La loi de finances pour 2024 a introduit de nouvelles dispositions en matière de TVA, et ce dans le cadre d’un processus de réforme qui s’étale sur 3 ans.
Les dispositions phares en matière de TVA touchent les points suivants :
- Clarification de la notion de territorialité en matière des prestations fournies à distance d’une manière dématérialisée ;
- Clarification de la location des biens à usage professionnel ;
- Ré-instauration du principe de reversement de la TVA en cas de cession des biens d’investissement ;
- Mise en place de garanties à la satisfaction de l’administration pour l’acquisition de biens d’équipement en exonération de la TVA ;
- Précision du principe de solidarité en matière de paiement de la TVA ;
- Clarification du principe du délai de forclusion en matière du droit de récupération de TVA ;
- Institution de l’auto-liquidation ;
- Précision en matière de sanctions relatives au dépôt hors délai des déclarations avec crédit de TVA ;
- Mise en place d’un régime de RAS en matière de TVA.
Dans le présent article, nous nous limitons à l’analyse du nouveau régime de retenue à la source en matière de TVA.
Ce nouveau régime nous semble viser dans un premier temps l’éradication des factures fictives et gérer la question problématique des fournisseurs défaillants.
En effet, la réécriture de l’article 146 du CGI pour la clarification de la notion de fournisseurs défaillants, avec l’extension de l’obligation de présenter l’attestation de régularité comme condition pour la déductibilité fiscale de la charge.
En procédant de la sorte, chacun trouvera son compte : l’administration n’aurait plus l’obligation de publier la liste des fournisseurs défaillants au bout du parcours judiciaire, et de l’autre côté le contribuable ne serait pas pris au piège au bout de 4 ou 8 années lors d’un contrôle fiscal qui rejetait la déductibilité au motif de la collaboration avec un fournisseur défaillant.
Certes, les garanties légales prévues par le CGI sont de nature à venir au secours du contribuable, mais parfois les dégâts pourraient être néfastes entre temps.
Sur un registre purement technique, la RAS est de 100 % de la TVA sur les opérations de biens d’équipement et de travaux assujettis, et ce dans le cas où le fournisseur est en situation irrégulière en matière d’impôts et taxes prévues par le CGI. La RAS est effectuée par le client et versée au receveur de l’administration fiscale dans le mois suivant, toutefois et en toute logique, le client qui réalise uniquement des opérations situées hors champ de la TVA ou exonérées sans droit à déduction ne doit pas effectuer la RAS/TVA.
Quant aux prestations de services, la RAS/TVA est de 75% du montant de la TVA comme suit :
- Les personnes morales de droit public.
- Les commerçants assujettis à la TVA qui versent les rémunérations des prestations de services aux personnes physiques ayant présenté l’attestation de régularité fiscale datant de moins de 6 mois. Dans le cas contraire, la RAS est de 100% de la TVA
Enfin, les nouvelles dispositions relatives à la RAS en matière de TVA constituent une opportunité pour les opérateurs économiques afin de se mettre en conformité fiscale et de ne collaborer qu’avec des partenaires en situation fiscale régulière en attendant l’extension vers une conformité sociale similaire à celle prévue par la réglementation des marchés publics.
Discussions en cours :
La retenue à la source (RAS) est souvent mise en avant comme une solution idéale pour améliorer la conformité fiscale. En confiant la collecte de l’impôt aux employeurs et autres tiers, l’État s’assure de percevoir ses revenus de manière régulière et fiable.
Contrairement à la TVA, où les fournisseurs collecteurs peuvent déduire la taxe payée, la RAS ne propose aucune forme de déduction pour ceux qui collectent l’impôt. Cette différence crée une inégalité flagrante dans le traitement des obligations fiscales.
L’État semble se désengager de sa mission régalienne de detecter et sanctionner les fraudeurs en transférant la responsabilité de la collecte de l’impôt à des tiers non liés par un devoir de contribution directe. Cette délégation est problématique car elle transfère non seulement des responsabilités, mais aussi des risques juridiques et financiers aux collecteurs.
Dans un contexte où les relations commerciales sont déjà fragilisées par des pratiques illégales, des paiements en espèces et des tensions, ajouter une mission régalienne aux entreprises ne fait qu’aggraver la situation.
Il est crucial que l’État procède à une évaluation rapide et approfondie des effets de la RAS. Cette évaluation permettrait de mesurer les impacts réels sur les contribuables et les entreprises et de déterminer si cette politique atteint véritablement ses objectifs de conformité fiscale sans engendrer de conséquences négatives disproportionnées. Une telle évaluation est essentielle pour ajuster la politique en fonction des résultats observés et pour garantir une application équitable de la RAS.
Avant de se concentrer exclusivement sur la collecte via la RAS, il est impératif de réformer en profondeur la justice fiscale. Lutter efficacement contre la fraude, tant à l’échelle individuelle qu’au sein des grands cabinets qui pratiquent l’évasion fiscale sous couvert de maximisation fiscale, est une priorité. L’État doit agir de manière décisive pour rétablir la confiance des contribuables. Seules des mesures justes et transparentes peuvent restaurer cette confiance et assurer une fiscalité efficace et équitable.
En conclusion, bien que la RAS puisse apparaître comme un outil pratique pour renforcer la conformité fiscale, elle présente des défis majeurs. Il est essentiel de considérer les intérêts des collecteurs d’impôt et de s’assurer que la politique fiscale est appliquée de manière juste et équilibrée. Une réforme globale du système fiscal, axée sur la justice et l’efficacité, est indispensable pour atteindre les objectifs de recouvrement sans pénaliser injustement les collecteurs d’impôt.
Merci SSI Hicham pour analyse pertinente.
Dans l’apparence il y a transmission de certaines prérogatives régaliennes, mais en réalité c’est l’administration qui détient et maintient ses prérogatives de contrôle.
C’est vrai, ces nouvelles dispositions pourraient constituer une tâche supplémentaire dans le processus d’achat et paiement des factures fournisseurs, mais le coût reste très réduit au regard du risque fiscal de collaborer avec un fournisseur défaillant aux regards des dispositions de l’article 146 du CGI.