1. Les conditions de la nullité du licenciement en cas de harcèlement moral.
1.1. Le principe de protection du salarié harcelé.
Le Code du travail prévoit qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral [2].
Cette protection se traduit par la nullité du licenciement lorsqu’il est prononcé en raison du harcèlement subi ou refusé par le salarié [3].
La jurisprudence a progressivement précisé le périmètre de cette protection, notamment à travers plusieurs arrêts significatifs antérieurs à la décision commentée.
1.2. Les deux conditions cumulatives dégagées par l’arrêt du 9 avril 2025.
Dans sa décision du 9 avril 2025, la Cour de cassation énonce clairement que deux conditions cumulatives doivent être réunies pour que le licenciement d’un salarié harcelé moralement soit frappé de nullité :
- La première condition est que le salarié ait effectivement subi ou refusé de subir un harcèlement moral, caractérisé selon les critères légaux [4].
- La seconde condition, tout aussi essentielle, est que les juges du fond aient établi que le licenciement était motivé par le fait que le salarié a subi ou refusé de subir ce harcèlement moral [5].
2. L’importance du lien causal entre le harcèlement et le licenciement.
2.1. Un lien causal expressément caractérisé.
La Cour de cassation insiste sur la nécessité pour les juges du fond de caractériser explicitement le lien entre le harcèlement moral et le licenciement.
Cette exigence s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle antérieure, la Haute juridiction ayant déjà précisé "qu’il résulte des articles L1152-2 et L1152-3 du Code du travail que le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul" [6].
L’arrêt du 9 avril 2025 constitue toutefois une application plus rigoureuse de cette exigence, en censurant une cour d’appel qui avait déclaré nul un licenciement sans avoir caractérisé ce lien causal.
2.2. Les différentes manifestations du lien causal.
Le lien entre le harcèlement moral et le licenciement peut se manifester de plusieurs manières, selon la jurisprudence établie :
Il peut s’agir d’une mention explicite dans la lettre de licenciement, la dénonciation de faits de harcèlement étant visée comme un grief [7].
Le lien peut également être établi lorsque le comportement reproché au salarié comme motif du licenciement constitue en réalité une "réaction au harcèlement moral" dont il a été victime [8].
La proximité temporelle entre la dénonciation du harcèlement par le salarié et l’engagement de la procédure de licenciement peut aussi révéler ce lien causal. [9].
3. Les conséquences de l’absence de lien causal établi.
3.1. Un licenciement non automatiquement nul.
L’apport majeur de l’arrêt du 9 avril 2025 réside dans l’affirmation que la seule existence d’un harcèlement moral ne suffit pas à entraîner la nullité du licenciement.
En effet, la cour rappelle que "le fait qu’un salarié ait été victime de harcèlement moral n’implique pas en soi qu’il a été licencié pour avoir subi de tels agissements" [10].
Cette position rejoint des décisions antérieures où la Cour de cassation avait déjà jugé qu’un licenciement n’est pas nul lorsque, malgré l’existence d’un harcèlement moral, le motif du licenciement est sans rapport avec celui-ci, comme par exemple un "refus persistant de travailler selon les nouveaux horaires" [11].
3.2. Les autres qualifications possibles du licenciement.
En l’absence de lien causal établi entre le harcèlement moral et le licenciement, deux situations peuvent se présenter, selon l’arrêt du 9 avril 2025 :
- Soit le motif disciplinaire invoqué par l’employeur est réel et sérieux, et dans ce cas le licenciement doit être validé ;
- Soit ce motif disciplinaire n’est pas établi, et le licenciement doit alors être qualifié de sans cause réelle et sérieuse, mais non nul.
Dans tous les cas, l’absence de nullité du licenciement ne prive pas le salarié de son droit à réclamer des dommages et intérêts au titre du harcèlement moral subi [12].