Séparation et désolidarisation de prêt immobilier : choses à savoir et pièges à éviter.

Par Réda Bey, Notaire.

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Explorer : # désolidarisation de prêt # solidarité des emprunteurs # rachat de prêt # refus de désolidarisation

Un couple emprunte solidairement pour acheter un bien immobilier en indivision. Il peut s’agir d’époux mariés en séparation de biens, de partenaires pacsés ou encore de concubins vivant en union libre. En cas de séparation du couple et de partage du bien, se pose inévitablement la question du sort du prêt immobilier. Voici les principales choses à savoir et les pièges à éviter.

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Qu’implique la solidarité des emprunteurs ?

La solidarité implique que la banque prêteuse peut choisir de réclamer le remboursement de la totalité du prêt à l’un ou l’autre des emprunteurs solidaires. Elle n’est pas tenue de respecter les pourcentages de propriété qui ont pu être prévus dans l’acte notarié d’acquisition. Elle n’a pas non plus à tenir compte d’un éventuel accord entre les emprunteurs sur la part de prêt supportée par chacun.

Dans un second temps, l’emprunteur qui a remboursé la totalité de la dette peut se retourner contre l’autre emprunteur pour lui réclamer le remboursement de sa part.

En pratique, il risque cependant de se heurter à l’insolvabilité de ce dernier et ne pas pouvoir être remboursé.

La « désolidarisation » des emprunteurs permet d’éviter ce risque.

Comment parvenir à la désolidarisation des emprunteurs ?

Dans tous les cas, l’acte notarié de partage doit prévoir que l’indivisaire qui reste seul propriétaire du bien immobilier, s’engage en contrepartie à supporter seul l’intégralité du solde du prêt. Il est question de « soulte par inégale répartition du passif ».

Cette clause est nécessaire mais non suffisante. Elle n’est pas opposable à la banque, ce qui signifie que cette dernière n’est pas obligée de l’appliquer. La clause ne s’impose qu’entre les emprunteurs.

Pour que l’emprunteur qui ne conserve pas le bien immobilier soit définitivement libéré de son engagement vis-à-vis de la banque, deux principales solutions existent :

  • Le « rachat » de prêt : l’emprunter qui conserve le bien immobilier contracte seul un nouveau prêt qui est utilisé pour rembourser l’ancien prêt par anticipation.

Cette solution peut même permettre de réaliser des économies lorsque les taux d’intérêts ont baissé depuis la souscription du premier prêt.

En revanche, elle implique le plus souvent de payer une indemnité de remboursement anticipé à la première banque (plafonnée à 6 mois d’intérêts et 3% du capital restant dû).

De plus, cette solution est désavantageuse en période d’augmentation des taux d’intérêts et elle présuppose dans tous les cas que l’indivisaire qui contracte le nouveau prêt ait des revenus suffisants pour pouvoir emprunter seul.

  • La libération du coemprunteur solidaire avec l’accord de la banque : quelle que soit la technique juridique employée (cession de dette, avenant, etc.), le résultat recherché est toujours le même, à savoir que la banque accepte de conserver l’un des coemprunteurs pour seul et unique débiteur du prêt et, corrélativement, d’en libérer l’autre emprunteur.

Cette libération prend la forme d’un accord écrit, sans réserve ni condition, ou d’un avenant au contrat de prêt signé par toutes les parties.

Là encore, la banque s’assurera que l’emprunteur restant dispose de revenus suffisants pour assumer seul le prêt.

Il faudra également revoir les conditions de l’assurance-emprunteur pour vérifier qu’elles correspondent bien à la nouvelle situation par exemple, si l’assurance garantissait chaque emprunteur à hauteur de 50% du prêt, il faudra la modifier ou la remplacer pour qu’elle garantisse l’emprunteur restant à 100%.

Que faire si la banque refuse la désolidarisation ?

Si la banque refuse la désolidarisation, il vaut peut-être mieux procéder à un rachat de prêt par une autre banque, même si le taux du nouveau prêt s’avère moins avantageux.

À défaut, si le rachat de prêt n’est pas possible, il faut peut-être se résoudre à vendre le bien, solder le prêt, et se partager le solde net du prix s’il en reste.

En dernier recours, si les coemprunteurs décident malgré tout de se passer de l’accord de la banque et de se contenter de l’engagement conclu entre eux dans l’acte de partage, ils doivent impérativement prêter attention aux points suivants :

  • Il faut s’assurer que le contrat de prêt ne prévoit pas une clause de déchéance en cas de partage du bien sans l’accord préalable de la banque. En effet, si tel et le cas, la banque sera en droit de réclamer immédiatement l’intégralité du solde du prêt en cas de signature d’un acte de partage sans son accord écrit et préalable.
  • Il est vivement conseillé de prendre une hypothèque sur le bien immobilier. Cela permettra à l’indivisaire qui ne conserve pas le bien d’être néanmoins informé si celui-ci venait à être vendu. Il sera alors sollicité pour donner son accord de mainlevée de l’hypothèque. Il pourra au préalable s’assurer que le prix est bien utilisé à due concurrence pour solder le prêt. Surtout, l’hypothèque, pourvue qu’elle soit en premier rang, lui permettra d’être prioritaire sur le bien s’il lui faut se retourner contre l’autre indivisaire après avoir été contraint de rembourser la banque.

Dans tous les cas, il faut bien avoir conscience qu’en l’absence de libération avec l’accord de la banque, l’indivisaire concerné s’expose à devoir payer le prêt sans garantie absolue de pouvoir être facilement remboursé par l’autre indivisaire.

Maître Réda Bey
Notaire
Les Artisans Notaires
http://an.notaires.fr

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Discussions en cours :

  • par Mme Cardoso , Le 26 mars à 15:45

    Bonjour
    Mon mari et moi allons divorcer
    Nous avons acheté un bien immobilier avec crédit
    Nous voulons garder le bien en indivision en restant tout les deux copropriétaires
    Ma question est la suivante est ce que mon ex mari si il veut acheter un autre bien immobilier pour lui même est faisable ?

  • Dernière réponse : 11 mars à 00:14
    par Maud , Le 22 janvier à 19:20

    Bonjour,

    Dois je me désolidariser du prêt immo avant ou après que mon ex conjoint est racheté mes parts ?

    Je vous remercie par avance

    cordialement

    • par Me Bey , Le 28 février à 09:34

      Bonjour,
      Il faut obtenir un accord de principe de la vente avant de signer l’acte notarié ou, à défaut, signer l’acte sous condition suspensive de l’accord de la banque.
      Cordialement.

    • par Eddy , Le 11 mars à 00:14

      Bonjour,
      Ma banque a accepté de désolidariser ma conjointe de notre prêt immo, j’ai donc conservé le prêt initial,
      est ce que nous sommes tenu par la loi de passer par le notaire ?
      Sachant que je veux qu’elle reste propriétaire à 50% du bien pour protéger mes enfants en cas de décès de moi même avant leur majorité du moins qu’ils puissent s’assumer..
      Merci beaucoup de votre réponse.
      Bien à vous

  • Dernière réponse : 3 mars à 09:18
    par michel , Le 15 janvier à 15:46

    Bonjour, Mon notaire refuse de faire une désolidarisation avec "acte de partage" frais réduit à 2.5 % sous prétexte que nous sommes en union libre (pas de contrat de mariage ni pacs) Il applique donc les frais notariés "acte de vente" à 7.5% comme si, il y avait vente du bien à l’autre partie indivisionnaire (madame en l’occurrence qui cède sa part ) .
    Est ce normal ? peut on pour détourner cela par un PACS réalisé en Mairie ? et présenter un justificatif du couple Pacsé.

    • par Me BEY , Le 22 janvier à 17:09

      Bonjour,

      Votre question ne concerne pas la désolidarisation, mais la fiscalité du partage. Je vais néanmoins y répondre : au plan fiscal, les cessions de droits indivis (qualifiées en pratique de « licitation ») et les partages avec soulte sont, en principe, considérés comme des ventes. Il en résulte que la fiscalité applicable est la même que celle des ventes classiques.

      Il existe toutefois un régime de faveur avec un taux réduit à 1,10 % pour les partages consécutifs à un divorce ou à la séparation de partenaires de Pacs. Si le partage n’est pas consécutif à une séparation, le taux est de 2,5 %. Cependant, effectivement, cela ne concerne que les personnes mariées ou pacsées.

      Si vous vous pacsez dans un but exclusivement ou principalement fiscal, il y a un risque que le fisc vous redresse et applique des pénalités pouvant aller jusqu’à 80 %. Prudence donc !

      Cordialement.

    • par Aj , Le 1er mars à 13:24

      Bonjour.
      Nous divorcons et mon mari souhaite me laisser la maison (sans soulte) et nous demandons donc une desolidarisation du prêt immobilier.

      Nous avons rdv chez la notaire mardi.
      Je me posais la question des frais notariale de tout cela.
      En effet, nous nous séparons sans méchanceté et en ayant pour objectif le bien de nos enfants mais les frais que ça engendre nous choque au fur et à mesure de la procédure. Nous sommes très inquiets
      Merci

    • par Me BEY , Le 3 mars à 09:18

      Bonjour,
      Votre notaire vous expliquera tout ceci en détail et estimera les frais.
      Notez toutefois que s’il n’y a pas de soulte, cela doit avoir une justification sans quoi l’administration fiscale pourrait y voir une donation imposable.
      Il pourrait par exemple s’agir d’une prestation compensatoire en nature. Tout dépend du contexte.
      Cordialement.

  • Dernière réponse : 28 février à 09:22
    par ERRARD LAPERCHE SABRINA , Le 24 février à 18:53

    Bonjour, le 15 janvier 2025 le notaire a établi une licitation, donc la co emprunteuse est enfin retirée de la maison de mon mari (son ex concubine). On a transmis de suite l’acte notarié à la banque en sachant que mon mari depuis 2010 paie tout seul les mensualités ça a été prouvé et l’assurance co emprunteur depuis 14ans bientôt 15.
    La banque depuis cette date ne fait rien et en plus vient de nous dire que mon mari ne pourrait pas reprendre le prêt seul allo quoi ?? 979 chaque mois il paie depuis 14 ans, mais à part ça il ne peut pas.

    Donc ça veut dire que l’assurance co emprunteur court toujours aussi depuis déjà deux mois aussi...
    Je suis désespérée de voir cela.

    Pourriez vous m’aider dans ce sens ??

    • par Me Bey , Le 28 février à 09:22

      Bonjour,
      Si la banque refuse, je ne vois que deux solutions :
      - Faire "racheter" le prêt par une autre banque, à condition bien sûr d’en trouver une qui accepte.
      - Ou que l’autre indivisaire accepte de prendre le risque de rester solidaire vis-à-vis de la banque. Dans ce cas, il faut aussi que le contrat de prêt ne prévoit pas une clause de déchéance du terme ou que la banque accepte de ne pas la faire jouer.
      Cordialement.

  • Bonjour,

    Nous divorcons à l amiable au près du notaire. Pas de papier du juge pour le partage des biens.

    Mr souhaite avoir la maison et finir de payer le prêt . Je suis d accord. Je ne veux rien. Je ne suis pas sur que la banque acepte.

    Est qu un acte notarié obligerait la banque a acepter la desolidarisation ?

    Quel sont les procédure svp ?

    • par Me Bey , Le 28 février à 09:26

      Bonjour,
      Un acte notarié entre les indivisaires ne peut en aucun cas obliger la banque si elle n’est pas d’accord.
      Cordialement.

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