Toutefois, les professionnels de la sécurité privée - qui cherchent à équilibrer la nécessité de conformité avec l’efficacité opérationnelle - expriment régulièrement des préoccupations concernant le nombre et la pertinence des registres à tenir, considérant souvent ces obligations comme un alourdissement de leurs contraintes, notamment administratives, déjà nombreuses.
Cette tension souligne l’importance d’une réglementation qui soit à la fois rigoureuse - pour encadrer et valoriser un secteur en pleine expansion - mais également adaptée aux besoins pratiques des entreprises de sécurité.
Ces exigences sont d’autant plus difficiles à gérer que le Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS) veille particulièrement au respect de ces obligations et effectue des contrôles réguliers, lesquels donnent parfois lieu à des sanctions.
Voici un tour d’horizon des principaux cahiers et registres requis pour permettre à tous professionnels de la sécurité privée de connaitre ses obligations.
1. Registre unique du personnel.
La gestion des ressources humaines est un aspect essentiel dans le domaine de la sécurité privée, secteur encore marqué par un turn-over assez conséquent.
Ainsi, la tenue du registre unique du personnel constitue une obligation légale, conformément aux dispositions de l’article L611-2 du Code de la sécurité intérieure et aux articles L1221-13 et D1221-23 du Code du travail, qui précisent notamment que ce registre doit inclure des informations essentielles sur chaque employé (identité, nationalité, date de naissance, qualification, emploi occupé, dates d’entrée et de sortie).
Il doit être accessible aux autorités compétentes en cas de contrôle, sous peine de sanctions administratives.
2. Mémento des consignes de sécurité.
Les agents de sécurité doivent disposer d’informations claires et actualisées sur les consignes à respecter dans l’exercice de leurs fonctions. Le Code de la sécurité intérieure impose désormais aux entreprises de mettre à disposition un mémento regroupant les consignes générales de sécurité. Ce support devient ainsi un référentiel désormais obligatoire.
Cette obligation légale trouve son fondement dans les dispositions de l’article R631-16 du Code de la sécurité intérieure, qui dispose :
« Les dirigeants (…) veillent à la formulation d’ordres et de consignes clairs et précis afin d’assurer la bonne exécution des missions. Les instructions générales, circulaires et consignes générales de la sécurité privée et celles relatives aux fonctions assurées, que les salariés doivent mettre en œuvre dans l’exercice de leurs fonctions, sont regroupées dans un mémento, rédigé en langue française, dans un style facilement compréhensible ».
Le texte précise que chaque modification des consignes doit être notifiée au salarié et faire l’objet d’un émargement, permettant ainsi aux agents du CNAPS de vérifier que les personnels de la société sont régulièrement informés de la nature et de l’évolution de leur mission.
3. Cahier des consignes d’usage et de tenue des matériels.
En vertu de l’article R631-17 du Code de la sécurité intérieure, les entreprises de sécurité privée doivent mettre à disposition des agents des équipements conformes aux normes en vigueur, leur permettant d’accomplir leur mission en toute sécurité. Ces équipements matériels doivent être régulièrement vérifiés et faire l’objet d’un suivi sérieux (« opérations de maintenance nécessaires »).
Il résulte de ces dispositions que les dirigeants de sociétés de sécurité privée et des services internes de sécurité doivent mettre à disposition de leurs personnels un cahier des consignes d’usage et de tenue du matériel permettant de documenter leur utilisation correcte, la maintenance et le suivi régulier de ces matériels afin d’en garantir l’efficacité.
A défaut, ils s’exposent à nouveau à des sanctions.
4. Registre de contrôle interne.
Trop souvent oubliée, et pourtant régulièrement vérifiée par les agents du CNAPS, la détention d’un registre de contrôle interne est une obligation prévue aux termes du dernier paragraphe de l’article R631-16 du Code de la sécurité intérieure, lequel dispose que
« les dirigeants s’assurent de la bonne exécution des missions, notamment au moyen de contrôles réguliers sur place. Dans ce cadre, les dirigeants mettent en place et tiennent à jour un registre des contrôles internes ».
Il en résulte que les dirigeants d’entreprises de sécurité privée doivent réaliser des contrôles réguliers sur le terrain afin de s’assurer du respect des consignes mises en place et de la bonne exécution des missions par leurs agents. Ces contrôles doivent être consignés dans un registre spécifique, dénommé « registre de contrôle interne », garantissant une traçabilité et une transparence renforcées dans l’exécution des missions.
Le cas échéant, ils pourront apporter les ajustements nécessaires, que je recommande de consigner par écrit dans ce registre.
En effet, dans le cadre d’un contrôle diligenté par le CNAPS, les contrôleurs seront amenés à consulter ce document, qui leur permet de s’assurer de l’effectivité et des mesures de contrôles concrètes mises en œuvre par le gérant d’une société de sécurité privée. Le CNAPS intensifie sa vigilance et ses contrôles afin de détecter et sanctionner les gérants de fait dissimulés derrière des prête-noms. Un suivi régulier de l’activité permettra ainsi d’éviter toute sanction administrative.
5. Registre de main courante.
Bien connu de l’ensemble des professionnels de la sécurité privée, l’incontournable registre de main courante constitue un document fondamental pour assurer la traçabilité des événements et des interventions sur un site donné. Il permet de retracer l’activité des agents et de préserver une preuve des actions entreprises. Ce registre doit consigner chronologiquement toutes les informations pertinentes :
- Heures de prise et de fin de service des agents.
- Détails des incidents survenus (intrusions, alarmes, pannes, etc.).
- Consignes reçues et actions mises en place.
- Observations et anomalies constatées.
- Interventions effectuées.
Sa bonne tenue est essentielle en cas de litige ou de vérifications administratives. Toutefois, il constitue davantage un outil indispensable au bon fonctionnement de l’activité qu’une obligation légale.
Conclusion.
En conclusion, la tenue rigoureuse de ces cahiers et registres constitue une exigence incontournable pour les entreprises de sécurité privée qui entendent exercer en parfaite conformité avec la règlementation en vigueur.
Le CNAPS veille de près à leur mise en application et accorde une attention non négligeable à leur suivi lors de ses contrôles. Un manquement à ces obligations est d’ailleurs susceptible d’entraîner des sanctions administratives ou pénales (RUP), soulignant l’importance d’une gestion documentaire rigoureuse et adaptée aux exigences de ce secteur réglementé.
Enfin, il convient de souligner que la tendance vers la dématérialisation de ces registres et cahiers est un enjeu majeur, qui mérite que l’on y accorde une attention toute particulière, dans un contexte de bouleversement général lié à l’introduction de l’IA.
Il va en effet sans dire que, selon la taille et les moyens dont dispose une société de sécurité privée, sa capacité à assimiler et à faire l’acquisition des nouveautés en matière technologique ne sera évidemment pas la même.
Enfin, il y a lieu de rappeler que la règlementation en matière d’activités privées de sécurité est dense et complexe. En cas de doute et/ou de besoin d’accompagnement, il est judicieux de se prendre conseil en se tournant vers un avocat maitrisant parfaitement ces enjeux.