Lorsque l’on aborde la question des frais de transport domicile-lieu de travail, la prudence commande d’envisager ce thème à travers plusieurs sources législatives et réglementaires. Les impératifs de Sécurité sociale, la nécessité de préserver l’équité entre salariés et employeurs, ainsi que les récentes évolutions introduites au niveau du Bulletin officiel de la Sécurité sociale, encore dénommé « BOSS », constituent autant d’éléments fondamentaux à intégrer. Les mesures temporaires, la prime transport et le forfait mobilités durables ont fait l’objet d’une attention particulière de la part du législateur, qui a cherché à concilier, d’une part, la volonté d’inciter à l’usage de moyens de transport plus sobres en carbone, et d’autre part, la nécessité pour les salariés de bénéficier d’aides concrètes pour se déplacer au quotidien.
Dans ce contexte, il est essentiel de rappeler que la prise en charge des frais de transport par l’employeur obéit à des modalités d’exonération strictes, dont le non-respect peut entraîner une réintégration des sommes versées dans l’assiette des cotisations sociales. Les différents textes de loi, tels que l’article L3261-2 du Code du travail et l’article 81, 19° ter du Code général des impôts, jalonnent ainsi la matière, complétés par des dispositions spécifiques issues de la loi 2022-1157 du 16 août 2022 et de la loi 2022-1157 du 16 août 2022. Les arrêts de la Cour de cassation démontrent, quant à eux, la vigilance de la juridiction suprême en matière de contrôle des exonérations et de la protection des droits des salariés.
Le sujet étant particulièrement vaste, cette analyse proposera d’abord un aperçu détaillé du cadre légal et réglementaire, afin de clarifier les sources du droit relatives au remboursement des frais de transport. Par la suite, une seconde partie développera de manière approfondie les différents dispositifs (obligatoires ou facultatifs) auxquels l’employeur peut recourir, notamment la prise en charge obligatoire de 50% des titres de transport, la prime transport, le forfait mobilités durables et les indemnités kilométriques. Nous aborderons également la question de la limite d’exonération applicable à chaque cas. Enfin, seront étudiés les nouveaux enjeux introduits par les dispositions récentes en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2025, après la suppression des mesures temporaires.
Cette démarche vise à offrir aux praticiens du droit, aux entreprises et aux salariés une vision complète, fiable et juridiquement solide, en prenant appui tant sur les textes que sur la jurisprudence. Dans l’arrêt Cass. Soc., 15 déc. 2016, n°15-21389, la Cour de cassation a ainsi souligné l’importance du respect des critères d’éligibilité pour bénéficier de l’exonération sociale, tandis que l’arrêt Cass. Soc., 15 déc. 2016, n°15-21389 rappelle les conditions d’une information claire du salarié quant à ses droits.
I. Cadre juridique et fondements législatifs.
Les articles du Code du travail et du Code de la Sécurité sociale.
Le droit positif français organise la prise en charge des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail par un ensemble de dispositions. On peut citer l’article L3261-1 du Code du travail, prévoyant la possibilité de remboursements pour les salariés, l’article L3261-3 du Code du travail relatif à la prime de transport, ou encore l’article L3261-2 du Code du travail qui institue l’obligation, pour l’employeur, de prendre en charge 50% du coût de l’abonnement aux transports en commun, dans la limite du tarif de seconde classe.
Le cadre est également enrichi par la notion de frais professionnels, telle qu’envisagée par l’article L242-1 du Code de la Sécurité sociale, l’article L242-1 du Code de la Sécurité sociale, posant le principe que tout élément versé au salarié en contrepartie de son travail est soumis à cotisations, sauf exceptions légales. Le BOSS, mis à jour au 1ᵉʳ janvier 2025, apporte un éclairage supplémentaire sur la qualification de ces indemnités de transport et sur leurs conditions d’exclusion de l’assiette des cotisations.
Impact des lois de finances et de financement de la Sécurité sociale.
Certaines dispositions relatives au transport domicile-lieu de travail sont édictées dans des textes tels que la loi 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 et la loi 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, ainsi que la loi du 16 août 2022 (loi 2022-1157) de financement rectificative pour 2022. Ces lois ont introduit ou prolongé temporairement des plafonds d’exclusion applicables à la prime transport ou au forfait mobilités durables, parfois portés à 700, voire 900 € dans certains cas, avant de revenir, au 1ᵉʳ janvier 2025, à des seuils plus restreints (600 € en principe).
Il convient de relever que, souvent, ces mesures présentées comme « temporaires » ont un caractère exceptionnel, de sorte que leur prolongation ou leur extinction dépend de la volonté du législateur. Le BOSS a ainsi répercuté, dans une mise à jour du 21 janvier 2025, la fin des différentes mesures temporaires prévues par l’article 2 de la loi 2022-1157 du 16 août 2022 (BOSS-FP-515 modifié).
A noter : dans une actualité du 24 décembre 2024, le BOSS précisait que, dans la rubrique « Remboursements de frais professionnels », certains dispositifs qui devaient s’éteindre à la fin de l’année 2024 feraient l’objet d’une prolongation dont les modalités seraient à préciser. Toutefois, dans sa mise à jour du 21 janvier 2025, l’administration supprime de son contenu l’ensemble des mesures temporaires prévues par l’article 2 de la loi du 16 août 2022.
Rôle de la jurisprudence.
La Cour de cassation a eu l’occasion, à de nombreuses reprises, de se prononcer sur la qualification de « frais professionnels » et le respect des critères légaux d’exonération. Dans un arrêt marquant, l’arrêt de la Cour de cassation Cass. Soc., 20 sept. 2012, n°11-26.763 a insisté sur l’exigence d’une « réalité » et d’un « lien direct avec l’emploi » pour que les sommes versées au salarié soient exclues de l’assiette des cotisations. L’arrêt de la Cour de cassation Cass. Soc., 20 sept. 2012, n°11-26.763 précise que l’employeur doit être en mesure de justifier chaque poste de dépense, dès lors qu’il réclame un avantage d’exonération.
La Cour peut également sanctionner l’employeur qui n’aurait pas respecté l’obligation d’information ou de consultation relative aux frais de transport. L’équité commande, d’un point de vue jurisprudentiel, de préserver les intérêts du salarié lorsque celui-ci n’a pas été informé, en amont, de l’évolution de ses droits au remboursement.
II. La prise en charge obligatoire : principes et limites.
La règle des 50 %.
L’article L3261-2 du Code du travail consacre le principe selon lequel l’employeur doit prendre en charge 50% du coût des titres d’abonnement souscrits par son salarié pour effectuer le trajet domicile-lieu de travail. Cette règle s’applique aux transports publics de voyageurs (SNCF, RATP, bus, métros, tramways…), ainsi qu’aux services publics de location de vélos. Notons que, si le salarié choisit un abonnement de première classe, l’employeur n’est tenu de prendre en charge que le montant correspondant à la seconde classe.
En matière d’exonération, la participation de l’employeur est exclue de l’assiette des cotisations et contributions sociales, conformément à l’article L136-1-1 du Code de la Sécurité sociale, dès lors que le montant ne dépasse pas la moitié du titre. Toute participation supplémentaire (prise en charge facultative) est également possible, mais elle ne pourra bénéficier de l’exonération que si elle ne dépasse pas le coût réel exposé par le salarié.
Les modalités pour les salariés à temps partiel.
L’article R3261-9 du Code du travail précise que, pour les salariés à temps partiel, la prise en charge obligatoire de 50% s’effectue au prorata lorsque le nombre d’heures travaillées est inférieur à la moitié de la durée légale ou conventionnelle applicable. Ce dispositif vise à proportionner les frais exposés par le salarié par rapport à son temps de travail effectif.
Ainsi, un salarié qui ne travaille que 15 heures par semaine dans une entreprise où la durée conventionnelle est de 34 heures ne bénéficiera pas de la totalité de la prise en charge, mais d’une fraction calculée selon le ratio 15/17 appliqué à la moitié de l’abonnement.
Remboursement et justificatifs.
Dans le but de préserver l’authenticité des dépenses engagées, le Code du travail impose au salarié de présenter, sauf exception, son titre de transport ou une preuve de l’abonnement, permettant d’identifier le coût réel. Des attestations de l’exploitant peuvent suffire, notamment lorsque les titres sont chargés sur une carte électronique. L’omission d’une mention sur le bulletin de paie (relative à la prise en charge) peut donner lieu à une amende (contravention de 3ᵉ classe), mais n’annule pas pour autant la validité du remboursement.
III. Dispositifs facultatifs : prime transport, indemnités kilométriques et forfait mobilités durables.
Prime transport.
a) Champ d’application.
La prime transport a pour objet d’aider les salariés contraints d’utiliser leur véhicule personnel. L’article L3261-3 du Code du travail en détermine le cadre : la prime est, par principe, conditionnée à l’inexistence ou à l’inadaptation des transports collectifs. Ainsi, pour un salarié ayant des horaires décalés qui ne lui permettent pas d’emprunter un bus ou un train, l’employeur peut prendre en charge les frais de carburant ou d’alimentation pour un véhicule électrique, dans la limite d’un plafond annuel (par exemple 300 € pour le carburant, 600 € pour un véhicule électrique).
La version transitoire de ces dispositions, prévue par la loi 2022-1157 du 16 août 2022, en avait relevé le montant à 700 € dans certains cas pour les années 2022, 2023, prolongées en 2024, avant de revenir, à compter du 1ᵉʳ janvier 2025, aux seuils pérennes de 600 € (dont 300 € pour le carburant). L’employeur peut fixer les modalités d’octroi de la prime transport par accord collectif ou décision unilatérale, après consultation du CSE.
b) Régime social.
La prime transport est exonérée de charges sociales dans la limite de 300 € par an (pour le carburant) et de 600 € (pour un véhicule électrique, hybride rechargeable ou hydrogène). L’article 81, 19° ter b du Code général des impôts consacre cette règle, reprise par le BOSS. Pour qu’il y ait exonération, le salarié doit justifier du certificat d’immatriculation de son véhicule, ainsi que de l’absolue nécessité d’utiliser sa voiture à titre professionnel (horaires décalés, absence de transports publics adéquats).
De plus, ce dispositif est non cumulable avec la prise en charge obligatoire d’un abonnement de transport collectif : si le salarié alterne voiture et transport en commun, l’employeur peut, éventuellement, moduler la prise en charge en fonction des semaines ou des mois d’utilisation, mais sans excéder les plafonds annuels prévus.
c) Indemnités kilométriques.
Les salariés contraints d’utiliser leur véhicule pour effectuer des déplacements professionnels (autres que domicile-travail) peuvent également prétendre à des indemnités kilométriques, calculées selon les barèmes fiscaux publiés chaque année. Ces indemnités sont alors exclues de l’assiette des cotisations, dans la limite des barèmes, sous réserve que l’employeur puisse justifier le nombre de kilomètres parcourus, la puissance fiscale du véhicule et la réalité du déplacement.
En pratique, l’indemnité kilométrique pour les trajets domicile-lieu de travail n’est possible que si l’utilisation de la voiture est indispensable ; dans le cas contraire, l’administration et la jurisprudence considèrent qu’il ne s’agit pas de frais professionnels, mais d’un avantage soumis à cotisations.
Forfait mobilités durables.
a) Objet du forfait.
Le forfait mobilités durables vise à encourager l’usage de moyens de transport plus écologiques : vélo, covoiturage, engins de déplacement personnel, etc. Conformément à la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 relative à l’orientation des mobilités, l’employeur peut prendre en charge certains frais de déplacement que le salarié engage pour se rendre au travail, sous forme d’une enveloppe appelée forfait mobilités durables.
b) Limites d’exonération.
Les sommes versées sont, en principe, exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations dans la limite de 600 € par an, depuis la loi 2023-1322 du 29 décembre 2023. En cas de cumul avec la prise en charge obligatoire des titres d’abonnement (transports en commun), le plafond peut être porté à 900 €.
Cependant, la déduction forfaitaire n’est admise que si l’employeur recueille chaque année une attestation sur l’honneur du salarié, laquelle certifie l’utilisation effective des modes de transport éligibles (vélo, covoiturage, etc.). À défaut, l’administration requalifiera les sommes versées en éléments de rémunération.
c) Non-cumul avec la déduction forfaitaire spécifique (DFS).
Une règle essentielle consiste à rappeler que si le salarié bénéficie de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, alors les remboursements liés au forfait mobilités durables devront être réintégrés dans l’assiette, préalablement à l’application de la DFS, sauf rares exceptions. Cette exigence d’exclusivité évite qu’un même salarié perçoive un double avantage : d’une part, la déduction forfaitaire sur son salaire, et d’autre part, la prise en charge exonérée d’assiette de ses frais de transport.
IV. Les mesures transitoires de 2022-2024 et leur extinction en 2025.
Prolongation et fin des dispositifs élargis.
La loi 2022-1157 du 16 août 2022 prévoyait le relèvement temporaire des plafonds de prise en charge pour la prime transport et le forfait mobilités durables. De la même façon, l’article 2 de la même loi autorisait le salarié à cumuler la prime transport et la participation obligatoire aux abonnements de transport, en principe interdit par le dernier alinéa de l’article L3261-3 du Code du travail.
L’administration supprime du BOSS les contenus relatifs aux dispositions temporaires. Les dispositions de l’article L3261-3 du Code du travail sont redevenues pleinement applicables depuis le 1ᵉʳ janvier 2025 (BOSS-FP-860 et 930 modifiés). Dans tous les cas, les entreprises doivent veiller, dès 2025, à restaurer les règles classiques :
- Retour à un plafond de 600 € (dont 300 € pour le carburant),
- Suppression de la possibilité de cumuler la prise en charge obligatoire de l’abonnement et la prime transport,
- Obligation pour l’employeur de respecter les conditions de droit commun (lieu non desservi ou horaires non compatibles),
- Incidences concrètes pour l’employeur.
Les entreprises qui avaient mis en place ces dispositions transitoires doivent impérativement mettre à jour leurs processus internes, leurs notes de frais, et la rédaction de leurs décisions unilatérales ou accords collectifs. Faute de s’adapter, elles s’exposent à des rappels de cotisations lors d’un contrôle URSSAF, si certaines sommes ont été exclues de l’assiette en dehors des règles en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2025.
Communication envers les salariés.
De plus, une information claire doit être fournie aux salariés, afin de leur signifier que certains montants précédemment perçus (par exemple une prime transport majorée ou le cumul prime transport + pass navigo) ne sont plus possibles. Dans un arrêt marquant, Cass. Soc., 20 nov. 2019, n°18-11234, la Cour a rappelé que la transparence quant à l’évolution des avantages est un gage de sécurité juridique, protégeant aussi bien l’employeur que le salarié. L’arrêt Cass. Soc., 20 nov. 2019, n°18-11234 souligne également la nécessité pour l’employeur d’étayer toute modification par un fondement légal ou conventionnel.
V. Les dépenses annexes et situations particulières.
Remboursement des frais de stationnement.
En principe, les sommes allouées au salarié pour rembourser le stationnement de son véhicule personnel peuvent être considérées comme des frais professionnels, dès lors que l’utilisation de ce véhicule est nécessaire. L’employeur doit alors justifier de la réalité des dépenses, qu’il opte pour un remboursement au réel ou qu’il verse une allocation forfaitaire (ce qui n’est toutefois pas prévu de manière automatique, une justification restant toujours requise lorsque le montant excède le barème).
La jurisprudence a estimé qu’il n’existe aucune obligation pour l’employeur de prendre en charge ces frais s’il n’existe aucune nécessité professionnelle avérée. On se situe ici dans la même logique de protection de l’assiette sociale : à défaut de lien direct avec l’emploi, les sommes seront réintégrées.
Prise en charge par l’employeur d’amendes ou de contraventions
Selon les principes dégagés par la Cour de cassation, le paiement d’une amende personnelle (ex. : excès de vitesse) par l’employeur constitue, sauf exception, un avantage en nature imposable et soumis à cotisations, car il relève de la responsabilité individuelle du salarié.
En revanche, si l’infraction a un lien direct avec le véhicule de l’entreprise défectueux (et dont la maintenance relève de l’employeur), le salarié ne saurait supporter lui-même la contravention. Dans cette hypothèse, le remboursement peut être considéré comme un frais professionnel, à condition que la faute ne soit pas imputable au salarié.
Travailleurs à temps partiel ou multi-employeurs.
Les situations de multi-employeurs peuvent s’avérer délicates, notamment si chaque employeur entend prendre en charge les frais de transport. Dans un tel cas, le total remboursé peut excéder la dépense réelle du salarié, ce qui est contraire au principe fondamental selon lequel l’avantage social n’est justifié qu’à concurrence des frais effectivement engagés.
Le BOSS prévoit à cet égard que chaque employeur peut ignorer l’existence d’autres employeurs, mais qu’en cas de contrôle, si le cumul dépasse le plafond légal, l’URSSAF réintègrera l’excédent dans l’assiette.
VI. Contrôle et sanction : l’importance d’une traçabilité irréprochable.
Justifications et preuves à fournir.
Le principe affirmé par l’article R242-1 du Code de la Sécurité sociale impose que l’employeur conserve les justificatifs démontrant que les sommes exclues de l’assiette correspondent bien à des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi des salariés. L’administration ou l’URSSAF, lors d’un contrôle, pourront exiger la consultation des factures, des attestations, des cartes grises, etc.
Si l’employeur ne peut justifier la réalité et le montant des frais ou l’usage conforme (dans le cas d’une indemnité forfaitaire), l’ensemble des sommes versées sont considérées comme un complément de rémunération intégralement soumis à cotisations. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation [1], ont rappelé cette règle stricte.
Recours et contentieux.
En cas de litige, le salarié peut saisir la juridiction prud’homale s’il considère que l’employeur ne respecte pas ses obligations légales (par exemple le refus de prendre en charge 50% de l’abonnement). L’URSSAF, de son côté, peut engager une procédure de redressement si elle estime que l’employeur a indûment exclu des sommes de l’assiette. Le contentieux se déroulera, le cas échéant, devant la chambre sociale ou la cour d’appel compétente.
Les employeurs doivent donc se montrer particulièrement prudents. L’économie potentiellement réalisée en exonérant abusivement certaines sommes pourrait se transformer en passif conséquent, assorti de majorations de retard.
Rôle du BOSS et évolutions réglementaires.
Le BOSS constitue un document de référence actualisé régulièrement, détaillant l’interprétation administrative de nombreuses règles en matière de cotisations sociales. Il n’a pas valeur législative, mais les services de contrôle (URSSAF) s’y réfèrent comme ligne directrice. Pour les employeurs, s’y conformer diminue le risque d’un redressement ultérieur.
En outre, le BOSS précise les conditions dans lesquelles les mesures temporaires s’appliquent ou cessent, et comment procéder pour chaque cas de figure (prime transport, forfait mobilités durables, prise en charge facultative, etc.). La mise à jour du 21 janvier 2025, évoquée précédemment, acte la disparition définitive de certaines exonérations accrues instaurées par la loi 2022-1157 du 16 août 2022 et la loi 2022-1157 du 16 août 2022.
VII. Focus sur les obligations d’information et consultation du comité social et économique.
Information des représentants du personnel.
Pour les entreprises dépassant le seuil d’effectifs (au moins 50 salariés), il importe de respecter les règles de consultation du CSE en cas de mise en place ou de modification substantielle des dispositifs de prise en charge de frais de transport. En effet, si l’employeur envisage de cesser le versement de la prime transport ou de revoir le forfait mobilités durables, il doit souvent procéder à une consultation sur les « modalités d’organisation du travail ».
Même si aucune disposition expresse du Code du travail ne mentionne la consultation du CSE pour tout changement concernant les frais de transport, le principe plus général d’information sur la politique salariale et sociale peut l’exiger. Les tribunaux ont pu, dans certaines décisions, requalifier des modifications unilatérales de l’employeur en modifications du contrat de travail, imposant un échange préalable.
Effets sur le climat social et sur la politique RSE.
Au-delà des aspects juridiques, la prise en charge des frais de transport est devenue un enjeu de responsabilité sociale pour les entreprises. En effet, encourager l’usage des mobilités douces (vélo, covoiturage) s’inscrit dans le cadre plus large d’une démarche RSE. Une concertation réussie avec le CSE sur ces sujets peut favoriser l’adhésion des salariés, à condition toutefois de maintenir une équité entre ceux qui optent pour les transports en commun et ceux qui, compte tenu de leur situation, se trouvent contraints d’utiliser leur véhicule personnel.
VIII. Conclusion : la vigilance comme maître mot.
À l’aube de l’année 2025, le dispositif relatif aux frais de transport domicile-lieu de travail connaît un recentrage marqué, après plusieurs années de mesures temporaires justifiées par la conjoncture et par la volonté d’accompagner certaines situations spécifiques. Les entreprises doivent désormais composer avec des plafonds d’exonération plus contraints (600 € annuels, voire 900 € en cas de cumul avec un abonnement de transport), la fin du cumul prime transport + prise en charge obligatoire, et un retour à la règle stricte pour l’ensemble des exonérations.
Les sources législatives et règlementaires, comme l’article L3261-2 du Code du travail ou encore les dispositions de l’article 81, 19° ter du Code général des impôts, définissent un socle solide que la jurisprudence vient préciser. Les employeurs qui souhaitent sécuriser leurs pratiques doivent porter une attention soutenue aux instructions du BOSS, en particulier aux actualisations publiées au 21 janvier 2025. Les juridictions sociales, pour leur part, rappellent constamment que l’absence de justification ou de lien direct entre la somme versée et la fonction exercée entraîne la requalification en complément de salaire.
Au-delà de la dimension strictement légale, la question des frais de transport soulève des problématiques plus larges : l’équité envers les salariés, la transition écologique, ou encore la prise en compte des modes de vie. Les entreprises sont ainsi invitées à construire, au moyen d’accords collectifs ou de décisions unilatérales bien documentées, un système de remboursement clair et cohérent, permettant aux salariés de se déplacer à un coût raisonnable, tout en respectant les limites légales d’exonération. Il en va de l’intérêt de toutes les parties, tant pour éviter les conflits sociaux que pour sécuriser la situation fiscale et sociale de l’employeur.
La vigilance reste dès lors la clé : garder trace des justificatifs, veiller à ce que les salariés soient informés des évolutions (notamment du retour aux règles normales après 2024), et se conformer strictement aux modalités fixées par la loi et la jurisprudence. Comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt Cass. Soc., 15 déc. 2016, n°15-21389, seuls les employeurs qui respectent scrupuleusement le formalisme prescrit peuvent se prévaloir de l’exonération. Pour les salariés, c’est une garantie que leur employeur assume bien sa part de contribution aux dépenses de transport, et que le droit à un remboursement ou un forfait raisonnable sera pleinement effectif.