La rupture conventionnelle collective : quelle est cette nouvelle mesure bouleversant les rapports de travail ?

Par Sarah El Hammouti, Avocat.

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Explorer : # rupture conventionnelle collective # flexibilité du travail # accord collectif # droit du travail

La rupture conventionnelle constitue l’une des nouvelles mesures bouleversant les rapports de travail. Disposition prévue au chapitre 7 des ordonnances du 22 septembre 2017 relatif à « l’Amélioration et sécurisation des plans de départs et des congés de mobilité ». Elle fait jaser plus comme le démontre l’actualité riche concernant les groupes PSA et PIMKIE.
Il est donc essentiel de revenir sur les aspects de la rupture conventionnelle collective (I) ainsi que les garanties apportées par les ordonnances afin d’éviter tout abus en vue d’un détournement des règles du licenciement pour motif économique (II).

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I/ La nouveauté de la rupture conventionnelle collective

L’article L.1237-17 du Code du travail prévoit que :
« Un accord collectif portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou rupture conventionnelle collective peut définir les conditions et modalités de la rupture d’un commun accord du contrat de travail qui lie l’employeur et le salarié.
Ces ruptures, exclusives du licenciement ou de la démission, ne peuvent être imposées par l’une ou l’autre des parties. Elles sont soumises aux dispositions de la présente section »
.
A la lecture de l’article, le législateur a bien entendu voulu faire de la rupture conventionnelle collective, un mode de rupture autonome et indépendant du licenciement ayant pour objectif la rupture d’un commun d’accord du contrat de travail à l’attention de plusieurs salariés.

L’employeur pourra donc proposer une rupture conventionnelle collective à plusieurs salariés sans présenter de quelconques difficultés économiques et/ ou une menace à la compétitivité de l’entreprise. En effet, par principe, le droit du travail prévoit que la rupture du contrat de travail de plusieurs salariés s’analyse en un licenciement pour motif économique et donc implique de la part de l’employeur de justifier l’existence notamment, de difficultés économiques ou d’une menace à la compétitivité.
Or, la rupture conventionnelle collective ne prévoit aucun critère relevant de la situation économique de l’entreprise. D’où l’inquiétude des syndicats jugeant une telle disposition comme un contournement des règles de licenciement pour motif économique. Il sera intéressant de voir la nature des contentieux autour de la rupture conventionnelle collective.

Par ailleurs, la rupture ne peut pas être proposée par les salariés. Seul l’employeur peut avoir l’initiative de celle-ci. Quid de la place de la rupture conventionnelle collective au regard du mode traditionnel de rupture que constitue le licenciement.
En tout état de cause, cette disposition s’inscrit dans la volonté de flexibilité voulu par le gouvernement.
Toutefois, cette flexibilité nécessite des garanties afin d’éviter de la part des groupes, une utilisation abusive de ces ruptures aux fins de détournement des règles du licenciement pour motif économique.

On peut rapprocher cette critique à celle formuler par les universitaires et professionnels du droit à propos de l’utilisation à l’époque de la rupture conventionnelle du contrat de travail en 2008. La crainte a été un détournement par la rupture conventionnelle des règles procédurales du licenciement pour motif personnel mais également un moyen d’éluder l’obligation de motivation des licenciements. Cette critique reste toujours actualité.

II/ Des garanties apportées par les ordonnances

Les articles L.1237-17 et L.1237-19-1 du Code du travail précisent que la rupture conventionnelle collective doit être issue d’un accord collectif majoritaire. En effet, l’accord collectif doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de salariés ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections du Comité Social Economique.
La rupture doit donc faire l’objet d’une approbation quasi générale des organisations syndicales.

L’accord doit également contenir de nombreuses modalités notamment sur « des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés ; Les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective » (cf. article L.1237-19-1 du code du travail).

L’employeur doit proposer des mesures concrètes et efficaces de reclassement et/ou de formation à l’attention des candidats au départ de l’entreprise. Un contentieux pourrait naître sur le caractère réel de ces mesures de reclassement.
Afin d’éviter toute discrimination dans le choix des salariés, l’accord doit prévoir « les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ » (cf. article L.137-19-1 du Code du travail).
Par conséquent, tous les salariés ne peuvent être candidat au départ. Lorsque le salarié répond aux exigences pour être candidat, l’employeur est tenu d’avoir l’accord écrit du salarié souhaitant bénéficier de cette rupture conventionnelle collective. Ainsi, le salarié conserve son droit de refuser la rupture conventionnelle collective. A l’inverse, si le salarié accepte ainsi que l’employeur, cela vaudra rupture du contrat de travail d’un commun accord.

Il est donc important de préciser dans ce cas, les contentieux seront plus qu’hypothétique en raison de l’accord des parties.
Dès lors que l’accord est finalisé, celui-ci fait l’objet d’une validation par l’autorité administrative veillant au respect de l’ensemble des articles L.1237-17 et suivants du code du travail.
Ce contrôle réalisé par l’administration conduit à ce que tout refus devra donc faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.

Maître Sarah EL HAMMOUTI, Avocat à la Cour

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Discussions en cours :

  • par Bruno , Le 5 décembre 2018 à 21:41

    Si une grande entreprise propose une rupture conventionnelle collective dans un établissement de 400 salariés. Rupture pour 100 salariés. Que la proposition est acceptée par deux syndicats majoritaires mais si ensuite un ou plusieurs salariés refusent, la direction peut elle invoquer l’accord majoritaire du CSE pour faire un licenciement sui generis pour faute ? C’est à dire refus d’accepter une décision prise en accord avec deux syndicats à sa botte ?

  • par Roudmane , Le 13 février 2018 à 10:47

    Une nouvelle réforme qui soulève des interrogations dans la pratique de notre profession et du droit.

  • par Patrick , Le 12 février 2018 à 23:29

    Ça risque d’être encore un micmac avec les syndicats pour faire passer des accords plus ou moins justes

  • par Céline , Le 9 février 2018 à 15:00

    Bonjour merci pour ces explications. Cela permet de voir plus clair avec toutes ces réformes imbuvables

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