L’acte de notoriété acquisitive : une institution méconnue.

Par Christophe Buffet, Avocat.

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Explorer : # usucapion # acte de notoriété acquisitive # preuve de possession # responsabilité du notaire

L’acte de notoriété acquisitive est un des moyens de preuve de la propriété, qui reste relativement méconnu alors que sa portée a été reconnue par la Cour de Cassation.

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L’acte de notoriété acquisitive établi par un notaire ne fait l’objet d’aucun texte législatif précis qui permettrait de déterminer son régime. Les notaires le voient avec réticence, mais la pratique de ces certificats est désormais devenue habituelle.

De quoi s’agit-il ?

L’acte de notoriété acquisitive est un document qui est établi par un notaire, pour faire la preuve d’une possession utile permettant d’invoquer l’acquisition d’un bien immobilier par usucapion.

Quelle est sa portée ?

La force d’un tel acte reste limitée, puisqu’il ne vaut que jusqu’à la preuve contraire qui peut être apportée par toute personne qui considérerait qu’il n’est pas sincère ou n’est pas conforme à la réalité.

A-t-il été consacré par la jurisprudence ?

Sa validité a été reconnue par la Cour de cassation, notamment par un arrêt rendu le 22 janvier 2014 numéro 12-26601.

Peut-il servir à l’occasion d’une action en justice ?

Une fois que l’acte de notoriété acquisitive a été établi, il peut être envisagé de saisir le tribunal de Grande instance pour faire juger de l’acquisition par usucapion. Il sera alors un élément de preuve, parmi d’autres, de la possession.

D’autre part, le certificat peut être considéré comme consolidé au bout d’une nouvelle période de 30 ans, après sa publication au service de la publicité foncière, qui est possible, mais non obligatoire, sans contestation et alors que la possession se sera poursuivie, de la part du requérant mentionné à l’acte de notoriété acquisitive ou de la part de toute personne qui lui succéderait dans la propriété du bien, et donc la possession de celui-ci.

Peut-il engager la responsabilité du notaire s’il est erroné ?

S’agissant de la responsabilité du notaire, dans l’établissement de cet acte, la Cour de Cassation considère qu’elle n’est pas engagée si un acte de notoriété acquisitive se révèle ultérieurement erroné, sauf si le notaire disposait d’éléments de nature à le faire douter de la véracité des annonciations dont il lui est demandé de faire état dans le certificat, et il n’est pas obligé de rechercher les origines de propriété du bien en cause qui ne sont pas susceptibles de contredire la possession qui a été attestée (arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 2014 évoqué supra).

Une bonne description de cet acte et de sa portée a été faite à l’occasion d’une question qui avait été posée en 2013, par un parlementaire, au garde des sceaux, ministre de la Justice.
Le ministre avait rappelé que l’acte de notoriété acquisitive est utilisé en matière immobilière pour faire la preuve d’une possession utile permettant d’invoquer l’acquisition de la propriété d’un bien immobilier par prescription acquisitive, et il avait exposé que cet acte de notoriété acquisitive contient les éléments matériels révélant l’existence d’une possession continue, paisible, publique, d’un équivoque et à titre de propriétaire, c’est-à-dire utile pour prescrire.

Il relevait également que ce document recueillait les déclarations concordantes de témoin et regroupait le cas échéant tout document susceptible de les corroborer.

Il rappelait que cet acte constitue un simple mode de preuve, l’acquisition de la propriété immobilière par prescription étant un effet de la loi, et il rappelait que la jurisprudence considère que l’acte de notoriété acquisitive ne fait foi des faits qu’il rapporte que jusqu’à la preuve du contraire.

L’acte de notoriété acquisitive est donc un instrument méconnu de démonstration de la possession, qui revêt une utilité non négligeable pour prétendre à bénéficier de l’usucapion.

Christophe Buffet, Avocat
Avocat inscrit au Barreau d’Angers
Droit immobilier et droit public
SCP ACR Avocats Angers Nantes Paris
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https://www.linkedin.com/in/christophe-buffet-avocat/
https://twitter.com/CBuffetAvocat

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Discussions en cours :

  • par Lucas , Le 23 novembre 2023 à 22:50

    Bonjour , quel est le délai pour contester un acte de notoriété qui a permis à une personne de devenir propriétaire d’un immeuble ? Il me semble que le délai est de 30 ans , est-ce le cas , si oui , selon quel article ?

  • par masson caroline , Le 5 août 2020 à 15:20

    Bonjour, je cherche à savoir s’il y existe un moyen de régulariser une situation avec un acte de notoriété acquisitive. En effet, nous sommes dans l’attente de signer un compris de vente pour l’achat d’une maison. Nous venons tout juste d’apprendre que cette villa est située sur un terrain que l’ancien propriétaire avait acquis par ce type d’acte de notoriété acquisitive en 2011. Depuis le terrain a été vendu aux propriétaires actuels qui ont ensuite construit la maison en 2015, et désormais la vendent. Mon notaire m’explique que nous risquons d’être dépossédé de ce bien si toutefois un propriétaire "véritable" se présentait. Y aurait-il possibilité de faire régulariser cet acte en devenant les "réels propriétaires" en étant donc assurés pour le futur ?
    Merci de votre aide.

  • par Pollini Joseph , Le 4 août 2020 à 13:34

    Je suis en Corse et mon souhait concerne l’acquisition d’une parcelle de 306 m2 en contrebas de la maison de village ! Elle appartient à la famille de celui qui m’a vendu en 1996 cette très vieille maison de village, que j’ai entièrement rénovée ; vente assurée par le biais du neveu de la propriétaire, encore en vie alors ! Le neveu avait pouvoir donné par sa tante, veuve en maison de retraite. Depuis , les deux propriétaires sont décédés . J’ai essayé d’acquérir ce lopin de terre et ai eu un accord de principe du neveu il y a 6 ans mais , depuis, impossible de le joindre , ni qui que ce soit d’ailleurs, les propriétaires n’avaient pas eu d’enfants ni fait de testament ! Peut -être le prix du train, dérisoire, a-t-il été la cause de ce silence, alors que j’acceptais de prendre tous le’s frais à ma charge !
    Donc, que dois-je faire, avant de voir mon notaire qui est à Bastia ?
    - a ) Attestation du Maire , qui devrait pouvoir affirmer que j’ai tout de même pris soin de ce terrain, dont je connaissais les liens avec les anciens propriétaires de la maison et ai veillé à le débroussailler car risque pour tout départ de feu : nettoyage clôture refaite et plantation de 7 arbres fruitiers ?
    Ce en accord avec Mr le maire, qui m’a autorisé à y construire un petit abri de jardin de 5 M2., et mes voisins ; tous que j’essayais d’acquérir ce jardinet .
    - b ) Lettre explicative sur ma démarche, ainsi qu’indiqué ?
    C’est important pour être au clair avec ceux qui nous y succèderont : nos 4 enfants !
    NB : Je suis natif de Bastia et j’habite cette maison de façon intermittente ( maison secondaire ) , trois à cinq fois par an depuis 1996, dont tous les étés et je vais avoir très bientôt 79 ans !
    Merci
    Joseph Pollini , Avignon.
    Puis je espérer une réponse ?

  • par Elienoelle , Le 3 janvier 2020 à 23:20

    Bonjour et merci pour cet article très bien expliqué et qui ouvre de nouvelles perspectives pour régler une co-indivision d’un siècle. Le notaire de famille est réticent quant au règlement de cette affaire de cette façon. À t-il le droit de refuser de le faire ?
    D’autre part, il a omis de faire apparaître dans l’acte de succession au décès de mon père le bien en question. Doit-il le rectifier pour faire la notoriété acquisitive ?
    Dernier point, si on abouti à la notoriété, je serai encore en indivision. Pourrais-je faire un don à une association d’utilité publique de ma part ?
    En vous remerciant de votre réponse et aide précieuse,
    V. S

  • par frederic Savary , Le 19 août 2019 à 12:54

    Une application particulière de l’acte de notoriété en Corse :

    L’article 1er de la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 prévoit
    "Lorsqu’un acte notarié de notoriété porte sur un immeuble situé en Corse et constate une possession répondant aux conditions de la prescription acquisitive, il fait foi de la possession, sauf preuve contraire. Il ne peut être contesté que dans un délai de cinq ans à compter de la dernière des publications de cet acte par voie d’affichage, sur un site internet (1) et au service de la publicité foncière.
    Le présent article s’applique aux actes de notoriété dressés et publiés avant le 31 décembre 2027".

    (1) http://www.corse-du-sud.gouv.fr/actes-de-notoriete-portant-sur-un-immeuble-en-a1981.html

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