Président d’une SAS : quelles responsabilités ?

Par Adèle Kolesnyk, Avocate.

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Explorer : # responsabilités du président # gouvernance d'entreprise # obligations légales # responsabilité personnelle

Le président d’une Société par Actions Simplifiée (SAS) occupe une position cruciale au sein de son entreprise. Tout au long de son mandat social, il est confronté à divers enjeux, obligations et responsabilités liés tant à l’activité qu’à la prospérité de la société qu’il représente.

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Le président d’une SAS est également confronté à des enjeux liés à la gouvernance et à la prise de décisions au sein de la société qu’il dirige. Il est responsable de la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise et de la réalisation de ses objectifs. Dans ce contexte, il doit exercer ses pouvoirs de manière équilibrée et transparente, en veillant à ce que les actionnaires soient régulièrement informés de l’ensemble des démarches envisagées par celui-ci.

Enfin, le président d’une SAS est également lié par des obligations légales importantes en matière de comptabilité et de rapports financiers. Il doit veiller à ce que la société tienne des comptes conformes aux normes comptables en vigueur, établisse des états financiers annuels et les soumette aux organes de contrôle. Il doit également veiller à ce que la SAS respecte ses obligations fiscales et sociales.

Au-delà de ses obligations à l’égard des associés de la SAS, le président est également tenu d’un certain nombre des obligations à l’égard des tiers, dont l’absence de respect est susceptible d’engager la responsabilité de la société, mais également sa responsabilité personnelle :

  • Tout d’abord, à l’égard des associés, le président a l’obligation de communication à ceux-ci d’une information complète et précise sur la situation financière de la société. Le président doit également respecter les décisions prises en assemblée générale et mettre en œuvre la politique définie par les associés. Plus généralement, le président est tenu, à l’égard des associés, d’une obligation de transparence, de bonne foi et de loyauté pendant toute la durée de l’exercice de son mandat.
  • En ce qui concerne les tiers, le président doit représenter la société auprès des tiers et agir dans le respect des contrats et des engagements conclus au nom de celle-ci. De plus, le président a l’obligation de veiller à ce que la SAS respecte ses obligations fiscales, sociales et légales envers les tiers, ce qui inclut le paiement des impôts, la conformité aux normes environnementales, et le respect des droits des employés.

En somme, alors même que la responsabilité au sein d’une SAS est limitée à hauteur des apports effectués par les associés, cette limitation est conditionnée, pour le président, à une gestion prudente et conforme à la règlementation en vigueur. Toute faute de gestion ou négligence pourrait ainsi entraîner une mise en cause de sa responsabilité personnelle civile, pénale et/ou fiscale.

Ci-après, un rapide tour d’horizon des responsabilités personnelles du président d’une SAS dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.

I - Responsabilité civile du président d’une SAS.

Suite à la publication de la loi du 3 janvier 1994, qui a posé le principe de la responsabilité des dirigeants de la SAS, l’article L227-8 du Code de commerce confirme que les règles fixant la responsabilité des membres du conseil d’administration et du directoire des sociétés anonymes sont bien applicables au président de la SAS.

Conformément à l’article L225-251 du Code de commerce, le président d’une SAS ainsi que les autres dirigeants de celle-ci sont responsables individuellement envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Le président (ou tout autre dirigeant de SAS) est donc susceptible d’engager sa responsabilité civile en adoptant un comportement fautif causant un préjudice à autrui. Dans ce cas, il peut être tenu de réparer financièrement ce préjudice par le versement de dommages et intérêts à la victime de ses agissements.

En accord avec les conditions du droit commun de la responsabilité civile, doivent ainsi être caractérisés :

  • Une faute du dirigeant (infractions aux lois et règlements, violation des statuts, faute de gestion) ;
  • Un dommage ;
  • Un lien de causalité entre la faute et le fait générateur ayant causé le dommage.

La diversité des fautes susceptible d’engager la responsabilité des dirigeants de SAS est grande. Il peut notamment s’agir d’une faute de gestion, d’une infraction à une loi ou à un texte réglementaire ou bien encore d’une violation des statuts. Qu’elle corresponde à une manœuvre frauduleuse, à un acte imprudent ou à une simple négligence, la faute de gestion implique un comportement contraire à l’intérêt social.

Il s’agit néanmoins de distinguer les préjudices causés à la SAS, à ses associés et aux tiers.

A - Préjudice subi par la SAS.

Lorsque le préjudice est subi par société en raison de la faute de son dirigeant, celle-ci peut en obtenir la réparation par l’action sociale. Cette action sociale peut être exercée ut universi ou ut singuli.

L’action sociale ut universi est celle intentée par le dirigeant en tant que représentant légal de la société. Cette action, qui est la voie normale d’action en justice pour la personne morale, n’est toutefois pas suffisante en ce qui concerne la responsabilité du dirigeant :

  • Si le dirigeant fautif a été révoqué, il n’y a pas de difficulté : le nouveau dirigeant sera habilité à l’exercer.
  • En revanche, si le dirigeant fautif est toujours en fonction, il est peu probable qu’il recherche sa propre responsabilité. Pour contourner cette difficulté, l’action sociale contre le dirigeant peut donc également être intentée individuellement par un associé : il s’agit de l’action sociale ut singuli. En tout état de cause, dans le cadre de cette action sociale, l’associé ne recherche en aucun cas la réparation d’un préjudice personnel. Il ne faut donc pas confondre l’action sociale ut singuli et l’action personnelle de l’associé. Seul le préjudice de la société est indemnisé sur le fondement de l’action sociale ut singuli.

B. Préjudice subi par les associés.

L’agissement fautif du dirigeant peut également aboutir à la survenance d’un préjudice personnel pour les associés. Ceux-ci peuvent alors obtenir la réparation de celui-ci par le biais de l’action individuelle reposant sur le droit commun de la responsabilité, à savoir, sur le fondement de l’article 1240 et suivants du Code civil.

Néanmoins, pour que l’action prospère, le préjudice des associés doit être distinct de celui de la société.

À titre d’illustration, ne constitue pas un préjudice distinct le préjudice subi par un actionnaire à raison de :

  • La diminution du patrimoine social découlant d’infractions pénales accomplies par les dirigeants [1] ;
  • La dépréciation de ses titres résultant des fautes commises dans la gestion de la société [2] ;
  • La minoration du montant des bénéfices distribués aux associés du fait des fautes de gestion commises par le président [3] ;

A contrario, un préjudice distinct de celui de la SAS est confirmé lorsqu’il résulte :

  • D’un manquement aux diverses obligations d’information des associés ou actionnaires [4] ;
  • D’une présentation de comptes inexacts qui déterminent la valeur de l’acquisition de titres sociaux [5] ;
  • De manœuvres frauduleuses visant à évincer les associés minoritaires [6].

C. Préjudice subi par les tiers à la SAS.

Les dirigeants de SAS passent de nombreux actes et agissent quotidiennement pour le compte de la société. A ces occasions, ils peuvent commettre une faute causant un préjudice à un tiers.

Lorsque la victime du préjudice causé par la faute du dirigeant n’est pas la SAS ou un associé, mais un tiers (créancier, concurrent, client, etc.), c’est en principe la responsabilité de la SAS qui est engagée.

Ce qui précède vaut toutefois uniquement dans l’hypothèse où le dirigeant a agi dans le cadre de ses fonctions au sein de la SAS.

La situation est contraire dans le cas où l’on peut lui reprocher une faute détachable de ses fonctions : en ce cas, le dirigeant fautif est civilement responsable vis-à-vis des tiers pour la faute commise et ils peuvent agir directement contre lui.

La Cour de cassation retient à ce titre que la faute du président de la SAS est détachable de ses fonctions lorsqu’il commet une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions [7].

À titre d’illustration, une faute détachable est constituée en raison :

  • De la commission d’une infraction pénale intentionnelle, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si les faits qui sont reprochés au dirigeant sont d’une particulière gravité et incompatibles avec l’exercice normal de ses fonctions [8] ;
  • De la participation personnelle du dirigeant à des actes de contrefaçon [9] ;
  • De l’omission de la souscription d’une assurance obligatoire, omission alors constitutive d’une infraction pénale [10].

II - Responsabilité pénale du président d’une SAS.

Par renvoi de l’article L244-1 du Code de commerce, les sanctions pénales prévues pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux de SA sont également applicables au président et aux dirigeants de la SAS.

Dès lors, conformément aux articles L242-1 à L242-6 du Code de commerce et sans que cette liste ne soit pour autant exhaustive, sont passibles de sanctions pénales les agissements des dirigeants des SAS relevant notamment :

  • Des infractions relatives à la constitution de la société ;
  • De l’abus de biens sociaux ;
  • De la présentation ou publication de comptes infidèles à la réalité ;
  • De la distribution de dividendes fictifs ;
  • De l’abus de pouvoirs ou de voix ;
  • Du défaut d’établissement des comptes annuels.

Il convient également de préciser que jusqu’au 31 décembre 2005, les dirigeants personnes morales de SAS ne pouvaient être tenus comme pénalement responsables pour la commission des faits visés par les dispositions pénales des articles précités.

En effet, bien que le principe était, depuis le 1er mars 1994, celui de la responsabilité pénale des personnes morales, l’article qui le posait n’admettait cette responsabilité que si le texte qui instituait l’incrimination le prévoyait expressément.

Depuis le 31 décembre 2005, date d’entrée en vigueur de l’article 54 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, lequel généralise le principe de responsabilité pénale des personnes morales, les personnes morales peuvent faire l’objet de poursuites pénales sans qu’un texte le prévoit expressément.

Enfin, il existe également une responsabilité pénale du président de SAS du chef de ses fonctions. En effet, celui-ci doit répondre, en sa qualité de chef d’entreprise, des infractions à la réglementation applicable à toutes les entreprises. Il s’agit, par exemple, des infractions relatives à la sécurité du travail ou l’entretien des véhicules et, plus généralement, de celles, qui ayant eu lieu par suite d’un défaut de surveillance ou d’une imprudence, ont causé des dommages corporels.

III - Responsabilité fiscale du président d’une SAS.

Sur le plan fiscal, la responsabilité du président ou des dirigeants de SAS peut être engagée sur le fondement de l’article L267 du Livre des procédures fiscales.

Plus généralement, tous les dirigeants de SAS, qu’ils soient désignés ou de fait, sont responsables des dettes fiscales de la société qu’ils dirigent, sous réserve de satisfaire deux conditions cumulatives :

  • Il faut établir l’existence de manœuvres frauduleuses du dirigeant afin de soustraire la société à l’imposition ou établir qu’il a ignoré de façon grave et répétée des obligations fiscales ;
  • La SAS débitrice de l’impôt doit être insolvable.

Dans le cas où les deux conditions sont caractérisées, l’administration fiscale peut saisir le tribunal judiciaire du lieu du siège social de la SAS pour obtenir que le dirigeant soit solidairement tenu des dettes fiscales de celle-ci.

Cette responsabilité est particulièrement dangereuse pour le président d’une SAS dès lors que les dettes fiscales sont souvent importantes. Quoiqu’il en soit, l’objectif de ce dispositif est double : il s’agit, d’une part, de combattre la fraude fiscale et, d’autre part, d’inciter les dirigeants à se rapprocher du fisc en cas de difficultés de paiement de l’impôt dû par la société plutôt que de ses soustraire à l’obligation en espérant que l’administration fiscale abandonne les démarches.

Adèle Kolesnyk
Avocate au Barreau de Paris
adele_kolesnyk chez outlook.com

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Notes de l'article:

[1Cass.Crim., 4 avril 2001, RG n° 00-80.406.

[2Cass.Com., 1er avril 1997, RG n° 94.18-912.

[3Cass.Civ.3ème, 22 septembre 2009, RG n° 08-18.483.

[4Cass.Crim., 30 janvier 2002, RG n° 01-84.256.

[5Cass.Crim., 5 novembre 1991, RG n° 90-82.605.

[6Cass.Com.,8 novembre 2005, RG n° 03-19.679.

[7Cass.Com., 20 mai 2003, RG n° 99-17092.

[8Cass.Com., 28 septembre 2010, RG n° 09-66255.

[9Cass.Com., 07 juillet 20047, RG n° 02-17729.

[10Cass.Civ.3ème, 10 mars 2016, RG n° 14-15.326.

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