Une réglementation stricte du port d’armes en France pour les agents de sécurité privée.
En France, l’ensemble des activités de sécurité privée est soumis à un régime juridique strict, défini par le Code de la sécurité intérieure. Parmi ces activités, celle d’agent de sécurité armé bénéficie d’un encadrement renforcé, proportionnel à la gravité des missions exercées et au maniement d’armes à feu. Ainsi, si le port d’arme peut être autorisé [1], il ne va pas de soi.
En effet, contrairement à d’autres législations plus permissives, le cadre français demeure particulièrement strict en matière d’autorisation du port d’arme par les agents de sécurité privée. L’exercice de cette activité requiert l’obtention d’une carte professionnelle délivrée par le CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité), à laquelle s’ajoute, pour les missions armées, une autorisation préfectorale spécifique encadrant le port ou le transport d’armes.
Le port d’arme n’est donc jamais un droit automatique, mais un régime d’exception, justifié par la nature de la mission et les risques encourus.
La délicate question de l’armement : la sécurité privée vue à travers le prisme culturel français.
Ce positionnement s’explique aussi par une différence culturelle profonde : contrairement aux États-Unis, où l’armement privé est largement intégré à la société civile et au secteur de la sécurité, la France ne possède pas une culture de l’armement généralisé.
Ce refus d’une banalisation de l’usage des armes se manifeste d’ailleurs régulièrement dans le débat public, à l’instar de la question de l’armement des polices municipales.
Ainsi, à Bordeaux, par exemple, le maire écologiste Pierre Hurmic, initialement opposé à l’armement de sa police municipale, a annoncé, le 12 novembre 2024, la création d’une brigade d’appui et de sécurisation, composée d’une cinquantaine d’agents armés, qui devrait être opérationnelle d’ici mi-2025. Cette décision, prise après des mois de débats et face à une augmentation des agressions et de la délinquance dans la métropole, illustre les réticences et les arbitrages que suscite l’armement des forces de sécurité, même au niveau local.
Le rôle central du CNAPS et de la Préfecture dans la régulation.
Le CNAPS joue un rôle central dans ce dispositif. Autorité administrative indépendante, il est chargé de délivrer les cartes professionnelles des agents, mais également les agréments nécessaires aux dirigeants d’entreprises de sécurité privée ainsi que les autorisations d’exercice pour les sociétés elles-mêmes.
La demande de carte professionnelle, préalable indispensable à l’exercice de la profession d’agent de sécurité armé, s’effectue en ligne via l’application "Téléservices" de cet établissement. C’est par ce portail que l’agent devra transmettre l’ensemble des pièces justificatives et satisfaire aux conditions suivantes :
- Être majeur, de nationalité française ou ressortissant de l’Union européenne ou d’un État autorisé ;
- Valider l’enquête administrative diligentée par l’autorité compétente, laquelle vise à s’assurer de l’absence de condamnation pénale ou d’inscription au fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) incompatible avec l’exercice de la profession ;
- Justifier d’une certification professionnelle reconnue, incluant une formation aux missions de sécurité privée, condition préalable à l’obtention de la carte professionnelle délivrée par le CNAPS ;
- Fournir une évaluation psychotechnique attestant de l’aptitude à porter une arme ;
- Suivre une formation préalable spécifique agréée par le CNAPS, couvrant les aspects juridiques, techniques et comportementaux liés à l’usage d’une arme.
Une fois la carte professionnelle obtenue par l’agent, l’employeur doit ensuite solliciter une autorisation préfectorale d’armement pour chaque mission nécessitant l’usage d’une arme à feu.
Cette autorisation, délivrée par le préfet, est nominative, limitée dans le temps, et repose sur une justification précise tenant compte de la nature de la mission, du niveau de risque et du contexte opérationnel.
Pour obtenir un port d’arme (catégorie D) pour ses agents de sécurité, la société de sécurité privée doit présenter un dossier complet comprenant [2] :
- La preuve de la détention d’une autorisation d’exercer par la société demanderesse, ainsi qu’une copie de la carte professionnelle valide des agents concernés ;
- Un descriptif très précis de la mission qui sera confiée aux agents de la société de sécurité privée et du type d’armement qui leur sera remis. La copie du contrat entre la société et le client devra être fournie ;
- Une justification de la mission : l’employeur doit justifier la nécessité de l’armement, ce qui inclut une lettre de mission du client stipulant cette nécessité ;
- La copie des cartes d’identité des agents de sécurité armés concernés ;
- Un certificat médical attestant que l’état de santé physique et psychique de l’agent n’est pas incompatible avec le port d’une arme ;
- La copie des justificatifs de la formation initiale et d’entrainement au maniement des armes ;
- La preuve de mesures spécifiques de stockage des armes dans des conditions de sécurité stricte lorsqu’elles ne sont pas utilisées ;
- L’autorisation de surveillance de la voie publique lorsque la mission l’exige.
Une réglementation en constante évolution.
À l’instar de l’encadrement général des activités de sécurité privée, la réglementation applicable à l’armement dans ce secteur a elle aussi évolué de manière significative ces dernières années.
La loi dite de « sécurité globale » de 2021 a renforcé le contrôle de l’armement dans le secteur privé, en précisant les conditions de coopération entre les forces publiques et les entreprises privées de sécurité.
Récemment, de nouveaux textes sont venus préciser davantage encore les contours de la réglementation en matière de port d’arme, notamment le Décret n° 2023-252 du 4 avril 2023 qui précise les conditions d’armement des agents privés de protection des navires, ou encore le décret n° 2024-1116 du 4 décembre 2024 qui introduit des ajustements importants concernant l’armement et la formation des agents de sécurité armés, notamment pour les missions de surveillance renforcée. En augmentant le nombre de munitions autorisées, en facilitant le renouvellement temporaire des équipements et en permettant l’utilisation de munitions non létales pour la formation, il répond aux exigences de sécurité tout en renforçant l’efficacité opérationnelle dans les environnements sensibles.
Ces modifications s’inscrivent dans une volonté de maintenir un haut niveau de contrôle tout en répondant aux besoins spécifiques du secteur.
Contrôles renforcés et sanctions sévères.
Ces évolutions témoignent d’une volonté des pouvoirs publics de prévenir tout usage inapproprié de la force, en garantissant une parfaite maîtrise des agents dans des contextes opérationnels sensibles.
Parallèlement, le CNAPS a accru ses contrôles sur le terrain, notamment dans le domaine du transport de fonds et de la surveillance armée de sites sensibles. Des inspections inopinées permettent de vérifier la conformité des autorisations, la traçabilité des armes et le respect des règles de stockage.
En cas de manquement, les sanctions peuvent être très sévères, puisque le CNAPS, pour rappel, a désormais la possibilité de prononcer des interdictions d’exercice pouvant aller jusqu’à sept ans, conformément aux dispositions prévues par l’article L634-9 du Code de la sécurité intérieure.
Le flou autour des sociétés militaires privées.
Enfin, certains débats récents évoquent la création d’un statut juridique spécifique pour les agents de sécurité armés, avec un encadrement différencié, davantage adapté à la gravité des missions exercées. Ce projet n’en est encore qu’au stade de la réflexion, mais il témoigne d’une reconnaissance croissante de la technicité et de la responsabilité liées à cette activité.
Profession exigeante, le métier d’agent de sécurité armé reste une exception dans le paysage de la sécurité privée français, à tout le moins sur le territoire national car cet encadrement juridique toujours plus contraignant contraste très nettement avec le flou, voire l’opacité, régnant autour des sociétés militaires privées (contractors), lesquelles emploient sans difficulté où processus juridique spécifique des agents armés projetés dans les théâtres de guerre et de conflits.
Quoi qu’il en soit, au regard de la complexité et de l’évolution continue de la réglementation relative à la sécurité privée armée, il est vivement recommandé, en cas de doute, de solliciter l’avis d’un avocat compétent dans ce domaine afin de garantir la conformité juridique des pratiques et d’éviter toute exposition à des risques légaux.