1) Requalification de CDD en CDI : Point de départ de la prescription de l’action en cas d’absence d’une mention au contrat. (Cass. soc. 3 mai 2018, n°16-26437).
Dans cet arrêt du 3 mai 2018, la Cour de cassation affirme que « le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ».
M. Guillaume Y... a été engagé par la SCP Y... selon contrat de travail à durée déterminée allant du 12 au 31 juillet 2004.
Il a été engagé par la même société selon contrats à durée déterminée allant du 12 janvier au 10 mars 2010, du 3 janvier au 30 septembre 2011, du 17 octobre 2011 au 17 juillet 2012, du 18 juillet 2012 au 15 janvier 2013, et du 15 janvier 2013 au 15 janvier 2014 ; qu’il a, le 6 janvier 2014, saisi la juridiction prud’homale d’une demande en requalification du contrat à durée déterminée conclu le 12 juillet 2004 en contrat à durée indéterminée.
Le salarié fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers de le débouter de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée du 12 juillet 2004 en un contrat de travail à durée indéterminée.
La Cour de cassation affirme « qu’aux termes de l’article L. 1471-1 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ; qu’il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat ».
La Haute Cour ajoute que le salarié fondait sa demande en requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 12 juillet 2004 sur le défaut d’indication, dans le contrat, du motif du recours à ce type de contrat ; dès lors, elle constate que la Cour d’appel en a déduit à bon droit que la prescription de cette demande (saisine du 6 janvier 2014) courait à compter de la date de conclusion du contrat et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
Analyse.
Le salarié avait saisi le 6 janvier 2014 ; il était donc forclos à agir en requalification des CDD en CDI au motif de l’illicéité d’un motif de recours d’un CDD conclu à compter du 12 juillet 2004 (plus de 9 ans et demi après la saisine du conseil de prud’hommes).
Il en résulte que le salarié qui souhaite demander la requalification d’un CDD en CDI et qui fonde sa demande sur l’absence d’une mention obligatoire au contrat, dispose de 2 ans pour agir à compter de la conclusion de son CDD.
2) L’autorisation administrative de non-renouvellement d’un CDD interdit une requalification judiciaire des CDD en CDI (Cass. soc. 9 mai 2018, n°16-20423).
Dans cet arrêt du 9 mai 2018, la Cour de cassation affirme que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée en application des articles L. 2412- 13 et L. 2421-8 du code du travail devenue définitive, statuer sur une demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée.
Madame X avait été engagée par Pôle emploi Midi-Pyrénées par un contrat de travail à durée déterminée à compter du 3 novembre 2009, puis par six autres contrats à durée déterminée jusqu’au 31 août 2012.
Elle était investie d’un mandat de conseiller prud’hommes.
La cessation d’emploi après le dernier contrat de travail qui comportait une clause de renouvellement mais n’a pas été renouvelé, a été refusée par l’inspecteur du travail puis autorisée le 23 janvier 2013 par le ministre chargé du travail.
Elle a pris effet le 31 janvier 2013.
Madame X, estimant que la relation de travail était à durée indéterminée, a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de requalification du premier contrat à durée déterminée et de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur.
La Cour d’appel a déclaré les demandes de la salariée irrecevables. Elle s’est pourvue en cassation.
Dans un arrêt du 9 mai 2018, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la salariée.
La Cour de cassation affirme que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée en application des articles L. 2412- 13 et L. 2421-8 du code du travail devenue définitive, statuer sur une demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée.
Qu’ayant constaté que, par décision du ministre chargé du travail du 23 janvier 2013, dont la légalité n’était pas contestée par voie d’exception par la salariée, le non-renouvellement du contrat de travail avait été autorisé, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la demande de requalification présentée devant le juge judiciaire était irrecevable.
Analyse.
Le principe de séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire de remettre en cause la légalité ou le bien-fondé de la décision rendue par l’inspecteur du travail en matière de rupture du contrat des salariés protégés.
Dès lors que l’autorité administrative a autorisé le non-renouvellement du CDD, le juge judiciaire n’est plus compétent pour statuer sur une demande de requalification en CDI.
Néanmoins, par la voie d’un recours pour excès de pouvoir, la salariée aurait pu contester l’autorisation accordée par l’autorité administrative, ce qu’elle n’a pas fait.
Toutefois, cette décision est, selon nous, critiquable car la demande de non-renouvellement d’un CDD devant l’autorité administrative n’a pas le même objet que la demande de requalification des CDD en CDI ; en conséquence, l’action en requalification des CDD en CDI devait rester ouverte au salarié.
3) CDD de remplacement : La mention de la qualification (technicienne supérieure de laboratoire) de la salariée remplacée en référence à la qualification professionnelle résultant de la grille de classification de la convention collective, est suffisante (Cass. soc. 3 mai 2018, n°16-20636).
La mention de la qualification (technicienne supérieure de laboratoire) en référence à la qualification professionnelle résultant de la grille de classification des emplois de la convention collective d’entreprise est suffisante.
La Cour de cassation affirme « qu’alors que la Cour d’appel constatait la mention sur les contrats litigieux des fonctions de technicienne supérieure de laboratoire de la salariée remplacée et que ces mentions renvoyaient à une qualification professionnelle issue de la grille de classification des emplois annexée à la convention d’entreprise, ce dont il résultait que les contrats répondaient aux exigences légales relatives à l’indication, dans le contrat de travail à durée déterminée de remplacement, de la qualification du salarié remplacé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
L’EPIC Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) a engagé Mme X... en qualité de technicienne supérieure de laboratoire de catégorie 4, échelon 3, indice 272 de la classification des emplois de la convention d’entreprise du personnel mensuel du Cirad, par trois contrats de travail à durée déterminée de remplacement de Mme A..., entre le 15 juin 2009 et le 18 octobre 2012.
Poursuivant la requalification de ces contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes relatives tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat de travail.
La Cour d’appel de Montpellier a fait droit à la requalification des CDD en CDI en retenant qu’en l’absence, notamment, de mention du nom et de la qualification du salarié remplacé le contrat est réputé conclu pour une durée indéterminée, l’employeur ne pouvant écarter la présomption légale ainsi instituée notamment en apportant des éléments extrinsèques au contrat relatifs à la qualification du salarié remplacé, qu’en l’espèce, si les contrats en cause précisent effectivement l’emploi de la salariée remplacée, ils ne mentionnent nullement sa qualification, c’est à dire sa classification, sa catégorie, son échelon, son indice, que la simple mention de l’emploi du salarié remplacé étant insuffisante pour satisfaire aux exigences légales, il s’ensuit que les contrats de travail litigieux sont irréguliers et que la relation de travail sera requalifiée en contrat à durée indéterminée ayant débuté le 15 juin 2009.
L’EPIC s’est pourvu en cassation.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel.
La Cour de cassation affirme que « selon le second des textes susvisés, le technicien supérieur de laboratoire, relevant de la catégorie des agents de maîtrise de niveau 4 de la classification conventionnelle des emplois, est un agent dont la fonction exige des connaissances lui permettant d’adapter et de suivre des préparations, études et analyses sous l’autorité d’un cadre, auquel il est demandé un apport personnel au niveau de l’organisation et de l’interprétation du travail et qui peut être amené à coordonner et conseiller du personnel travaillant sur les techniques qu’il utilise ».
Elle conclut « qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle constatait la mention sur les contrats litigieux des fonctions de technicienne supérieure de laboratoire de la salariée remplacée et que ces mentions renvoyaient à une qualification professionnelle issue de la grille de classification des emplois annexée à la convention d’entreprise, ce dont il résultait que les contrats répondaient aux exigences légales relatives à l’indication, dans le contrat de travail à durée déterminée de remplacement, de la qualification du salarié remplacé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Elle renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Nîmes.
Analyse.
En cas de recours au CDD de remplacement d’un salarié absent, le CDD doit indiquer le nom et la qualification du salarié remplacé. A défaut, le CDD est requalifié en CDI.
Dans cet arrêt, la cour de cassation rattache la notion de qualification (technicienne supérieure de laboratoire) à la qualification professionnelle résultant de la grille de classification des emplois de la convention collective d’entreprise.
Le fait que le CDD ne mentionne pas la classification, la catégorie, l’échelon et l’indice correspondant importe peu.
Discussions en cours :
Mais qu’en est il quand la demande de requalification en CDI devant le conseil des prud’hommes est antérieure à la demande de non renouvellement de contrat à l’inspection du travail (car dans le cas présent c’est postérieur), que lors de l’audience au conseil des prud’hommes précède également cette demande et que l’inspection du travail est au courant de cette demande de requalification en CDI ? Merci
Il est a précisé que depuis les ordonnances Macron (avril 2018), il semblerait que la demande à l’inspection du travail n’est plus nécessaire pour le non renouvellement de CDD des salariés protégés hors mis cas particulier ?
Très bon article