1) La détermination de la convention collective applicable.
La convention collective applicable est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur [1].
En général, les conventions de branche et les accords professionnels ou interprofessionnels définissent leur champ d’application par référence à la nomenclature d’activités et de produits (code APE) établie par l’Insee.
Au cas où il est fait référence à cette nomenclature, des critères supplémentaires peuvent être utilisés pour délimiter de façon plus précise le champ d’application professionnel dans ce cadre, sous réserve bien entendu que ces critères soient eux-mêmes d’ordre économique.
Par exemple, dans le secteur sanitaire et social, il existe des conventions distinctes suivant notamment qu’il y a ou non assujettissement à la réglementation relative au prix de la journée [2].
En tout état de cause, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le code APE (ou code Naf) attribué par l’Insee n’a qu’une valeur indicative.
Ainsi, la mention d’un code APE sur un bulletin de paie n’implique pas obligatoirement l’application d’une convention collective, si bien qu’une Cour d’appel décide à bon droit qu’en l’absence de mention d’une convention collective sur les bulletins de paie elle doit rechercher la convention applicable à l’activité principale de l’entreprise [3].
En cas de pluralité d’activités, doit être considérée comme activité principale :
L’activité occupant le plus grand nombre de salariés s’il s’agit d’une activité industrielle ;
Ou celle qui procure le chiffre d’affaires le plus élevé dans le cas d’une entreprise commerciale.
Si l’entreprise exerce, à la fois, une activité industrielle et une activité commerciale, l’activité doit être considérée comme principalement industrielle si le chiffre d’affaires relatif à l’activité industrielle est supérieur à 25 % du chiffre d’affaires total.
Toutefois, l’administration reconnaît que d’autres critères peuvent également être pris en considération et qu’en dernière analyse, seuls les tribunaux ont qualité pour se prononcer sur le point de savoir quelle est la convention applicable à une entreprise déterminée [4].
Enfin, en cas de concours d’activités rendant incertaine l’application de ce critère pour le rattachement d’une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l’entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables [5].
Le cas des centres d’activités autonomes.
La convention collective applicable aux salariés d’une entreprise est celle dont relève l’activité principale exercée par l’employeur, peu important les fonctions assumées.
Il n’en va différemment que dans l’hypothèse où les salariés exercent une activité nettement différenciée dans un centre d’activité autonome [6].
Pour être autonome, un centre d’activité doit se situer dans un lieu distinct des autres activités de l’entreprise et disposer à la fois d’un personnel et de matériel qui lui sont propres.
A titre d’exemple, une entreprise horticole relevant de la convention collective départementale des exploitations horticoles, pépinières et maraîchères doit appliquer la convention collective des exploitations agricoles de polyculture au salarié occupé dans une ferme distante de 15 kilomètres des pépinières dès lors que [7] :
Celui-ci avait la responsabilité de la ferme et exécutait, la plupart du temps seul, des travaux agricoles au moyen de matériel spécifique aux exploitations de polyculture ;
Le personnel occupé dans les pépinières et dans la ferme n’était pas polyvalent.
Le numéro IDCC.
IDCC = « Identifiant Des Conventions Collectives ».
Il s’agit d’un numéro de 1 à 4 chiffres sous lequel une convention collective est enregistrée.
Un IDCC est automatiquement attribué à toute nouvelle convention collective.
Il permet de repérer sans confusion possible une convention puisqu’un numéro correspond à une seule convention.
Attention : Le numéro IDCC ne se confond pas avec le numéro de la brochure éditée par les Editions Législatives.
2) La territorialité de la convention collective.
Les signataires de la convention collective fixent son champ d’application sur le plan géographique (national, régional ou départemental) et professionnel (interprofessionnel, branche, entreprise).
La plupart des conventions collectives sont nationales : on parle de convention collective nationale (CCN).
Dans certains secteurs d’activités, les conventions collectives nationales peuvent être complétées par des conventions ou des accords :
Régionaux (ex. Bâtiment de la région parisienne : IDCC 1843) ;
Départementaux (ex. Convention collective départementale des industries métallurgiques et des industries connexes du Vaucluse : IDCC 0829) ;
Catégoriels (ex. Métallurgie : ingénieurs et cadres : IDCC 0650).
Lorsque l’entreprise est constituée d’établissements autonomes, chaque établissement doit appliquer les conventions et accords collectifs dont il relève [8].
A titre d’exemple, la convention collective des librairies de détail de la région parisienne n’est pas applicable au salarié d’un établissement autonome situé à Toulouse, même si le siège social de l’entreprise se situe à Paris [9].
A l’inverse, un employeur, dont le siège social se trouve en dehors du champ d’application territorial d’une convention collective régionale, n’a pas à appliquer cette convention à son représentant dans la région considérée dès lors que l’intéressé n’exerce pas son activité dans le cadre d’un établissement autonome situé dans cette région [10].
Le cas des TOM (Territoires d’outre-mer).
Les conventions et accords collectifs de travail dont le champ d’application est national s’appliquent, sauf stipulations contraires, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans un délai de 6 mois à compter de leur date d’entrée en vigueur [11].
Ce délai est imparti aux organisations syndicales de salariés et d’employeurs habilitées à négocier dans ces collectivités pour conclure des accords dans le même champ, si elles le souhaitent.
Lorsqu’une convention ou un accord collectif de travail national s’applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, des modalités d’adaptation à la situation particulière de ces collectivités peuvent être prévues par accord collectif.
Cet accord est conclu dans le délai de 6 mois prévu au dernier alinéa de l’article L. 2222-1 ou après l’expiration de ce délai [12].
Lorsqu’une convention ou un accord collectif de travail national exclut une application en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, des accords collectifs dont le champ d’application est limité à l’une de ces collectivités peuvent être conclus, le cas échéant en reprenant les stipulations de l’accord applicable à la métropole [13].
3) L’extension de la convention collective.
L’extension d’une convention ou d’un accord collectif est une procédure visant à rendre son application obligatoire dans toutes les entreprises dont l’activité entre dans son champ d’application.
La procédure d’extension concerne les conventions de branche et les accords professionnels ou interprofessionnels, ainsi que leurs avenants et annexes.
Tant qu’ils ne sont pas étendus, ces textes ne s’appliquent qu’aux entreprises adhérentes d’un syndicat qui a signé le texte ou qui y a postérieurement adhéré.
La procédure d’extension d’une convention de branche ou d’un accord professionnel ou interprofessionnel est engagée :
A la demande d’une des organisations d’employeurs ou de salariés représentatives ;
Ou à l’initiative du ministre chargé du travail.
Lorsqu’il est saisi de la demande d’une organisation d’employeurs ou de salariés représentatives, le ministre chargé du travail engage sans délai la procédure d’extension [14].
Les conventions de branche et les accords professionnels ou interprofessionnels peuvent être étendus par le ministre chargé du travail après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective [15].
A côté de l’extension, « l’élargissement » de la convention collective vise à rendre les dispositions d’une convention ou d’un accord étendu applicables aux entreprises et salariés relevant d’un autre champ d’application géographique ou d’un autre secteur professionnel dépourvu de disposition conventionnelle.
L’arrêté d’extension ou d’élargissement est publié au Journal officiel [16].
L’extension des effets et des sanctions de la convention ou de l’accord se fait aux conditions prévues par la convention ou l’accord en cause [17].
L’extension des avenants ou annexes à une convention ou à un accord étendu porte effet dans le champ d’application de la convention ou de l’accord de référence, sauf dispositions expresses déterminant un champ d’application différent [18].
En conclusion, l’arrêté d’extension d’une convention collective a pour effet de la rendre obligatoire dans son champ d’application.
4) L’articulation entre la convention collective et l’accord d’entreprise.
L’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 a consacré le principe de primauté de l’accord d’entreprise sur la convention ou l’accord de branche, faisant ainsi de l’entreprise le niveau de référence en matière de négociation collective.
Depuis cette date, le Code du travail répartit les thèmes de négociation en 3 blocs hiérarchisés :
13 thèmes impératifs [19] : les conventions de branche priment sur les accords d’entreprise antérieurs ou postérieurs. Ces 13 thèmes sont les suivants : salaires minima hiérarchiques, classifications, mutualisation des fonds de financement du paritarisme, mutualisation des fonds de la formation professionnelle, garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-1 du Code de la sécurité sociale, mesures relatives aux CDD, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, etc.
4 thèmes facultatifs [20] : les conventions de branche peuvent définir une primauté sur les accords d’entreprise postérieurs (clause de verrouillage), et empêcher ainsi toute application des accords d’entreprise dérogatoires, sauf s’ils prévoient des garanties équivalentes. Ces 4 thèmes sont les suivants : prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, insertion professionnelle et maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, effectif à partir duquel les délégué syndicaux peuvent être désignés, nombre et valorisation de leur parcours syndical et primes pour travaux dangereux ou insalubres.
Pour l’ensemble des autres thèmes, les accords d’entreprise priment sur les conventions de branche, même plus favorables [21]. L’accord d’entreprise, conclu antérieurement ou postérieurement à l’accord de branche, peut alors prévoir des dispositions différentes de ce dernier, y compris défavorables aux salariés, sous réserve de respecter l’ordre public.
5) L’application volontaire de la convention collective.
L’employeur peut appliquer des conventions ou accords de branche, professionnels ou interprofessionnels auxquels il n’est normalement pas soumis.
L’assujettissement de l’employeur à une convention collective peut résulter d’une volonté explicite (décision unilatérale) ou implicite (usage).
La mention d’une convention collective sur le bulletin de paie vaut engagement unilatéral de l’employeur à l’appliquer au salarié [22].
Pour la Cour de cassation, cette présomption est simple et l’employeur peut rapporter la preuve contraire, par exemple en établissant l’existence d’une erreur [23].
En revanche, la mention de l’application d’une convention collective dans le contrat de travail contractualise son application [24].
En cas d’application volontaire d’une convention collective, l’employeur peut être conduit à appliquer simultanément deux conventions, en devant retenir, pour chaque avantage, les dispositions les plus favorables aux salariés [25].
Si l’employeur souhaite cesser d’appliquer volontairement une convention ou un accord collectif dans l’entreprise, il est tenu de suivre la procédure de dénonciation des usages.
En effet, sous réserve d’une dénonciation régulière, l’employeur peut toujours mettre fin à un usage, même si ce dernier porte sur l’application volontaire d’une convention ou d’un accord collectif ne liant pas l’employeur [26].
Attention : la simple disparition de la mention de la convention collective appliquée volontairement par l’employeur sur les bulletins de paie d’un salarié ne peut valoir dénonciation individuelle de l’application volontaire de cette convention [27].
La procédure suivante doit donc être suivie :
Informer le CSE, s’il existe ;
Informer individuellement chaque salarié ;
Respecter un délai de prévenance suffisant (entre 3 et 6 mois).
NB. Il est conseillé de ne pas se borner à une simple information du CSE, mais de procéder à une consultation en bonne et due forme (par analogie avec les règles dégagées par la jurisprudence en matière de dénonciation d’un accord collectif).
Le délai de prévenance suffisant a pour objet de permettre l’engagement d’éventuelles négociations avec le CSE.
La dénonciation est opposable à l’ensemble des salariés concernés qui ne peuvent pas prétendre à la poursuite de la relation de travail aux conditions antérieures, dès lors que cette décision a été précédée d’une information donnée aux intéressés et aux institutions représentatives du personnel dans un délai permettant d’éventuelles négociations [28].