Le Code civil dispose que
« nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention » [1].
En pratique, la sortie de l’indivision peut s’avérer complexe, longue et onéreuse.
Dans l’absolu, le seul moyen de mettre fin à une indivision est de procéder au partage (ou, ce qui revient au même, à une cession de droit indivis).
Si le ou les biens indivis peuvent être partagés en nature, le partage se traduit par l’attribution de lots aux indivisaires, amiablement ou, à défaut, par tirage au sort.
Si le bien n’est pas partageable en nature (cas d’un unique bien immobilier, par exemple), il est d’abord vendu, à l’amiable ou, à défaut, aux enchères publiques. Le prix est ensuite partagé entre les indivisaires.
À défaut d’accord entre les indivisaires, la voie classique pour sortir de l’indivision est celle du partage judiciaire demandé au tribunal. Il s’agit d’une procédure longue et complexe qui peut aboutir en bout de course à la vente du bien aux enchères publiques. D’autres procédures existent, qui peuvent se révéler moins lourdes et plus rapides. En voici une brève présentation.
Représentation d’un indivisaire défaillant par un mandataire ad hoc.
L’hypothèse visée est celle où un indivisaire ne répond pas aux propositions qui lui sont faites de participer au partage amiable. Encore faut-il qu’il n’existe pas de raison objective à l’absence de réponse : l’indivisaire en cause ne doit pas être présumé absent, au sens juridique, ou se trouver hors d’état de manifester sa volonté en raison de son éloignement (hypothèse de plus en plus rare à notre époque). En présence d’un indivisaire hors d’état de manifester sa volonté, il est parfois possible de se faire habiliter en justice à le représenter pour procéder à la vente amiable du bien indivis [2].
L’indivisaire qui refuse de répondre peut être mis en demeure, par acte de commissaire de justice, de se faire représenter au partage amiable. Cette mise en demeure peut être faite à l’initiative de l’un quelconque des indivisaires.
L’indivisaire défaillant dispose alors d’un délai de 3 mois pour désigner un mandataire. À défaut, il est possible de demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu’à la réalisation complète du partage [3].
La demande est formée par requête au président du tribunal judiciaire [4].
Licitation du bien à la majorité des 2/3 des droits indivis.
La vente d’un bien indivis peut être provoquée à la demande d’un ou plusieurs indivisaires qui sont titulaires d’au moins 2/3 des droits indivis [5]. Cette procédure n’est pas applicable lorsque le bien est démembré (usufruit, d’une part et nue-propriété, d’autre part).
Cette procédure peut avoir pour intérêt de faire sortir un indivisaire minoritaire de son silence voire de le décider à vendre. En revanche, comme nous allons le voir, à défaut d’accord comme en l’absence de réponse, la vente s’effectue par licitation, c’est-à-dire aux enchères judiciaires.
La procédure est relativement lourde :
- Les indivisaires titulaires d’au moins 2/3 des droits indivis doivent exprimer devant notaire leur intention de procéder à la vente du bien indivis.
- Dans le délai d’un mois, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires.
- Les autres indivisaires disposent ensuite d’un délai de 3 mois pour s’opposer.
- Si un ou plusieurs indivisaires s’opposent ou ne se manifestent pas, le notaire le constate dans un procès-verbal.
- Le tribunal judiciaire peut ensuite autoriser la vente du bien indivis par licitation, mais seulement s’il estime que la vente ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires.
La demande est formée par assignation devant le tribunal judiciaire.
Vente amiable sur autorisation judiciaire.
Cette procédure peut être utilisée lorsqu’un ou plusieurs indivisaires refusent de donner leur accord pour la vente amiable du bien indivis et que ce refus met en péril l’intérêt commun de tous les indivisaires [6].
Cette procédure présente des avantages indéniables sur la précédente :
- Elle ne nécessite pas de majorité particulière et peut être intentée par l’un quelconque des indivisaires, même minoritaire.
- Elle peut permettre la vente amiable du bien indivis plutôt que sa vente aux enchères judiciaires.
La procédure est moins lourde et moins longue que celle de l’article 815-5-1 du Code civil. Il faudra néanmoins disposer d’éléments pour caractériser le refus du ou des indivisaires opposants.
La demande est formée par assignation devant le tribunal judiciaire.
Cette procédure suppose de démontrer que le refus des autres indivisaires de consentir à la vente du bien indivis met en péril l’intérêt commun.
L’existence d’un péril à l’intérêt commun est appréciée au cas par cas. On peut en donner quelques exemples :
- Lorsque la vente du bien doit permettre de payer les droits de succession [7].
- Lorsque les indivisaires sont poursuivis par un créancier et que cela peut aboutir à la vente du bien aux enchères [8].
- Lorsque l’état du bien ne fait que se dégrader entraînant une baisse inéluctable de sa valeur.
- Lorsque le marché immobilier local est orienté à la baisse et que différer la vente risque de déprécier la valeur du bien.
- Lorsque le bien génère des charges importantes.
Certaines décisions apprécient le péril à l’intérêt commun de manière particulièrement large, surtout lorsque le bien est occupé privativement par l’un des indivisaires entravant ainsi sa vente.
Dans une affaire [9], il a été jugé que l’opposition d’un indivisaire à la vente du bien indivis était suffisamment établie par les circonstances suivantes :
- L’indivisaire n’a pas signé les mandats de vente et propositions de vente transmis par l’autre indivisaire.
- Il n’a pas entrepris la moindre démarche en vue de la vente pour démontrer sa bonne volonté et la réalité de son investissement personnel.
- Il n’a contacté aucune agence immobilière, n’a fait réaliser aucune estimation récente et n’a inséré aucune annonce sur un site internet.
Les juges ont estimé que le péril à l’intérêt commun était caractérisé par le fait que l’indivisaire opposé à la vente occupait privativement le bien indivis, empêchant ainsi tout accès de l’autre indivisaire, qui était de ce fait impuissant pour engager le processus de vente.
Vente amiable sur autorisation judiciaire par la procédure accélérée.
Cette procédure, prévue à l’article 815-6, alinéa 1ᵉʳ du Code civil, est proche de la précédente. Elle nécessite pareillement d’établir que l’opposition à la vente par un ou plusieurs indivisaires met en péril l’intérêt commun. Elle suppose en outre qu’il y est urgence.
L’urgence peut être caractérisée, par exemple, par l’expiration du délai imparti aux héritiers pour régler les droits de succession, à peine d’intérêts de retard et de majorations fiscales, par l’état dégradé du bien, etc.
L’intérêt de cette procédure est qu’elle est plus rapide. La demande est portée devant le président du tribunal judiciaire selon la « procédure accélérée au fond » [10].
La procédure de l’article 815-6, alinéa 1er, du Code civil est sans doute l’une des voies judiciaires les plus rapides pour sortir d’une indivision conflictuelle, lorsqu’il existe une raison objective de vendre le bien rapidement.