Le non-respect par un parent des droits parentaux de l’autre peut-il entraîner le retrait de la garde de l’enfant ?

Par Louis Laï-Kane-Chéong.

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Explorer : # autorité parentale # droit de visite # intérêt supérieur de l'enfant # déménagement

Par un arrêt de sa première chambre civile du 29 novembre 2017, la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère, 29 novembre 2017, n° 17-24.015) a statué sur les conséquences du non-respect par un parent des droits de l’autre parent quant à la garde de l’enfant.

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Il s’agissait en l’espèce d’une mère qui, après séparation avec son compagnon, avait obtenu du juge aux affaires familiales que la résidence habituelle de son enfant fût fixée chez elle. En conséquence, le père avait un droit de visite et d’hébergement.
Résidant en Guyane, la mère avait déménagé en Métropole sans en avertir le père qui n’avait donc pas pu exercer son droit de visite.

C’est ainsi que la Cour d’appel, considérant qu’il en allait de l’intérêt supérieur de l’enfant que de maintenir des relations avec ses deux parents, avait modifié la résidence habituelle de l’enfant pour la fixer chez le père.

Le non-respect par un parent des droits parentaux de l’autre, peut-il entraîner le retrait de la garde de l’enfant ?

La Cour de cassation confirme en effet par cet arrêt du 29 novembre 2017 que le non-respect des droits parentaux peut entraîner la privation de la garde de l’enfant, au visa des articles 373-2 et 373-2-11 du Code civil.

Retour sur les règles applicables à l’exercice de l’autorité parentale en cas de séparation des parents, mariés ou non :

Par principe, l’autorité parentale des père et mère est dévolue et exercée conjointement par eux, même en cas de séparation (373-2 C.civ). Le principe demeure en effet la dévolution et l’exercice conjoints de l’autorité parentale. Simplement, les modalités de cet exercice diffèrent nécessairement de celles d’un couple vivant encore ensemble, pour permettre à chacun des parents séparés de maintenir leur relation avec leur enfant tout en participant à son éducation.

Néanmoins, la séparation des parents appelle des aménagements pour garantir une coparentalité efficace : c’est ici le rôle du juge aux affaires familiales que de se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale (373-2-6 C.civ) en prenant en considération divers facteurs (373-2-11 C.civ) tels que :
- La pratique antérieure des parents ou leurs accords antérieurs ;
- Les souhaits de l’enfant mineur ;
- L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre parent ;
- Le résultat d’éventuelles expertises ;
- Les renseignements obtenus dans le cadre d’enquêtes sociales ;
- Les pressions ou violences exercées par un parent sur l’autre.

Ainsi, lorsque le juge aux affaires familiales est amené à se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale en cas de séparation, il prendra notamment en compte l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et à respecter les droits de l’autre.

Quid de la résidence de l’enfant ?

S’agissant de la résidence de l’enfant, le juge aux affaires familiales la fixe au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant (373-2-9 C.civ) :
- soit en alternance au domicile de chacun des deux parents ;
- soit habituellement au domicile de l’un d’eux en octroyant à l’autre un droit de visite et d’hébergement.

Dans le cas d’une résidence en alternance, il n’y a pas lieu d’octroyer un droit de visite et d’hébergement dans la mesure où l’enfant alternera entre le domicile de l’un et de l’autre, le plus souvent de manière égalitaire, même si une résidence alternée inégalitaire est admise (pour un exemple d’admission d’une résidence alternée inégalitaire : Cass. Civ. 1ère, 25 avril 2007, n° 06-16.886 : Bull civ. I n° 156).

Faute de résidence alternée, la résidence sera fixée habituellement chez l’un des parents. Dans ce cas, l’autre parent obtiendra un droit de visite et d’hébergement, étant précisé que ce droit de visite est même attribué au parent qui serait privé de l’autorité parentale, sauf motif très grave (373-2-1 C.civ).

Le choix entre la résidence en alternance ou fixée habituellement chez l’un des parents appartient au juge aux affaires familiales, qui peut sur ce point homologuer un éventuel accord qui aurait été passé entre les parents, sous réserve de l’équilibre de leurs intérêts respectifs et de ceux de l’enfant (Cass. Civ. 1ère, 23 novembre 2011, n° 10-23.391).
En principe, le juge veille à ce que l’enfant réside avec ses frères et sœurs (371-5 C.civ).

A titre d’exemple, l’éloignement des domiciles des parents, une profession chronophage ou encore le très jeune âge de l’enfant seront autant de raisons qui chasseront la résidence alternée pour accueillir une résidence habituelle.

En 2012, la résidence alternée est décidée pour 21% des couples qui divorcent et pour 11% des couples qui se séparent sans avoir été mariés (Infostat justice n° 132).

Sur l’obligation d’informer préalablement l’autre parent de son intention de déménager :

Afin de garantir la coparentalité, le parent qui entend déménager a l’obligation d’en informer en temps utile l’autre parent de son intention dès lors que le déménagement est susceptible de modifier les modalités d’exercice de l’autorité parentale telles qu’initialement fixées par le juge aux affaires familiales (373-2 C.civ).

Après notification de l’intention de déménager et à défaut d’accord entre les parents, l’un d’eux peut saisir le juge aux affaires familiales afin qu’il statue sur ledit déménagement au regard de l’intérêt de l’enfant en adaptant le cas échéant les mesures initialement prévues, dans le but de maintenir les relations entre l’enfant et ses deux parents.

En cas de non-respect de cette obligation d’information préalable, le parent fautif met en jeu sa responsabilité délictuelle si son comportement a causé un préjudice à l’autre parent.
Et surtout, le non-respect de cette obligation peut servir de fondement pour demander la modification de la résidence habituelle de l’enfant.
Puisque le juge aux affaires familiales doit prendre en considération l’aptitude des parents à respecter les droits de l’autre lorsqu’il fixe les modalités d’exercice de l’autorité parentale, il pourra tirer les conséquences du non-respect de l’obligation de notifier l’intention de déménager en relevant que le défaut d’information constitue la preuve de cette inaptitude (Cass. Civ. 1ère, 4 juillet 2006 n° 05-17.883 : Bull civ. I n° 339).

C’est précisément ce que la Cour de cassation a rappelé dans la présente affaire : en ne respectant pas le droit de visite et d’hébergement du père, la mère a fait preuve d’inaptitude au sens du 3° de l’article 373-2-11 du Code civil, qui justifie que la résidence habituelle soit désormais fixée chez le père.

La Cour de cassation ajoute que, ne pas respecter les droits de l’autre parent est contradictoire avec l’intérêt supérieur de l’enfant qui est notamment de pouvoir maintenir des liens avec ses deux parents.

Les parents sur le point de se séparer veilleront donc au bon respect des droits de l’autre parent et s’efforceront avec l’aide de leur avocat, dès la première saisine du juge aux affaires familiales ou avant tout projet de déménagement, de trouver un accord respectueux des intérêts de chacun et de ceux de l’enfant.

Ajoutons enfin que le droit pénal spécial prévoit une sanction pour le parent chez qui l’enfant réside habituellement et qui ne notifie pas son intention de déménager ni ne communique sa nouvelle adresse dans le mois suivant ledit déménagement.
Ce parent encourt ainsi six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende (article 227-6 du Code pénal).
De quoi encourager davantage les parents à se concerter et s’accorder avant de prendre des initiatives qui leur seraient préjudiciables…

Louis Laï-Kane-Chéong

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Discussions en cours :

  • par Un père qui se bat , Le 25 janvier 2020 à 13:08

    Bonjour,

    Après avoir annoncé la rupture à mon ex, elle a, sans me prévenir, décider de partir vivre à 750km avec mon fils.

    Le voyant toutes les 2 semaines, faisant la route et des Airbnb pendant 8 mois j’ai décidé de le garder 2 semaine en janvier, en l’ayant prévenu à l’avance.

    À présent elle refuse de me le laisser, je précise que nous avons pas de jugement, le référé a débouté nos demandes respectives en citant que le père voyait son fils toutes les 2 semaines, hors cela n’est plus le cas comme elle refuse de me le laisser.

    J’ai un avocat et je souhaite faire un procédure pour la garde complète car la mère ne me laisse pas exercer mon autorité de père, elle est par ailleurs en cdd et je ne suis pas à l’abri qu’elle déménage encore ailleurs,

  • Dernière réponse : 28 décembre 2019 à 11:51
    par Sofi , Le 29 janvier 2019 à 08:18

    Bonjour je suis dans un cas très compliqué. Suite à un jugement devant Mme la juge pour enfants,le père a obtenu la garde de notre fils il devait faire le nécessaire auprès dun tribunal familiale mais celui si n’a rien fait donc mon fils est toujours chez moi. Mais question est comment faire pour que le père exerce sont droit ?
    Merci

    • par Abou , Le 12 avril 2019 à 02:00

      Bonsoir C est compliquer ma femme ma quitter est parti vivre chez son père a 1200km sans me prevenir .en février avec nos 2 enfants a aretter l école et les inscris a Strasbourg sans rien me dire et elle veut me l aisser que 1 mois dans l année que faire nous n etion pas marier

    • par Magali Touchagues , Le 28 décembre 2019 à 11:51

      Bonjour je n’ai pas demandé de pension alimentaire lors de ma séparation mon ex conjoint ne participe à aucun frais, est-ce qu’il m’ai possible de demander sa participation au moins au frais de cantine et de vêture ? D’autres part il fait pression sur mes enfants entre autres lorsque je leurs parle au téléphone et qu’ils a son droit de visite et en ce qui concerne ma famille il se mêle de conflits qui ne concernent que ma propre famille en a-t-il le droit ?

  • Bonjour,
    j’ai dû faire hospitaliser un de mes enfants pour raison médicale dans une clinique qui m’a expressément demandé l’accord de son père, ce qui est normal. Nous n’avons pas eu de réponse de sa part et j’ai même envoyé un mail à mon avocate pour demander son intervention pour qu’il réponde sur son silence. Nous avons du coup subit un stress énorme car j’ai fait hospitalisé notre enfant à la date prévu sans avoir des nouvelles du père. Le lendemain, j’apprends par la clinique que le père a envoyé directement par mail son accord à la clinique. Ok très bien et tant mieux, il reste la question de savoir si il a le droit de nous faire subir ça ? c’est-à-dire de ne pas m’avoir communiqué le fait qu’il était d’accord ? J’aurai pu raté l’hospitalisation de ma fille puisque son accord est arrivé après ? c’est une forme de violence psychologique puisque toute la famille était dans l’attente.
    Cordialement

  • par Maman , Le 24 septembre 2019 à 22:32

    Bonjour le juge a fixe une résidence alternée mon fils avais 3 ans aujourd’hui il en a 10 ne veux plus de la résidence alternée et ne veux plus allez chez son père il est suivi pas un psychologue qui constate le mal être de l’enfant quand il est chez son père conséquence difficultés scolaire etc... Parler de fuger de l’école et de suicide etc... Moi de mon coter j’ai ete obliger de scolarier mon enfants a la meme ecole que mon 1 er qui est a 20kms de mon domicile alor que j’ai une ecole a 1 kms de chez moi mais du faite de la redidance alternee je ne peux pas changer d’ecole mon fils sans l’accord de son pere suje prioritaire du faite que j’ai d’autre enfants ? Et qu’il n’a jamais payer de pension ? Merci pour vos réponses cordialement

  • Mon mari a récupéré la garde de sa fille 1 week end sur 2 le samedi deja et a partir du mois d avril tous le week end mais la mere ne veux pas et pour les vacances la petite part tous l ete et il doit l avoir 2 week end dans le mois et la mere veux que mon mari part la bas les week end alors que c est elle qui décide de l envoyer en vacances
    On c est pas comment faire
    Le jugement n est pas respecter depuis le mois de septembre
    Que l on doit t on faire ?

    • par Manou , Le 2 juin 2019 à 01:06

      Bonsoir une petite question jai la garde de ma fille le week-end de son père approche comme c’était les fêtes je le préviens pour dire on part fêter comme il récupère la petite vendredi 18h moi je pars en week-end jeudi pour le retour dimanche il vas porter plainte contre moi à la gendarmerie alors que je lui ai dit que il pourvai prendre la petite les deux week-end après il me dis dans les message que il vas aller au juge conrreictoinneil pour ma marché ?

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