1. Un cadre juridique profondément renouvelé.
1.1. L’unification du régime juridique.
Le législateur a fait le choix d’unifier le cadre juridique de l’action de groupe, jusqu’alors morcelé entre plusieurs textes selon les matières concernées.
En droit du travail, le régime spécifique prévu aux articles L1134-6 à L1134-10 du Code du travail est supprimé, de même que le cadre générique fixé dans la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle [2].
Cette unification vise à renforcer l’efficacité d’un dispositif qui n’a pas rencontré le succès escompté, avec seulement une trentaine d’actions engagées depuis sa création, principalement en droit de la consommation.
1.2. Un champ d’application considérablement élargi.
L’action de groupe en matière sociale était auparavant circonscrite à deux domaines spécifiques : la lutte contre les discriminations et la protection des données personnelles.
Le nouveau dispositif élargit considérablement ce champ d’application, puisqu’une telle action peut désormais être exercée pour tout manquement d’un employeur à ses obligations légales ou contractuelles, lorsque ce manquement cause un préjudice à plusieurs personnes placées sous son autorité [3].
Cette extension ouvre de nouvelles perspectives contentieuses, notamment en matière de sécurité au travail, d’application des accords collectifs ou encore de paiement des heures supplémentaires.
2. Les modalités d’exercice de l’action de groupe.
2.1. Les demandeurs habilités à agir.
L’action de groupe peut désormais être exercée par :
- Les organisations syndicales représentatives de salariés.
- Les associations agréées à cette fin.
- Pour les seules actions tendant à la cessation du manquement, les associations à but non lucratif régulièrement déclarées depuis au moins 2 ans, justifiant d’une activité effective et publique depuis 24 mois consécutifs, et dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte [4].
Le ministère public peut également agir en qualité de partie principale pour les actions tendant à la cessation du manquement, et en qualité de partie jointe pour toutes les actions [5].
À noter que le monopole antérieur des syndicats sur l’action de groupe en cas de discrimination au cours de la carrière est supprimé.
2.2. La procédure préalable obligatoire.
Préalablement à l’engagement d’une action de groupe fondée sur un manquement au Code du travail, le demandeur doit mettre en demeure l’employeur de faire cesser le manquement allégué.
L’employeur dispose alors d’un délai d’un mois pour en informer le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.
À leur demande, l’employeur doit engager une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de manquement alléguée.
Ce n’est qu’à l’issue d’un délai de six mois à compter de cette demande que l’action de groupe pourra être engagée [6].
3. Les finalités de l’action de groupe.
3.1. Faire cesser le manquement.
L’action peut tendre à la cessation du manquement, sans qu’il soit nécessaire d’établir un préjudice pour les membres du groupe, ni l’intention ou la négligence de l’employeur [7].
Le juge qui constate l’existence du manquement enjoint au défendeur de le faire cesser et de prendre toutes mesures utiles à cette fin, dans un délai qu’il fixe.
3.2. Obtenir réparation des préjudices.
L’action peut également viser la réparation des préjudices subis, selon deux modalités alternatives :
- Une procédure individuelle de réparation, dans laquelle le demandeur présente des cas individuels au soutien de ses prétentions [8].
- Une procédure collective de liquidation des préjudices, donnant lieu à une négociation entre le demandeur et le défendeur en vue d’un accord sur l’indemnisation de tous les cas individuels [9].
Cette seconde option constitue une innovation majeure par rapport au dispositif antérieur.
Une procédure de médiation peut également être mise en œuvre entre les parties afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels [10].
3.3. La sanction civile en cas de faute dolosive.
Le juge peut condamner l’employeur reconnu responsable à une sanction civile lorsque celui-ci a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indue, et que le manquement a causé des dommages à plusieurs personnes placées dans une situation similaire.
Le montant de cette sanction est proportionné à la gravité de la faute et au profit retiré, dans la limite du double du profit réalisé pour une personne physique et du quintuple pour une personne morale [11].
4. La portée de l’action de groupe.
L’action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le juge ou des faits retenus dans l’accord homologué.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle le jugement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation [12].
Le jugement sur la responsabilité et celui sur l’homologation de l’accord ont autorité de chose jugée envers les membres du groupe dont le préjudice a été réparé, sans préjudice des actions individuelles pour obtenir réparation de préjudices hors du champ du jugement ou de l’accord.
En revanche, une autre action de groupe se fondant sur le même fait générateur, le même manquement et la réparation des mêmes préjudices n’est pas recevable [13].
Cette réforme entrera en vigueur après publication de la loi au Journal officiel, sous réserve d’être validée par le Conseil constitutionnel qui a été saisi du texte le 8 avril 2025.