Team building en entreprise : guide juridique de survie pour les salariés, cadres, cadres dirigeants.

Par Frédéric Chhum et Apolline Tocquet, Avocats.

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Explorer : # team building # temps de travail # droit du travail # libertés individuelles

Le team building est devenu un évènement incontournable de la vie en entreprise [1].

Les Teams Buildings comportent souvent des activités ludiques : soirées d’entreprise, escape game, course d’orientation, karaoké, cours de cuisine, saut à l’élastique.

Mais ces activités ne sont pas toujours du goût des salariés.

C’est pourquoi, nous vous proposons un guide de survie aux teams buildings, pour les salariés, cadres et cadres dirigeants.

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1) Team Building = temps de travail effectif ?

Le temps de travail effectif est « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » [2].

Partant de cette définition, un Team Building doit être considéré comme du temps de travail effectif, s’il est imposé par l’employeur, réalisé sous ses directives pendant les horaires de travail et ne permet pas aux salariés de vaquer librement à leurs occupations personnelles.

A contrario, si la participation est facultative, que l’activité a lieu en dehors du temps de travail habituel (soirée, week-end) et qu’il s’agit d’une activité récréative ou festive sans lien direct avec les tâches professionnelles, alors cette activité peut ne pas être considérée comme du temps de travail effectif.

Les juges font une appréciation in concreto.

1.1) Puis-je demander le paiement d’heures supplémentaires effectuées en team building ?

Oui à condition de pouvoir démontrer que le temps passé en Team Building est bien assimilé à du temps de travail effectif.

A contrario, les heures supplémentaires ne seront pas dues car ce temps de travail n’est pas du temps de travail effectif.

A cet égard, dans un arrêt du 20 mars 2025, la Cour d’appel de Versailles a récemment rejeté la demande en paiement d’heures supplémentaires d’une salariée pour « du temps passé dans un apéritif dit afterwork ou un week-end dit de team building alors qu’il ne s’agit pas de temps pendant lequel la salariée était à la disposition de l’employeur et se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » [3].

1.2) Mon employeur doit-il respecter les durées maximales de temps de travail autorisées ?

Oui a priori.

Si vous partez pour une semaine de Team Building, la durée de vos journées ne devrait, en principe, pas dépasser les limites suivantes :

  • la durée quotidienne maximale de 10 heures ;
  • la durée hebdomadaire de 48 heures.

Par ailleurs, même si votre journée est ponctuée d’activités, votre employeur devra toujours prévoir une pause d’au moins 20 minutes toutes les 6 heures.

Toutefois, le respect de la durée légale de travail n’est pas toujours possible, notamment pour les activités récréatives qui peuvent être exclues de la durée du travail.

Exemple, si les salariés partent, en team building, faire une randonnée au Mont Blanc. Le respect des durées de travail semble illusoire.

2) Le team building est-il obligatoire ?

A priori, participer à un Team Building ne semble pas relever d’une obligation professionnelle.

Pourtant, deux situations sont à distinguer :

  • Si le Team Building est organisé pendant les horaires de travail et que les activités sont en lien avec l’exécution du contrat de travail (par exemple si elles visent à améliorer des compétences professionnelles), la participation au Team Building pourra être rendue obligatoire car assimilée à du temps de travail effectif.
  • Si le Team Building est organisé hors du temps de travail (ex le week-end) et que les activités sont uniquement à visée récréative alors votre participation ne pourra pas être rendue obligatoire.

3) Puis-je être licencié si je refuse de me rendre à un Team Building ?

Non.

Même lorsque le Team Building a un caractère obligatoire, vous avez la possibilité de faire valoir vos droits et libertés fondamentaux tels que la liberté d’expression, le droit au respect de la vie privée et familiale ou encore la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Ainsi, il a été jugé que le salarié était en droit de refuser de participer à un Team Building en raison de contraintes familiales légitimes.

Par un arrêt du 9 novembre 2022, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel en considérant qu’un Directeur Senior n’avait commis aucun abus dans l’exercice de sa liberté d’expression et d’opinion en refusant d’accepter la politique de l’entreprise et les activités de team building basées sur le partage de la valeur « fun and pro ».

L’abstention peut donc aussi constituer une manifestation de la liberté d’expression, et être protégée comme telle [4].

Statuant sur renvoi, la Cour d’appel de Paris a jugé le licenciement nul en se plaçant sous l’angle, non de la violation de la liberté d’expression, mais de la protection inhérente au harcèlement moral [5].

4) Puis-je refuser certaines activités du Team Building ? Lesquelles ?

Oui.

D’une manière générale, vous pouvez refuser d’exécuter les tâches qui n’entrent pas dans l’exercice normal de vos fonctions.

Ainsi, un salarié ne pourra pas être licencié pour avoir refusé de faire de l’animation à un Team Building si ces missions ne relèvent pas de sa fiche de poste.

Un salarié pourra également refuser de participer à des activités qui porteraient atteintes à ses droits et libertés fondamentaux (liberté de conscience, dignité etc.) ou porteraient atteintes à sa santé (comme la consommation d’alcool à outrance) ou à sa sécurité (pratique d’une activité dangereuse).

Dans ces conditions, votre refus de participer à certaines activités ne pourra pas constituer un motif valable de licenciement.

5) Mon employeur est-il tenu des mêmes obligations de santé et sécurité durant le Team Building ?

Oui.

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs [6].

Cette obligation concerne chaque salarié pour lequel il appartiendra à l’employeur de veiller à sa santé et sa sécurité ainsi que celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Il s’agit d’une obligation de résultat, c’est-à-dire d’une obligation par laquelle l’employeur s’engage à assurer la santé et la sécurité de ses salariés et non pas seulement à mettre en œuvre tous les moyens raisonnables pour y parvenir.

Dans un arrêt du 23 octobre 2019, la Cour de cassation a confirmé le licenciement pour faute grave d’un manager d’une équipe de Team Building qui n’avait pas pris en compte le mal-être exprimé par un salarié lors d’une épreuve consistant à marcher pieds nus sur du verre pilé.

La faute du salarié avait consisté, non pas à l’organisation de cette activité, mais dans le fait de ne pas intervenir pour préserver l’intégrité physique et psychique de ses collaborateurs, en méconnaissance de ses obligations en matière de santé et de sécurité [7].

Dans le cadre d’un Team Building, votre employeur reste donc tenu des mêmes obligations.

6) Si j’ai un accident lors de ce team building, est-ce un accident du travail ?

Oui.

La qualification d’accident du travail nécessite la réunion de trois éléments :

  • La démonstration de la matérialité d’un fait accidentel ;
  • L’existence d’un préjudice pour la victime (atteinte physique ou psychologique) ;
  • Un cadre professionnel.

Si vous êtes victime d’un accident lors de votre Team Building, cet accident pourra être requalifié en accident du travail.

Dans un arrêt du 21 juin 2018, la Cour de cassation a jugé que l’accident survenu lors d’une journée libre pendant un séminaire devait être pris en charge au titre de la législation des accidents professionnels.

En l’espèce, la salariée participait à un séminaire professionnel à la Clusaz.

Au programme de ce séminaire, était prévue une journée de détente où les participants étaient libres de se livrer aux activités sportives de leur choix.

La Cour de cassation en déduit que durant cette journée, qui était rémunérée comme du temps de travail, les salariés restaient soumis à l’autorité de l’employeur, organisateur du séminaire, justifiant la qualification en accident du travail [8].

7) Quid si je suis harcelé(e) moralement ou sexuellement lors d’un Team Building ?

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel [9]. L’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral [10].

Il s’agit là encore d’une obligation de résultat [11].

Ainsi l’employeur manque à cette obligation dès lors que le salarié est victime de harcèlement ou de violence [12].

Le Team Building pouvant être assimilé à du temps de travail effectif, votre employeur reste tenu des mêmes obligations que lorsque vous êtes au bureau.

Si vous faites l’objet de harcèlement pendant votre Team Building, il faut immédiatement le signaler par écrit de préférence à votre hiérarchie et aux ressources humaines.

N’hésitez pas à porter plainte au pénal au commissariat ou devant le procureur de la République.

8) Quelles sanctions en cas de comportement « inapproprié » d’un salarié pendant un Team Building ?

Pendant les évènements d’entreprise, le comportement répréhensible d’un salarié pourra être sanctionné.

La sanction choisie devra toutefois être proportionnée à la faute commise.

En fonction de sa gravité, la sanction pourra aller du simple blâme au licenciement pour faute grave ou lourde.

Dans le cadre d’une faute commise pendant un Team Building, toute la difficulté est de dissocier ce qui relève de la vie professionnelle de ce qui relève de la vie privée du salarié.

Dans un arrêt du 22 janvier 2025, la Cour de cassation a rappelé qu’un fait relevant de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement à une obligation découlant du contrat de travail [13].

En l’espèce, lors d’une croisière organisée par l’entreprise, une salariée avait été accusée d’avoir fumé le narguilé dans sa cabine, qu’elle partageait avec une collègue enceinte, et d’avoir obstrué le détecteur de fumée.

Son employeur la licencie pour faute grave en considérant que son comportement a porté atteinte à l’image de l’entreprise et a mis en danger la sécurité des autres passagers.

La salariée conteste son licenciement en faisant valoir que ces faits relevaient de sa vie privée et non de sa vie professionnelle.

La Cour de cassation lui donne raison en relevant que les faits qui lui étaient s’étaient déroulés en dehors du temps et du lieu de travail de travail, de sorte que la salariée n’était plus sous la subordination de son employeur, et n’était pas soumise aux règles de l’entreprise.

Les juges ont également précisé qu’un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise résultant d’un fait tiré de la vie personnelle du salarié ne permet pas, en lui-même, de prononcer une sanction disciplinaire.

Sources :

  • Temps de cocktail, temps de travail [14].
  • Court métrage « The complaint » [15].
  • CA Versailles, ch. soc. 4 5, 20 mars 2025, n° 23/01544.
  • Cass. soc., 9 nov. 2022, no 21-15-208.
  • CA Paris, pôle 6 ch. 11, 30 janv. 2024, n° 23/00942.
  • Cass. soc., 23 oct. 2019, n° 18-14.260.
  • Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 juin 2018, 17-15.984 Inédit.
  • Cass. Soc. 21 juin 2006, n°05-43.914 Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914, Bull. 2006 V N° 223 p. 212.
  • Cass. Soc. 3 fév. 2010, n°08-44019 : Cass. soc., 3 févr. 2010, n° 08-44.019, Bull. 2010, V, n° 30.
  • Cass. soc. 22 janvier 2025 n° 23-10.888 : Cass. soc., 22 janv. 2025, n° 23-10.888, Publié au bulletin.

Frédéric Chhum, Avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
et Apolline Tocquet, Avocate

Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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Notes de l'article:

[1Le réalisateur danois William Sehested Høeg en a fait un film « The complaint » actuellement diffusé sur Arte : entre activités absurdes et toxicité des dynamiques de groupes https://www.arte.tv/fr/videos/118977-000-A/the-complaint/

[2Article L3121-1 du Code du travail.

[3CA Versailles, ch. soc. 4-5, 20 mars 2025, n° 23/01544.

[4Cass. soc., 9 nov. 2022, no 21-15-208.

[5CA Paris, pôle 6 ch. 11, 30 janv. 2024, n° 23/00942.

[6Art. L4121-1 du Code du travail.

[7Cass. soc. 23-10-2019 n° 18-14.260 F-D.

[8Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 juin 2018, 17-15.984.

[9Article L1152-1 du Code du travail.

[10Article L1152-4 du Code du travail.

[11Cass. Soc. 21 juin 2006, n° 05-43.914.

[12Cass. Soc. 3 fév. 2010, n° 08-44019.

[13Cass. soc. 22 janvier 2025 n° 23-10.888.

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