L’ordonnance du 22 septembre 2017 [1] a induit une profonde réforme des instances représentatives du personnel.
Depuis lors, le CSE (Comité social et économique) est l’unique instance où siègent les représentants du personnel.
Légalement, de par ses attributions, les membres élus du CSE exercent différentes missions exigeant la connaissance de l’environnement juridique, social, sociétal et économique de l’entreprise. Précisément, en plus, afin d’assurer l’expression collective des salariés et la sauvegarde de leurs intérêts :
"La délégation du personnel au comité social et économique a pour mission de présenter à l’employeur les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du Code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise.
Elle contribue à promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel. L’employeur lui présente la liste des actions de prévention et de protection prévue au 2° du III de l’article L4121-3-1 du Code du travail" [2].
Ainsi, outre le concours à la mise en œuvre de l’obligation de sécurité (Pour aller plus loin : CSE, obligation de sécurité de l’employeur et protection de la santé mentale du salarié), et à la protection de la santé physique et mentale au travail [3], l’obligation de formation implique des moyens spécifiques.
Formation des membres du CSE : une obligation légale.
Pour rappel, la création, le renouvellement ainsi que les prérogatives des membres du CSE sont régies par les dispositions des articles L2311-1 et suivants du Code du travail "Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions" [4].
De plus, mission de taille, le CSE "contribue à promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise et réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel. L’employeur lui présente la liste des actions de prévention et de protection prévue au 2° du III de l’article L4121-3-1" [5].
Aussi est-il reconnu au comité un droit d’alerte dans les conditions prévues aux articles L2312-59 et L2312-60 et L2312-5 du Code du travail.
De même que, en vertu de l’obligation générale d’information et de formations des salariés aux risques professionnels, l’employeur peut consulter le CSE pour mener à bien ces objectifs.
De surcroît, s’agissant du cadre légal du mandat, au titre de l’article L2314-33 du Code du travail, les membres sont élus pour quatre ans. Le nombre de mandats successifs est limité à trois ; excepté pour les entreprises de moins de cinquante salariés ; et les entreprises dont l’effectif est compris entre cinquante et trois cents salariés, si l’accord prévu à l’article L2314-6 en stipule autrement [6].
Au fond, la formation des membres du CSE relève d’une obligation légale. A ce titre, l’article L2315-16 dudit Code prévoit que le temps consacré aux formations est pris sur le temps de travail et rémunéré comme tel. Dit autrement, celui-ci n’est pas déduit des heures de délégation [7].
En d’autres termes, les droits des élus, concernant leur rémunération ou leur temps de travail, demeurent protégés par la loi durant les formations requises.
En ce sens, les organismes autorisés à dispenser les formations sont ceux figurant sur une liste arrêtée par l’autorité administrative [8].
Du reste, ces formations sont renouvelées lorsque les représentants ont exercé leur mandat pendant quatre ans, consécutifs ou non.
Apports de la loi santé au travail du 2 août 2021).
Entre autres innovations de la loi santé au travail, le CSE reçoit de nouvelles attributions :
- contribuer à l’évaluation des risques, à travers sa consultation sur le DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) et ses mises à jour [9]
- la durée minimale de la formation en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail dont bénéficient les membres de la délégation du personnel du CSE, et le référent élu en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes [10].
Ainsi, les membres de la délégation du personnel du comité social et économique et le référent harcèlement [11] bénéficient de la formation nécessaire à l’exercice de leurs missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail :
- cette formation est désormais d’une durée de 5 jours minimums lors du premier mandat, et de 3 jours en cas de renouvellement du mandat
- les membres de la CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail) des entreprises d’au moins 300 salariés, la formation est également de 5 jours même en cas de renouvellement du mandat [12].
Par ailleurs, obligation réglementaire, le financement de la formation est pris en charge par l’employeur. Notons que, en ce qui concerne les entreprises de moins de 50 salariés, les dispositions particulières de l’article L2315-22-1 du Code du travail institue la possibilité d’une prise en charge par l’opérateur de compétences, au titre "des actions utiles au développement des compétences au bénéfice des entreprises de moins de 50 salariés" [13].
D’une nécessité opérationnelle de premier plan, l’objectif assigné à ces formations revêt un intérêt pédagogique et éthique, tel qu’il résulte des dispositions de l’article R2315-9 du Code du travail : "La formation des membres de la délégation du personnel du comité social et économique mentionnée à l’article L2315-18 a pour objet :
1° De développer leur aptitude à déceler et à mesurer les risques professionnels et leur capacité d’analyse des conditions de travail
2° De les initier aux méthodes et procédés à mettre en œuvre pour prévenir les risques professionnels et améliorer les conditions de travail" [14].
De même, "la formation est dispensée dès la première désignation des membres de la délégation du personnel du CSE. Elle est dispensée selon un programme théorique et pratique qui tient compte des caractéristiques de la branche professionnelle de l’entreprise ; des caractères spécifiques de l’entreprise ; du rôle du représentant au CSE" [15].
En cela, la taille de l’entreprise emporte aménagement des modalités et contenu des formations. S’agissant des entreprises d’au moins 50 salariés, l’article L2315-63 du Code du travail prévoit que les membres du CSE élus pour la première fois bénéficient d’un stage de formation économique d’une durée maximale de cinq jours. Étant précisé que "Cette formation peut notamment porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises" [16].
Formation aux risques psychosociaux (RPS).
Eu égard aux mutations des formes de travail, les nouveaux usages associés au phénomène exponentiel des risques psychosociaux (burn-out, harcèlement, stress, fatigue chronique...), le CSE est appelé à jouer un rôle crucial en termes de prévention et de réaction à la souffrance au travail.
Pour rappel, en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail, le CSE, avec la CSSCT [17] :
- contribue à promouvoir la santé, la sécurité et les conditions de travail
- réalise des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles [18].
De plus, les élus peuvent se faire présenter l’ensemble des documents obligatoires en matière de santé et de sécurité au travail et sont informés, par l’employeur, des attestations, consignes, résultats et rapports relatifs aux vérifications et contrôles réglementaires [19].
Plus généralement, ajoute l’article L2312-12 Code du travail, le CSE formule, à son initiative, et examine, à la demande de l’employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail. S’y ajoute le droit d’alerte reconnu aux élus, en cas d’atteinte aux droits des personnes [20] (harcèlement, discriminatoire en matière d’embauche, rémunération, reclassement, sanction …ou licenciement), en cas de danger grave et imminent [21] et en situation de danger grave et imminent ainsi qu’en matière de santé publique et d’environnement [22].
De même, le CSE, selon l’article L2312-8, 3° du Code du travail est susceptible d’être informé et consulté sur les questions de harcèlement ou tout sujet intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise (conditions de travail…).
Formation économique des membres du CSE.
Cette formation est prévue à l’article L2315-63 du Code du travail, obligatoire, pour les membres titulaires, dans les entreprises de plus de 50 salariés disposant d’un CSE. Celle-ci devant être dispensée dès la première élection [23].
Ces formations sont renouvelées lorsque les représentants ont exercé leur mandat pendant quatre ans, consécutifs ou non [24].
Aux termes des dispositions de l’article L2315-63 du Code du travail, le congé de formation est d’une durée maximale de cinq jours et ne peut être inférieur à une demi-journée [25].
A souligner que cette formation est imputée sur la durée du congé de formation économique, sociale et syndicale, prévue aux articles L2145-5 et suivants du Code du travail. De telle sorte que la durée totale des congés de formation économique sociale et syndicale ne peut excéder dans une même année et pour un même salarié, 12 jours [26].
Du point de vue du financement, la formation économique est prise en charge par le CSE [27], le temps qui lui est dédié est regardé comme temps de travail effectif, ne pouvant, dès lors, être déduit des heures de délégation [28].
Formation du référent harcèlement.
La désignation d’un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est obligatoire dans toutes les entreprises où un CSE et mis en place, quel que soit l’effectif.
Le référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le CSE, parmi ses membres, pour la durée du mandat des membres du comité [29].
Selon l’article L2314-1 du Code du travail, "un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d’une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité".
A cet égard, en plus du référent élu du personnel, un référent, chargé d’informer, d’orienter, d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, doit du reste être désigné par l’employeur, dans les entreprises d’au moins 250 salariés.
En effet, la loi de 5 septembre 2018 [30] prévoit, à ce sujet, une obligation à la charge des entreprises de mettre en place d’un référent harcèlement sexuel dépendant de l’entreprise, en complément de celui désigné parmi les élus "Dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés est désigné un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes" [31].
Ainsi donc, en complément du référent siégeant au CSE, le référent harcèlement rattaché à l’employeur se voit charger d’actions de sensibilisation, de formation, en sus de l’obligation de réaction inhérente au signalement d’agissements de harcèlement.
Soulignons que, au même titre que les membres du CSE, le référent harcèlement doit, conformément à l’article L2315-18 du Code du travail, suivre la formation nécessaire à l’exercice des missions règlementaires en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.
La formation est d’une durée minimale de cinq jours lors du premier mandat des membres de la délégation du personnel.
En cas de renouvellement de ce mandat, la formation est d’une durée minimale "1° De trois jours pour chaque membre de la délégation du personnel, quelle que soit la taille de l’entreprise ;
2° De cinq jours pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail dans les entreprises d’au moins trois cents salariés" [32].
L’article L2315-18 du Code du travail prévoit que la formation à dispenser doit répondre aux exigences réglementaires prévues pour la formation, définie pour les élus, en matière de santé et de sécurité au travail.
Intérêt de la formation.
De par ses vertus et apports opérationnels, en application du dispositif précité, tous les membres du CSE bénéficient d’une formation santé, sécurité et conditions de travail. Dans les entreprises de plus de 300 salariés, la CSSCT exerce, par délégation du CSE, tout ou partie des attributions portant sur la santé, la sécurité et les conditions de travail.
Il est à rappeler que la CSSCT peut également être imposée par l’inspecteur du travail dans les entreprises entre 50 et 300 salariés, si elle est nécessaire en raison de la nature des activités, de l’agencement ou de l’équipement des locaux [33].
Pour les entreprises de plus de 50 salariés, ces formations permettent de mettre en application les compétences acquises, notamment lors des réunions annuelles [34]. Ici, ces réunions du CSE portent sur les attributions du CSE en matière de santé, sécurité et conditions de travail, ou intervenues à la suite de tout accident ayant entraîné, ou ayant pu entraîner des conséquences graves, ou en cas d’événement grave lié à l’activité de l’entreprise, ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement [35].
Assurément, la formation sur tous ces aspects transversaux est de nature à permettre aux membres du CSE d’exercer efficacement leur droit d’alerte (voir supra).
En ce sens, l’exercice par un salarié de son droit d’alerte ou de retrait n’est pas subordonné à la procédure d’intervention du CHSCT [36].
Pouvoir de direction de l’employeur et droit à la formation des élus.
L’employeur ne peut empêcher les membres du CSE - et de la CSSCT - de suivre les formations obligatoires :
- La formation économique et sociale [37], s’adressant aux titulaires et s’étend sur cinq jours au maximum. Elle ouvre droit à un congé de formation économique, sociale et syndicale [38]
- La formation santé, sécurité et conditions de travail [39] : laquelle s’étend sur 5 jours pour l’élu titulaire d’un premier mandat CSE, quel que soit l’effectif de l’entreprise ; 3 jours s’agissant de l’élu dont le mandat CSE a été renouvelé ; et, enfin, sur 5 jours pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail dans les entreprises de 300 salariés et plus.
- La formation référent harcèlement CSE [40].
Or, s’agissant des organisations syndicales, l’article L2145-11 Code du travail prévoit une dérogation encadrant le congé de formation économique, sociale et environnementale et de formation syndicale. En somme, "Le congé de formation économique, sociale et environnementale et de formation syndicale est de droit, sauf dans le cas où l’employeur estime, après avis conforme du comité social et économique, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l’entreprise.
Le refus du congé par l’employeur est motivé" [41].
En cas de différend, le refus de l’employeur peut être directement contesté devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes [42].
A ce titre, il a été récemment jugé que : "Aux termes de l’article L2145-1 du Code du travail, les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales bénéficient du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale, prévues à l’article L2145-5. La durée totale des congés pris à ce titre dans l’année par un salarié ne peut excéder dix-huit jours".
Cette disposition est propre aux salariés appelés à exercer des fonctions syndicales, auxquels les dispositions de l’article L2145-7 ne sont pas applicables.
Ayant constaté que le salarié, en ses qualités d’élu suppléant au comité social et économique et de délégué syndical d’établissement, exerçait des fonctions syndicales, le conseil de prud’hommes en a exactement déduit que le salarié avait droit à un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale de dix-huit jours et ordonné à la société d’autoriser le congé pour formation syndicale du 17 juin 2022 [43].
En définitive, enjeu de taille, la formation des membres du CSE procède aussi bien d’une nécessité que d’un outil aux fins d’un fonctionnement régulier, porteur du comité.
Qui plus est, face aux bouleversements du monde du travail, les élus chargés d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts, la formation est requise à la création et lors du renouvellement de l’instance représentative du personnel.
De sorte que la délégation centralisée du personnel puisse exercer qualitativement son mandat - élargi depuis la fusion des anciennes instances dans l’unique CSE. Particulièrement, en matière de santé de travail, le périmètre de responsabilité et les moyens d’action notablement étoffés, exigent des élus un devoir d’action en usant de leurs prérogatives, au travers l’impérieux dialogue social, la consultation et la prévention des risques professionnels.