Salarié protégé : la Cour de cassation rappelle à l’ordre les employeurs !

Par Mohamed Sylla, Conseiller prud’homal.

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Explorer : # salarié protégé # licenciement # visite médicale de reprise # droit du travail

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La Cour de cassation a confirmé, dans un arrêt du 26 mars 2025, que le licenciement d'un salarié protégé peut être annulé si la procédure n'est pas respectée, notamment l'absence de visite de reprise.
Description rédigée par l'IA du Village

Cet arrêt constitue un rappel fort à destination des employeurs sur des points fondamentaux ci-dessous :

  • Le respect de la procédure est fondamental, en particulier pour les salariés protégés.
  • La visite de reprise n’est pas une formalité : elle conditionne la validité de toute action ultérieure.
  • Le juge judiciaire conserve un pouvoir d’appréciation sur les droits fondamentaux du salarié, en parallèle du contrôle administratif.
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Dans un arrêt du 26 mars 2025 (n° 23-12.790), la chambre sociale de la Cour de cassation réaffirme la rigueur du cadre légal entourant le licenciement des salariés protégés. Malgré l’obtention d’une autorisation de l’inspection du travail, un manquement à la procédure liée à un accident du travail a suffi à faire vaciller la validité du licenciement.

1- Un manquement lourd de conséquences : l’absence de visite de reprise.

Le litige oppose un salarié de la société Simop France (anciennement Franceaux), engagé en 1991, et son employeur. En novembre 2012, il devient représentant de section syndicale. Quelques mois plus tard, en juin 2013, il est licencié pour motif économique, après autorisation de l’inspection du travail.

Convaincu que ses droits n’ont pas été respectés, le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître la nullité de son licenciement, en invoquant notamment des irrégularités dans le déroulement de la procédure et une atteinte à sa protection en tant que salarié protégé.

Le cœur du litige repose sur un point trop souvent négligé dans les procédures de licenciement : la visite de reprise. En effet, le salarié avait été en arrêt à la suite d’un accident du travail. Or, selon le Code du travail [1], l’employeur est tenu d’organiser une visite médicale de reprise auprès de la médecine du travail dès la reprise du salarié.

Cette visite est cruciale et importante car elle permet de constater l’aptitude (ou non) du salarié à reprendre son poste et conditionne la reprise effective du contrat de travail. Elle joue également un rôle fondamental dans la régularité d’une éventuelle procédure de licenciement. En l’absence de cette visite, le contrat reste juridiquement suspendu, et toute procédure de rupture peut être entachée d’irrégularité.

Dans cette affaire, l’employeur arguait que le licenciement avait été autorisé par l’inspecteur du travail, ce qui, selon lui, aurait dû valider l’ensemble de la procédure.

Mais la Cour de cassation rappelle une règle bien établie : l’autorisation administrative ne couvre que les éléments que l’administration peut légalement apprécier. Elle ne neutralise pas le pouvoir d’appréciation du juge judiciaire sur des fautes distinctes, notamment celles relatives aux conditions de travail ou à la santé du salarié.

Dans ce dossier, la Cour d’appel de Versailles avait déjà retenu que l’employeur avait manqué à ses obligations en n’organisant pas la visite de reprise. La Cour de cassation valide cette analyse : le juge judiciaire reste compétent pour statuer sur ces fautes, même si une autorisation administrative de licenciement a été donnée.

2- L’autorisation de l’inspecteur du travail ne protège pas de tout : une victoire partielle mais symbolique.

La cour rejette l’essentiel des demandes de l’employeur et confirme que certaines irrégularités peuvent entraîner l’annulation de la rupture du contrat de travail, même dans le cas particulier d’un salarié protégé.

Pour autant, la cour n’a pas fait droit à toutes les demandes du salarié non plus. Elle annule uniquement une partie de la décision d’appel, notamment sur une question de procédure liée à l’autorité de la chose jugée. Mais l’essentiel est là : le manquement de l’employeur concernant la santé du salarié a bien été reconnu.

Nous sommes en présence d’une décision jurisprudentielle réaffirmant avec force un principe fondamental, dont la portée symbolique et juridique revêt une importance considérable.

Cet arrêt constitue un rappel fort à destination des employeurs sur des points fondamentaux ci-dessous :

  • Le respect de la procédure est fondamental, en particulier pour les salariés protégés.
  • La visite de reprise n’est pas une formalité : elle conditionne la validité de toute action ultérieure.
  • Le juge judiciaire conserve un pouvoir d’appréciation sur les droits fondamentaux du salarié, en parallèle du contrôle administratif.

Dans un contexte où les engagements syndicaux sont parfois perçus comme un frein par certaines directions, la Cour de cassation réaffirme que ces engagements ne doivent pas être un prétexte à des procédures précipitées ou non conformes.

Au-delà de la technicité juridique, cet arrêt rappelle une vérité essentielle : les droits des salariés, et en particulier des représentants du personnel, ne sont pas négociables. Ils sont le socle d’un équilibre entre performance économique et justice sociale. Un socle que la Cour de cassation vient, une nouvelle fois, de solidement réaffirmer.

La Cour de cassation envoie un message très clair : la protection des salariés investis de mandats syndicaux ne peut être affaiblie par une procédure incomplète ou approximative. L’obligation de visite de reprise n’est pas une formalité : elle garantit que la santé du salarié est prise en compte avant toute décision de rupture.

De plus, cette décision rappelle que l’autorisation de l’inspection du travail n’est pas une garantie absolue de régularité. L’employeur reste responsable de l’ensemble de la procédure, et le juge judiciaire conserve sa compétence pour apprécier les atteintes aux droits du salarié.Un arrêt qui conforte les droits des représentants du personnel, et rappelle que le respect du droit du travail n’est pas une option, mais une obligation.

Cette décision s’inscrit dans la droite ligne d’une jurisprudence constante, déjà illustrée par l’arrêt du 26 septembre 2018 [2], dans lequel la Cour de cassation avait rappelé que l’autorisation de l’inspection du travail ne dispensait pas l’employeur de respecter l’ensemble des règles applicables au licenciement, notamment celles découlant d’une situation d’accident du travail.

En raison de la spécificité de cette affaire, marquée par une procédure particulièrement longue (la décision ayant été rendue plus de douze ans après les faits) une question se pose : l’inspection du travail n’était-elle pas en droit, voire dans l’obligation, de vérifier la situation du salarié au regard de la médecine du travail ?

Compte tenu du contexte, notamment de l’existence d’un accident du travail, l’évaluation de l’état de santé du salarié aurait pu influencer l’appréciation du motif économique et des possibilités de reclassement. Si le temps joue souvent en faveur des employeurs dans ce type de contentieux, il n’en fut heureusement rien en l’espèce. La rigueur de la Cour de cassation rappelle que les garanties procédurales restent intactes, même après de longues années.

Mohamed Sylla
Juge au conseil de Prud’hommes

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Notes de l'article:

[1Articles L1226-7 et L1226-9.

[2N° 17-11.122.

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