, difficiles à identifier pour ceux qui en souffrent.

Pourtant, le handicap que ces lésions psychiques engendrent et les épreuves qu’elles génèrent dans la vie des personnes atteintes est majeur et doit impérativement être réparé en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice.

Les blessés psychiques ne jouissent aujourd’hui pas, aux yeux de la société, du statut de victime à part entière au même titre que les blessés physiques.

Les victimes blessées psychiquement présentent souvent des difficultés à s’identifier comme des victimes, s’estimant souvent chanceuses d’avoir évité des atteintes corporelles.

Pourtant, le cerveau est partie intégrante du corps, en tant qu’organe. C’est pour cette raison d’ailleurs que les victimes psychologiques sont prises en charge et traitées par un médecin, le psychiatre.

Les lésions et symptômes cliniques psychiques sont susceptibles d’entraver la vie courante des victimes au même titre que les blessures physiques.

Ainsi, il n’est pas rare que les victimes d’évènement traumatique, lourdement handicapées par leurs symptômes psychiques, se voient reconnaître une inaptitude au poste ou sont confrontées à une nécessaire reconversion. Pourtant, le fait pour ces victimes de ne plus réussir à travailler est jugé négativement par la société qui ne comprend pas leur inactivité, interprétée comme de la mauvaise volonté. Cette perception semble en revanche tout simplement inconcevable vis-à-vis d’une victime physique ayant perdu la vue ou l’usage d’un membre par exemple.

La différenciation entre victime psychique et physique emporte également des manifestations sur le plan thérapeutique. En effet, les victimes physiques bénéficient immédiatement d’un soutien psychologique et/ou d’une prise en charge psychiatrique. Il devrait en être de même pour les victimes psychologiques qui au contraire, peuvent demeurer en situation d’errance thérapeutique. Le traitement accordé aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 s’est avéré particulièrement éloquent à cet égard.

Cette différence de perception se matérialise également au plan médico-légal et au niveau indemnitaire.

Il ressort du barème médico-légal, appliqué dans le cadre des d’expertises médico-judiciaires, que les victimes blessées psychiquement, même celles subissant un stress post-traumatique majeur, ne se voient reconnaitre qu’un déficit fonctionnel permanent mineur en comparaison à leurs blessures.

Pourtant, leurs retentissements psychologiques, les réviviscences nocturnes comme diurnes, les crises d’angoisse, les troubles du sommeil, la perte de concentration, le changement de vison de la vie, sont autant de symptômes qui peuvent impacter le quotidien des victimes.

Elles devraient ainsi bénéficier de la même reconnaissance qu’une victime physique.

Finalement, cette distinction entre blessure psychique et blessure physique n’a pas lieu d’être, le cerveau étant un organe comme les autres.

Ainsi, la distinction blessures physique/blessure psychique ne semble pas parfaitement pertinente.

Reste à savoir donc, si la suppression de cette distinction au plan juridique et une meilleure reconnaissance dans le cadre du barème médico-légal pourraient entraîner un changement du regard sociétal porté sur les blessés psychiques afin de leur apporter la reconnaissance du statut de victime à part entière à laquelle ils ont droit.

Elsa Crozatier, Avocate à la Cour, droit du dommage corporel
www.crozatier-avocats.com

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