Le Système d’Information des Armes ou SIA a pour objet de répertorier toutes les armes en circulation sur le territoire français mais aussi, de simplifier les démarches administratives (édition de sa carte européenne d’arme à feu ou de collectionneur par exemple) et de sécuriser les données en lien notamment avec le Fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes (Finiada).
Ces formalités existaient déjà sous format papier dans AGRIPPA mais les exigences de traçabilité des armes sont désormais optimisées à l’aide du SIA.
Le décret n° 2022-144 du 8 février 2022 a introduit notamment l’article R312-91 du Code de sécurité intérieure (CSI) au sein de la nouvelle section 5 « Compte détenteur individualisé dans le système d’information sur les armes » qui dispose que :
« Tout détenteur d’armes à feu portatives qui relève des catégories fixées par arrêté du ministre de l’intérieur dispose d’un compte individualisé dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « système d’information sur les armes » mentionné à l’article R312-84.
Ce compte a pour objet :
1° De permettre le suivi, par l’intermédiaire d’un râtelier numérique, des armes à feu portatives et de leurs éléments des catégories A, B et C ainsi que des munitions des catégories A et B qui sont acquis et détenus par son titulaire ;
2° De réaliser les démarches relatives à l’obtention et au suivi de titres relatifs à l’acquisition et à la détention des armes, des munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C ».
Dans la communauté des détenteurs d’armes, cette nouvelle a fait l’effet d’un vrai bouleversement cependant que, en nous gardant bien de tout angélisme, cette réforme n’est que l’aboutissement d’un mécanisme visant à conjuguer l’exigence juridique de traçabilité des armes, les impératifs de sécurité publique et la nécessité de simplification des démarches administratives.
Fondamentalement, les règles d’acquisition et de détention des armes à feu (Voir l’article Règles d’acquisition et de détention des armes à feu en France) ne sont pas modifiées par ce nouveau dispositif.
Il n’en demeure pas moins que, de l’aveu même du ministère de l’Intérieur, ce nouveau système doit permettre de renforcer les contrôles de détention d’armes ainsi que les inscriptions au Finiada (Voir l’article La recrudescence des inscriptions au Finiada : une menace pour les libertés individuelles).
Les origines.
En premier lieu, il est souligné que l’enregistrement des armes qu’elles soient professionnelles, sportives, de collection ou de chasse existe depuis longtemps.
Ainsi, un fichier informatisé des propriétaires et possesseurs d’armes (Agrippa) avait été créé par un arrêté du 15 novembre 2007 pour centraliser les informations relatives aux armes et à leurs détenteurs au lendemain de la tragédie dite de « la tuerie de Nanterre », le 27 mars 2002, qui avait mis en évidence une lacune dans le dispositif public de contrôle des armes à feu.
Cette application Agrippa présentait certaines insuffisances ce qui a motivé la création d’un nouvel outil dit « SIA ».
En effet, l’obligation de transposer complètement la directive européenne (UE) 2017/853 sur les armes du 17 mai 2017 et l’obsolescence de l’application dénommée Agrippa qui recensait les possesseurs d’armes en France (à savoir un recensement de 5,3 millions d’armes dont 3,9 millions de catégorie C et 1,029 million de chasseurs ayant validé leur permis en 2020 (Question écrite n° 36492, AN, 23 février 2021) ont conduit à la création d’un nouveau système d’information sur les armes (SIA).
En deuxième lieu, à l’initiative de la France, au lendemain des attentats de Paris de janvier 2015, la modification de la directive 91/477/CEE du Conseil du 18 juin 1991 relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes par la directive 2017/853 du 17 mai 2017 s’est inscrite dans une dynamique globale visant à renforcer la lutte contre le trafic illégal d’armes à feu.
Le système actuel a donc pour origine la directive européenne (UE) 2017/853 du 17 mai 2017 qui avait pour objectif de lutter contre l’utilisation abusive des armes à feu à des fins criminelles [1].
À ce titre, cette directive a fixé des mesures qui visent à encadrer les régimes légaux d’acquisition et de détention des armes à feu, en durcissant notamment les règles applicables pour les armes considérées comme les plus dangereuses, en sécurisant les conditions de vente des armes à feu ainsi qu’en imposant une traçabilité renforcée de celles-ci.
En troisième lieu, la transposition de cette directive européenne s’est notamment traduite par la publication des décrets n° 2020-486 et n° 2020-487 du 28 avril 2020, contribuant ainsi à la création d’un nouvel outil de traitement des données à caractère personnel dénommé « système d’information sur les armes » (SIA) et à l’application de nouvelles règles de marquage des armes à feu.
Ce nouveau système doit assurer :
La traçabilité unitaire des armes à feu portatives et des éléments de ces armes sur le territoire ;
La gestion et le suivi des titres de détention, de port et de commerce d’armes, munitions et leurs éléments délivrés par l’autorité administrative ;
La dématérialisation des formalités administratives relatives aux armes pour les usagers.
Ce traitement a été mis en œuvre par le service central des armes et explosifs (SCAE) rattaché au secrétaire général du ministère de l’Intérieur et instituée par les décrets n° 2017-102 du 27 janvier 2017 et modifié par le décret n° 2021-536 du 30 avril 2021.
Un dispositif d’abord accessible aux professionnels.
En premier lieu, les décrets n° 2020-486 et n° 2020-487 du 28 avril 2020 ont ainsi défini le nouvel outil de traitement des données à caractère personnel dénommé « SIA » accessible aux professionnels (fabricants, importateurs et armuriers détaillants) leur permettant d’enregistrer en ligne les données indispensables au contrôle, en temps réel, des transactions d’armes.
Le SIA a été déployé progressivement depuis le mois de janvier 2020. A partir de cette date, les armuriers ont donc été contraints de créer un compte professionnel individualisé.
Ce SIA des professionnels se compose :
Du Référentiel Général des Armes (RGA) : Accessible au 1er janvier 2020. Répertoire numérique contenant la liste de tous les modèles d’armes disponibles, susceptibles d’être détenues par des particuliers avec leur classement dans l’une des sous-catégories des A, B ou C ;
Du livre de Police Numérique (LPN) : Accessible depuis 1er octobre 2020. En remplacement du « Registre spécial » sous format papier dans lequel étaient enregistrées toutes les transactions d’armes assemblées ;
Du fichier Finiada : Les professionnels doivent consulter obligatoirement le fichier de données à caractère personnel relatif aux personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes avant toute cession.
Ainsi, les professionnels (fabricants, importateurs et armuriers détaillants) disposent désormais dans le système d’information sur les armes (SIA) d’outils dématérialisés tels que le livre de police numérique qui leur fait obligation, depuis le 1er octobre 2020, d’enregistrer en ligne toutes les transactions d’armes assemblées à feu de catégories A, B et C.
C’est dans ces conditions que le SIA a été étendu aux particuliers afin de leur permettre, à terme, de visualiser leur râtelier d’armes sur lequel figure ses armes déclarées ou à autorisation.
Le SIA dorénavant accessible aux particuliers.
En premier lieu, le nouvel article R312-91 du CSI ne prévoit que l’extension aux particuliers du SIA, créé pour les professionnels, mentionné aux articles R312-84 du CSI.
Ainsi, et contrairement à une idée répandue, ce nouveau système SIA n’a pas été créé en 2022.
En deuxième lieu, l’entrée en vigueur de ce nouvel article R312-91 du CSI est ventilé dans le temps puisqu’en application de l’arrêté du 8 février 2022 portant application de l’article 8 du décret n° 2022-144 du 8 février 2022, seules les personnes majeures disposant d’un permis de chasser peuvent créer leur compte.
La possibilité de créer d’autres types de comptes sera disponible prochainement :
Le 08 mars 2022 pour les biathlètes et tireurs de ball-trap ;
Le 05 avril 2022 pour les non-licenciés ;
Le 10 mai 2022 pour les tireurs sportifs ;
Le 07 juin 2022 pour les collectionneurs ;
A partir du 1er juillet 2022 pour les comptes métiers et associations.
A compter du 1er juillet 2023, tout détenteur d’armes, de munitions ou de leurs éléments sera tenu d’avoir créé son compte individualisé dans le SIA [2].
Ce faisant, et conformément au III de l’article 14 du décret n° 2022-144 du 8 février 2022, le SIA sera ouvert, au plus tard, au 31 décembre 2022, à l’ensemble des détenteurs particuliers (licenciés de la fédération française de ball-trap, de ski et de tir sportif et collectionneurs) ainsi qu’aux détenteurs d’armes non licenciés (anciens licenciés des fédérations de tir sportif, de ball-trap et de ski ainsi que les détenteurs ayant trouvé ou hérité d’armes).
En troisième lieu, à compter de la création de son compte individualisé, le détenteur recevra un numéro « SIA », qui sera son numéro personnel de détenteur d’armes qui le suivra tout au long de sa vie. Il communiquera ce numéro à son armurier à chaque fois qu’il s’y rendra pour acquérir une arme, la faire réparer ou la vendre. C’est grâce à ce numéro qu’il sera identifié dans le système par les professionnels mais aussi par l’administration, qui pourra échanger directement avec lui par l’intermédiaire de son compte personnel.
De même, les demandes d’autorisation, d’acquisition et de détention d’armes des catégories A ou B ou de renouvellement de telles autorisations, effectuées par les personnes mentionnées à l’article R312-40 du Code de la sécurité intérieure, se font par l’intermédiaire du compte individualisé à compter d’une date fixée par arrêté du ministre de l’intérieur.
Lorsqu’il va ouvrir son compte, le détenteur aura directement accès à son « râtelier numérique ». Ce « râtelier » ne sera pas vide à la création de son compte. Le détenteur y retrouvera normalement toutes les armes qu’il détient, en tout état de cause toutes les armes qu’il est censé détenir aux yeux de l’administration.
En quatrième lieu, il est précisé, qu’à la faveur d’une période de transition, le détenteur aura 6 mois à compter de la date de création de son compte pour mettre à jour son « râtelier » notamment en y ajoutant une nouvelle arme qui aurait dû y figurer.
« Toute personne mentionnée à l’article R312-91 du Code de la sécurité intérieure et qui, à la création de son compte individualisé, constate qu’une arme des catégories A, B ou C en sa possession ne figure pas dans son râtelier numérique, ou que l’arme figure dans ce râtelier mais que les données ou le classement qui s’y rapportent sont inexacts, déclare cette arme ou procède aux rectifications nécessaires par l’intermédiaire de son compte individualisé, sans qu’il soit besoin de faire constater la possession de l’arme par un professionnel mentionné à l’article L313-2 du même code.
La déclaration ou les rectifications mentionnées à l’alinéa précédent sont effectuées dans les six mois qui suivent la date de création du compte individualisé.
Elles sont certifiées par un professionnel mentionné à l’article L313-2 du même code par l’intermédiaire du compte individualisé prévu à l’article R313-54 de ce code à l’occasion de la première opération relative à l’arme concernée » [3].
Un traitement équivalent et transitoire est également réservé au possesseur d’armes de catégories A et B [4].
Pour les personnes qui sont mises en possession d’une arme suite à un héritage, un dispositif spécifique est aussi mis en place pour faciliter l’enregistrement de leurs armes. Ainsi, désormais les héritiers qui souhaitent conserver les armes de leurs défunts peuvent également le faire simplement en déclarant ces armes sur le SIA dans un compte « détenteur non licencié » même s’ils n’ont ni permis de chasser, ni licence de tir.
En cinquième lieu, à compter de la mise à disposition du compte individualisé, les démarches administratives relatives à l’acquisition d’armes, de munitions ou de leurs éléments des catégories A, B ou C, ainsi qu’à l’obtention et au suivi des titres d’acquisition et de détention de telles armes, munitions ou éléments, sont réalisées par voie électronique par l’intermédiaire de ce compte [5].
Le portail créé pour les détenteurs d’armes appelé « espace détenteurs » permettra à ces derniers de réaliser de nombreuses démarches après avoir créé leur compte personnel.
Le déploiement du SIA va s’accompagner de mesures de simplification administrative induites par cette digitalisation : vérification automatisée de la validité de certains documents (licence de tir, autorisation préalable ou permis de chasser...), autorisation globale d’armes valable 5 ans, suppression du récépissé de déclaration ou encore génération automatique de la carte européenne d’armes
A cet effet, le ministère de l’Intérieur précise qu’avant l’été 2022, le détenteur aura également accès à l’ensemble des démarches administratives auparavant réalisées par lui par voie postale ou par l’armurier. Il pourra en effet valider l’acquisition d’une arme à feu, faire une demande d’autorisation, générer une carte européenne d’arme à feu ou encore faire une demande de carte de collectionneur.
Il permettra, par ailleurs, de faire évoluer et de simplifier la réglementation sur les armes, notamment en allégeant les documents sollicités pour les demandes d’autorisations d’acquisition et de détention d’armes.
En cas de difficulté liée à l’absence de matériel informatique, de connexion internet ou d’habitude d’usage de l’outil numérique, le ministère de l’Intérieur expose que le détenteur pourra se faire aider :
Dans les points d’accueil numériques qui existent dans toutes les préfectures (des permanences seront organisées par ces dernières à raison d’au moins une journée par semaine) ;
Auprès de leur fédération ou de leur armurier. En effet, le SIA a été conçu en étroite collaboration avec les quatre grandes fédérations de détenteurs d’armes (chasse, tir, ball-trap et ski/biathlon) et les représentants des professionnels des armes.
Le renforcement des contrôles de détenteurs d’armes à feu.
En premier lieu, il ne saurait être perdu de vue que cette « simplification » et la dématérialisation du râtelier des détenteurs d’armes facilitera également la récurrence des contrôles des détenteurs. Chaque détenteur d’armes fera en effet l’objet de vérifications périodiques avec le casier judiciaire et certains fichiers du ministère de l’Intérieur, afin de s’assurer de sa capacité à acquérir et détenir des armes.
Le SIA est par ailleurs un outil puissant de lutte contre la fraude documentaire. Les autorisations seront complètement dématérialisées et le SIA sera interconnecté avec les systèmes d’information des fédérations (chasse, tir, ball-trap, ski/biathlon).
En second lieu, cette interconnexion des fichiers aura également pour résultat d’accompagner un renforcement du Finiada.
De manière symbolique, les nouveaux articles R312-84 à R312-91 du CSI ayant pour objet le SIA viennent s’adosser à la suite de la sous-section 1 « Fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes (Finiada) ».
Le Finiada recense toutes les personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes suite à une mesure administrative ou judiciaire au titre de l’article L312-16 du CSI.
A ce jour, 100 000 personnes, dont près de 21 000 interdites en 2020, figureraient dans le Finiada.
Le SCAE, chargé de procéder au déploiement du SIA, intervient pour vérifier les signalements d’inscriptions au Finiada communiqués par les fédérations habilitées à consulter ce fichier.
En conclusion, et sachant qu’à l’horizon du 1er juillet 2023, la création d’un SIA personnalisé sera obligatoire pour tout détenteur d’armes, il devient nécessaire, dès à présent, que chacun puisse vérifier qu’il est bien en conformité avec la législation relative au détention d’armes notamment s’agissant des conditions de détention et de conservation de ces armes.
Par ailleurs, et sachant que beaucoup d’armes anciennes ne sont pas, à ce jour, déclarées, il serait particulièrement surprenant aux yeux de l’administration qu’un chasseur validant son permis de chasse chaque année ne soit pas officiellement détenteur d’au moins une arme à feu.
Discussion en cours :
Vous écrivez : "Par ailleurs, et sachant que beaucoup d’armes anciennes ne sont pas, à ce jour, déclarées, il serait particulièrement surprenant aux yeux de l’administration qu’un chasseur validant son permis de chasse chaque année ne soit pas officiellement détenteur d’au moins une arme à feu."
Il est tout à fait possible qu’un chasseur validant chaque année son permis de chasser, n’ait pas d’arme déclarée dans son râtelier SIA :
Il suffit que celui-ci ne dispose que d’un fusil lisse à un coup par canon (Juxtaposé, superposé ou mono coup), acquis avant le 1er Décembre 2011 !