La garde partagée : pour ou contre ?

Par sarah El Hammouti, Avocat.

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Explorer : # garde alternée # intérêt de l'enfant # séparation des parents # avantages et inconvénients

On entend beaucoup parler de la garde alternée sans trop savoir de quoi il s’agit… La garde alternée est loin d’être la norme : seuls 18% des couples qui divorcent à l’amiable choisissent cette solution. Pourquoi ?
Pour les mères, le fait d’être sans l’enfant une semaine sur deux n’est pas envisagée comme une attrait. Dans ce mode de garde, l’inquiétude, la culpabilité sont trop souvent de mise.
Certains parents évoquent également un sentiment d’enfermement contraignant dans une situation. Naissent de nouvelles difficultés pour se loger, appréhender les départs, les retours, déménager, subir l’angoisse des départs et des retrouvailles...
La loi alimente les peurs des parents et des pédopsychiatres quant à l’épanouissement de l’enfant.
Il est donc essentiel de revenir sur les aspects de la garde alternée, un moyen de garde spécifique (I) ainsi de voir en quoi ce mode de garde pose question (II).

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I) La garde alternée, un moyen de garde spécifique

A) Définition légale

La garde partagée est un mode de partage de l’autorité parentale prévu en cas de séparation ou en cas de divorce des parents. La garde alternée est reconnue en France depuis la loi du 4 mars 2002 et est apparaît dans le Code civil, dans son article 373-2-9 du Code civil.

« En application des deux articles précédents, la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
A la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée. Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
Lorsque la résidence de l’enfant est fixée au domicile de l’un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent. Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut, par décision spécialement motivée, être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.
Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux, le juge en organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires. Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée. »

Découle de cet article un mode de vie pour les enfants en garde alternée particulier : ces derniers vivent alternativement chez l’un et l’autre de leurs deux parents pendant des durées à peu près similaires.

Il existe deux modalités de mise en place de la garde alternée : d’un commun accord ou sur décision du juge aux affaires familiales.

Dans les deux cas, sa mise en place s’effectue à partir du moment où le couple se sépare (de fait ou de corps) ou bien divorce.

La décision de garde alternée doit préserver l’intérêt des enfants et n’est possible que si les logements des deux parents sont suffisamment proches.

Si les deux parents sont d’accord pour opter pour la garde alternée sans être séparés de corps, ils ont tout intérêt à entamer une procédure de médiation familiale. C’est au cours de celle-ci qu’un protocole d’accord sera rédigé, soumis ensuite au juge ou non.

Si les parents se séparent de corps, la décision de la garde alternée est prise au moment de l’audience devant le juge aux affaires familiales. Si les deux parents sont d’accord, ils peuvent rédiger conjointement une convention parentale. Libre au juge d’homologuer ou non la convention.
Dans le cas de divorces contentieux, l’accord entre les deux époux est rarement au rendez-vous : c’est donc le juge qui décide du mode le plus approprié de garde, en fonction de l’intérêt des enfants.

La garde alternée ne rend pas forcément caduques les demandes de pensions alimentaires. Lorsque l’écart de niveau de vie est très important, la garde alternée peut être accompagnée du versement d’une pension alimentaire par l’un des parents à l’autre parent.

B) Applications pratiques

La jurisprudence donne de nombreux exemples de résidence alternée prononcée malgré le désaccord ou le conflit des parents. Sans vouloir être exhaustive, voilà un panel de décisions éclairant, dans lesquelles est toujours mis en exergue l’intérêt supérieur de l’enfant et la nécessité d’ « un minimum d’entente entre les parents ». (Cour d’appel d’Agen du 21 février 2008). Cependant, certains magistrats font de l’accord des parents une des conditions essentielles de la résidence alternée. La cour d’appel de Douai affirme le 7 juin 2012 (n°11/05226) « qu’il résulte d’une jurisprudence constante que pour être valablement instaurée, la résidence alternée suppose dans l’intérêt supérieur de l’enfant un authentique consensus entre les parents sur les méthodes éducatives à mettre en œuvre, et que prévalent entre ces parents une véritable communication, un dialogue apaisé et serein ».

Le jugement du juge des affaires familiales du T.G.I d’Evreux en date du 2 octobre 2009 a exprimé « qu’il est de l’intérêt de l’enfant de maintenir des relations constantes et soutenues avec chacun de ses deux parents et fixe la résidence de l’enfant en alternance chez le père et la mère ». La cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 22 juillet 2011 (no 11/04027), fixe une résidence alternée en affirmant que « la seule mésentente des époux ne saurait, à elle seule, établir l’impossibilité manifeste de mettre en place une résidence alternée alors qu’aucun incident n’est invoqué depuis l’ordonnance de non-conciliation critiquée ». La cour constate que « la mésentente entre les parents est telle qu’ils ne parviennent pas à communiquer raisonnablement », le juge leur recommande d’envisager plusieurs mesures, dont la médiation, pour parvenir à s’entendre sur l’avenir de leur enfant.

La résidence alternée n’est pas adaptée lorsque les parents sont en conflit car cela pose des problèmes au niveau de sa mise en place. La cour d’appel de Paris, par arrêt du 11 juillet 2008 considère que « une résidence alternée, avec tut ce qu’elle comporte d’échanges d’informations mutuelles, de nécessaire dialogue serai face à des difficultés quotidiennes, n’apparaît pas en l’état adaptée. »

Contrairement aux idées reçues, le jeune âge ne constitue pas un obstacle à son instauration (Cour d’Appel de Caen, arrêt du 25 janvier 2007, n°32386 ; Cour d’Appel de Paris, arrêt du 20 septembre 2012, n° 10/12609).

Quid de la charge fiscal de l’enfant ?
L’arrêt de la Cour de cassation, Chambre civile, rendu le 09/09/2015, cassation (14-23687) retient que les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l’un et de l’autre parent et que cette présomption peut être écartée s’il est justifié que l’un d’entre eux assume la charge principale des enfants.
En l’espèce, après le divorce, un père a engagé une procédure dans le but de bénéficier de l’intégralité des parts fiscales apportées par les enfants. La cour d’appel a rejeté sa demande au motif que la législation fiscale prévoit qu’en cas de résidence alternée, chacun des parents se voit rattacher la moitié des parts fiscales apportées par les enfants.

Afin qu’une résidence alternée soit mise en place, il conviendra dans un second temps de vérifier que certaines conditions matérielles sont réunies : aménagement des horaires de travail des parents ou encore proximité géographique entre ces derniers afin qu’ils puissent s’organiser et s’occuper au mieux de l’enfant (CA Versailles, 14 février 2013, n°12/01885 ; CA Versailles, 2 juin 2016, n°16/01171). Il sera cependant précisé que la résidence alternée n’est pas pour autant exclue lorsqu’un parent exerce une profession impliquant des horaires particuliers (A titre d’exemples, pour un parent médecin hospitalier CA Versailles, 11 mars 2010, n°09/01375 ; chauffeur routier, CA Angers, 21 mai 2012, n°11/01441 ; ou steward de l’aviation civile CA Montpellier, 5 février 2013, n°12/00203 ; CA Rennes, 29 janvier 2013, n°12/00252).

Cependant ce type de mode de garde pose énormément de problématique notamment quant à l’aspect psychologique de l’enfant.

II) Un mode de garde posant question

De lourds problèmes sont souvent signalés au centre d’appels Allo Parents Bébé. Même si, au début, les mamans y vont de gaieté de cœur car elles pensent que c’est la meilleure solution, elles s’aperçoivent à l’usage que la garde alternée ne convient pas à leur enfant. Il y a des choses très marquées comme les troubles du sommeil, mais aussi le sentiment d’abandon ressenti par les jeunes enfants. Ces derniers ont peur de la séparation et peuvent alors s’opposer davantage à leur mère.

A) Les avantages

De nombreux avantages sont apportés avec ce mode de garde.

L’enfant, à travers la complémentarité des valeurs transmises par chaque foyer et tous ceux qui composent les nouveaux foyers, gagne en richesse socio-culturelle.

De plus, son développement de la capacité d’adaptation et d’autonomie va grandissant : intégrer les règles, gérer ses affaires personnelles, s’organiser, vivre avec d’autres personnes dans 2 foyers différents.

En effet, les parents ont la possibilité de s’impliquer autant dans l’éducation de leurs enfants.
Cela permet à l’enfant de voir ses deux parents impliqués au lieu d’en laisser un ne plus assumer sa responsabilité (gestion des devoirs, respect des règles de vie, ...)

Le temps de présence élargi de l’enfant entraîne des liens renforcés avec les deux parents.

B) Les inconvénients

Cependant, le tableau n’est pas si rose.

L’un des risques à souligner est celui de la perte des repères des enfants vivant dans deux foyers dont les valeurs principales s’opposent.

De nombreux psychologues s’accordent à dire que les enfants ont besoin de sécurité et de leur figure d’attachement, représentée par la mère, jusqu’à l’âge de 3 ans environ. La garde alternée avant 3 ans risque de développer un risque d’insécurité et de désorientation important.

Sa maison est, de la même façon, un point d’ancrage très fort chez un jeune enfant, qui lui apporte toute la sécurité dont il a besoin pour découvrir la vie sereinement.
C’est principalement pour ces raisons, que l’on ne recommande pas la garde alternée jusqu’à 3 ans, voire 6 ans selon les cas.

A l’adolescence la garde alternée est compliquée à maintenir pour plusieurs raisons : le besoin de continuer à se construire avec le parent qui répond le mieux à ses attentes (ce sera souvent son parent du même sexe), la nécessité d’une organisation plus poussée liée à son évolution scolaire (gestion des livres, des devoirs de groupe, ....), l’envie de rester tout le temps au plus près de ses amis, qui prend une importance considérable à cet âge !

Par ailleurs, l’énergie déployée à s’adapter, à changer de rythme, à se déshabituer et se réhabituer peut venir diminuer l’énergie nécessaire à l’enfant demandée dans l’apprentissage et la sociabilisation.

La conséquence peut être un décrochage scolaire, une difficulté à se faire des amis. Les activités des enfants dépendent de l’organisation des parents et peuvent parfois être freinées : impossibilité d’inscrire à une activité sportive régulière si les 2 parents ne peuvent pas s’organiser.

Sarah EL HAMMOUTI

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Discussions en cours :

  • par Ha , Le 23 février 2020 à 22:52

    L’ensemble des études scientifiques montrent que la garde alternée est bénéfique à l’enfant et ceux à tout âge.
    La mère figure d’attachement unique et un concept dépassé.

    merci de vous mettre à jour concernant les besoins des enfants au travers de ce qui ce fait au mieux et de ne pas rester cantonner à des “psychologues français” toujours en retard sur leur temps...

  • Dernière réponse : 5 janvier 2020 à 09:15
    par DANIEL BENITIER , Le 20 juillet 2019 à 23:56

    Bravo très clair,j ai fait u e demande de résidence alternée pour mes 3fils, 14, 12et 9 ans. La mère qui est au courant, ne sestjamais opposée directement à moi sur ma demande,mais semble construire insidieusement les enfants contre.
    Médiation prévue en septembre, attente.
    Biens à vous
    Les réponses sont claires

    • par MadamePart , Le 5 janvier 2020 à 09:15

      Bonjour,
      Ma femme veut divorcer et avoir la garde.
      Elle propose que je les ai le mardi soir au mercredi soir en semaine et 1 we sur 2 et me laisserait aller les chercher à l’école le soir comme nous le faisons actuellement.
      Nos enfants ont 4+ et 21 mois et sont des filles.
      Qu’elle est la meilleure solution pour elles ?
      Je dis oui ou je dois batailler avec les risques évoqués ?
      Merci

  • par Mme Rachel S , Le 13 mai 2018 à 07:42

    Article très complet sur la garde alternée et toutes les difficultés liées. Développement fluide est clair. La satisfaction des besoins affectifs et relationnels d’un enfant n’est pas liée au temps passé ensemble, mais à la qualité de la présence. Le divorce est une rupture entre les parents et non pas entre l’enfant.

  • par Cyfer Louis , Le 15 juin 2018 à 14:12

    Non, on ne parle ici que des effets des terribles axiomes en amont et dont personne ne veut parler :
    Le texte suivant se situe en dehors des cas d’alcoolisme, drogue et autres :

    - Donnée axiomatique négative : Une seule personne prend la décision : le Juge aux Affaires familliales : normal ? non.
    conséquences : désastreuses (suicides, rupture lien parental,enfant cassé psychologiquement )

    - Donnée axiomatique négative : Le juge décide en relisant ses petites notes griffonées à l écoute distraite d une avocate enragée : conséquences : la lecture de ses notes n est pas suivipar une vraie étude , donc aucune vérification : ce qui signifie que tout mensonge peut être dit devant un Juge, il les notera comme une vérité et prendra sa décision fondée sur des mensonges.

    - Donnée axiomatique nagative : Mauvaise communication = interdiction de prononcer une garde laternée, c est automatique : dès lors, tres facile pour les mères mal intentionnées d’orchestrer cette mauvaise comunication.

    - Donnée axiomatique positive oubliée ou que l on ne veut pas se rappeler : le lien parental : la liaison enfant-parent : volontaitement oubliée, cet "oublie" engendre une conséquence terrible : un jugement à l ’emporte pièce fondé sur des mensonges et qui se traduit par un crime contre l’humanité : Ordonner la séparation d un parent de son enfant est un crime.

    Pour ne pas rentrer dans ces vérités axiomatiques, le Juge et tout le cortege institutionnel détient une phrase clé , qu ils lancent à la figurent des parents : et que faites vous de l intérêt supérieur de l’enfant ?" : c’est ainsi qu’un enfant a toute les possibilités de se retrouver dans un climat anxiogène , séparé d un parent qu il aime, violenté psychologiquement et physiquement, aliéné au possible : et cette situation est appelée : l intérêt supérieur de l’enfant.

    Enfin, personne, mais alors personne ne se pose la question : si ce parent demande la garde exclusive, comment considère-t-il donc l’enfant ? : qu’est ce que la vie de l’enfant sans les 2 polarités ? qu’est ce l’AMour ? qu’est que deviennent les vertus ? posez ces questions aux parents qui demandent la garde alternée et constatez qu’elles sont dans l incapacité d’y répondre....dans l ’intérêt supérieur de l’enfant ?

  • par Roudmane , Le 12 mai 2018 à 19:46

    On ne se rend pas compte des conséquences de la garde alternée sur l’enfant.

    Notre droit apporte de nombreux aménagements pour régler en amont cette difficulté.

    Merci pour cet éclaircissement.

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