La demande d’autorisation de licenciement des salariés protégés.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Le licenciement des salariés protégés (délégué syndical, membre du CSE, etc.) ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail. La demande d’autorisation obéit à un formaliste strict, tout comme les étapes qui doivent la précéder.

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1. Caractère obligatoire de la demande d’autorisation.

La procédure d’autorisation s’impose quel que soit le motif de licenciement invoqué par l’employeur, personnel ou économique, disciplinaire ou non.

De même, la rupture de la période d’essai à l’initiative de l’employeur est soumise à la procédure d’autorisation [1].

Ainsi, le licenciement du salarié protégé intervenu sans autorisation - ou en dépit d’un refus d’autorisation - est nul et de nul effet [2].

Il en résulte que le salarié peut solliciter sa réintégration, qui s’impose à l’employeur, sauf impossibilité absolue comme en cas de disparition de l’entreprise [3].

Par ailleurs, le salarié peut réclamer, à titre d’indemnisation, le versement des salaires qu’il aurait dû percevoir entre la date de la rupture et celle de sa réintégration [4].

La Cour de cassation considère que cette indemnisation ne se cumule pas avec les allocations d’assurance-chômage [5], ni avec les indemnités de rupture [6].

NB. Si le salarié tarde abusivement à solliciter sa réintégration, l’indemnité se limite aux salaires perdus depuis sa demande [7].

2. Etapes préalables à la demande d’autorisation.

2.1. Entretien préalable.

Avant de solliciter l’autorisation de licenciement, l’employeur doit convoquer le salarié à l’entretien préalable à son éventuel licenciement.

En effet, comme l’indique l’article R2421-3 du Code du travail :

« L’entretien préalable au licenciement a lieu avant la présentation de la demande d’autorisation de licenciement à l’inspecteur du travail ».

Cette convocation obéit aux règles de forme et de délai classiques.

En cas de faute grave ou lourde, l’employeur dispose de la faculté de prononcer une mise à pied à titre conservatoire à l’égard du salarié protégé, jusqu’à la décision de l’inspecteur du travail [8].

Cette mise à pied n’entraîne pas la suspension du mandat du salarié protégé [9].

Elle correspond à une mesure provisoire, qui se trouve alors privée d’effet lorsque le licenciement est refusé par l’inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre.

NB. La mise à pied à titre conservatoire d’un délégué syndical, d’un salarié mandaté, d’un conseiller du salarié ou d’un membre de la délégation du personnel au CSE interentreprises doit obligatoirement être motivée et notifiée à l’inspecteur du travail dans le délai de 48 heures à compter de sa prise d’effet [10].

2.2. Consultation du CSE.

Le licenciement de certains salariés protégés impose à l’employeur de consulter le CSE à l’issue de l’entretien préalable et avant la présentation de la demande d’autorisation.

Cette consultation est requise pour les salariés suivants [11] :

  • Membre élu à la délégation du personnel au CSE (titulaire ou suppléant) ;
  • Représentant syndical au CSE ;
  • Représentant de proximité.

La consultation obligatoire s’applique également à d’autres mandats plus spécifiques, comme celui du membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d’entreprise européen [12].

En tout état de cause, l’obligation de consultation du CSE sur le licenciement de certains salariés protégés ne concerne que les entreprises de 50 salariés et plus [13].

En cas de mise à pied à titre conservatoire d’un représentant du personnel, la consultation du CSE a lieu dans un délai de 10 jours à compter de la date de la mise à pied [14].

Afin de permettre au CSE de se prononcer, l’employeur doit nécessairement l’informer du ou des mandat(s) détenu(s) par le salarié [15] et des motifs du licenciement envisagé [16].

Lorsque le CSE est appelé à se prononcer sur un licenciement collectif pour motif économique dans lequel est inclus un représentant du personnel, l’employeur doit adresser au comité tous les renseignements utiles sur les licenciements projetés [17] et des possibilités de reclassement de l’intéressé [18].

A défaut, le licenciement du représentant du personnel est irrégulier et doit être annulé.

Attention : le salarié protégé doit être auditionné par le CSE, sous peine de nullité de l’avis du comité [19].

Par ailleurs, s’il est membre du CSE, le salarié protégé doit pouvoir prendre part au vote [20].

Enfin, l’article L2421-3 du Code du travail prévoit que lorsqu’il n’existe pas de CSE dans l’établissement, l’inspecteur du travail est saisi directement.

Toutefois, si l’absence de consultation du CSE résulte de l’inexistence de l’institution, alors même que l’employeur était tenu d’en organiser les élections, la procédure est substantiellement viciée s’il ne produit pas un procès-verbal de carence [21].

3. Forme de la demande d’autorisation.

A l’issue de l’entretien préalable et de la consultation du CSE - lorsqu’elle est requise-, l’employeur doit adresser une demande d’autorisation à l’inspecteur du travail.

L’inspecteur compétent est celui dont dépend l’établissement qui emploie le salarié protégé.

La demande d’autorisation de licenciement est transmise par voie électronique ou par lettre recommandée avec avis de réception en 2 exemplaires [22].

Elle doit notamment mentionner le motif de licenciement et préciser les mandats détenus par le salarié protégé [23].

Quand la consultation du CSE est requise, la demande doit être accompagnée du procès-verbal de la réunion et transmise à l’inspecteur du travail dans les 15 jours suivant la date à laquelle a été émis l’avis du comité [24].

En cas de mise à pied conservatoire, la demande d’autorisation de licenciement doit être présentée dans les 48 heures suivant la délibération du CSE.

Si l’avis du CSE n’est pas requis, cette demande est présentée dans un délai de 8 jours à compter de la date de la mise à pied [25].

Cette règle n’est cependant pas prescrite à peine de nullité.

A titre d’illustration, une demande d’autorisation ayant été présentée le 22 mai alors que la mise à pied du salarié avait été prononcée le 15 mai précédent, le dépassement du délai n’est pas de nature à entacher la procédure d’irrégularité [26].

4. Suites de la demande d’autorisation.

Saisi par la demande d’autorisation de l’employeur, l’inspecteur du travail doit procéder à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d’un représentant de son syndicat.

Le caractère contradictoire de l’enquête implique l’audition individuelle de l’employeur et du salarié [27].

A cet égard, dans deux arrêts rendus le 22 février 2012 [28], le Conseil d’Etat a jugé que le salarié protégé doit mis à même de prendre connaissance en temps utile de l’ensemble des pièces produites par l’employeur à l’appui de sa demande d’autorisation.

A défaut, l’autorisation de licenciement accordée par l’inspecteur du travail doit être annulée.

L’inspecteur du travail doit prendre sa décision dans un délai de 2 mois, courant à compter de la réception de la demande d’autorisation de licenciement [29].

Le silence gardé par l’inspecteur du travail pendant plus de 2 mois vaut décision de rejet [30].

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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Notes de l'article:

[1Cass. soc. 22-9-2010, n° 09-40968.

[2Cass. soc. 24-6-1998, n° 95-44757.

[3Cass. soc. 24-6-1998, n° 95-44757.

[4Cass. soc. 10-12-1997, n° 94-45294.

[5Cass. soc. 19-11-2014, n° 13-23643.

[6Cass. soc. 28-4-2006, n° 03-45912.

[7Cass. soc. 7-11-2018, n° 17-14716.

[8C. trav. art. R2421-6.

[9Cass. crim. 11-9-2007, n° 06-82410.

[10C. trav. art. L2421-1.

[11C. trav. art. L2421-3.

[12C. trav. art. L2421-2.

[13avis CE 29-12-2021, n° 453069.

[14C. trav. art. R2421-6.

[15CE 13-11-1992, n° 103649.

[16Cass. crim. 3-12-2002, n° 02-81452.

[17CE 6-11-1991, n° 86307.

[18CE 29-10-2012, n° 332666.

[19CE 29-6-990, n° 87944.

[20Cass. soc. 11-6-1981, n° 79-41592.

[21CE. 26-1-2011, n° 326.123 ; Cass. soc. 17-10-2018, n°17-14.392.

[22C. trav. art. R2421-1, al. 4.

[23CE 20-3-2009, n° 308346 et n° 309195.

[24C. trav. art. R2421-1 ; art. R2421-10.

[25C. trav. art. R2421-14, al. 3.

[26CE 27-6-1990, n° 104790.

[27CE 29-12-1997, n° 160604.

[28n° 346307 et n° 335200.

[29C. trav. art. R2421-4 ; art. R2421-11.

[30C. trav. art. R2421-4, al. 3 et R2421-11, al. 2.

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