Le droit marocain de propriété intellectuelle à l’ère de l’intelligence artificielle.

Par Elmostafa Hamdouche, Juriste.

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Explorer : # intelligence artificielle # propriété intellectuelle # droit d'auteur # innovation technologique

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L'article traite de l'évolution de l'intelligence artificielle (IA) depuis Alan Turing jusqu'à aujourd'hui, soulignant les avancées technologiques et les défis juridiques, notamment en matière de propriété intellectuelle. Il appelle à une réforme légale au Maroc pour s'adapter aux enjeux contemporains liés à l'IA.
Description rédigée par l'IA du Village

Nous vivons une époque charnière de l’histoire humaine, marquée par un développement technologique sans précédent. L’innovation et la créativité humaine ont connu une croissance exponentielle ces dernières années, induisant une dynamique difficile à maîtriser. Cette évolution fulgurante impose une adaptation continue afin de comprendre et anticiper les conséquences qui en découlent. Toutes les sphères de la vie socio-économique (santé, sécurité, éducation, finance, industrie etc.) sont profondément transformées par cette évolution historique.

Dans ce contexte, l’intelligence artificielle reflète parfaitement ces transformations structurelles et symbolise l’avènement d’un nouveau paradigme où « l’intelligence de la machine » s’allie à celle de l’être humain pour bouleverser les concepts classiques de la vie humaine. Cette convergence ouvre la voie à une reconfiguration de notre avenir.

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Les premiers travaux se rapportant à l’intelligence artificielle datent des années cinquante lorsque Alan Turing commença à théoriser la possibilité pour les machines d’imiter l’intelligence humaine. Ce père fondateur a jeté les bases de l’informatique moderne, notamment grâce au concept de « Machine Turing » consistant en un modèle théorique capable d’exécuter tout calcul logique. En 1950, il publia un article intitulé « Computing Machinery and Intelligence » qui mettait en place les premiers piliers de l’IA avec la problématique de savoir si les machines sont capables à penser. De ce fait, Turing posa les bases philosophiques et techniques de l’IA moderne.

Aujourd’hui, l’IA a parcouru un long chemin évolutionnaire tirant bénéfice de la montée en puissance du Big Data, de la puissance de calcul et des algorithmes d’apprentissage automatique. De même, les réseaux de neurones profonds « Deep Learning » ont contribué au renforcement des capacités de l’IA dans différents domaines tels que la reconnaissance d’image, le traitement du langage naturel, la prise de décision autonome (etc.)

Par ailleurs, toute avancée technologique s’accompagne inévitablement de nouveaux risques nécessitant un encadrement juridique approprié. En effet, la loi constitue le principal mécanisme social de maîtrise des risques inhérents aux mutations de la vie sociale. Pour l’IA, au-delà de ses avantages indéniables, son utilisation soulève des enjeux majeurs. Ceux-ci vont de l’impact sur l’emploi à l’usage abusif portant atteinte aux droits fondamentaux des individus, en passant par des défis éthiques, et d’autres préoccupations liées à la sécurité et au contrôle humain face à l’évolution autonomie de ces technologies.

Parmi les nombreuses problématiques juridiques soulevées par l’IA, celles ayant trait au droit de la Propriété Intellectuelle occupent une place primordiale. En effet, l’innovation et la créativité humaine subissent une menace sans précédente résidant dans la capacité de cette technologie à simuler les processus de pensée et de création longtemps considérés comme propres à l’être humain.

Jamais une technologie n’avait autant approché l’essence même de l’esprit humain nous conduisant à mettre en exergue des notions fondamentales telles que : l’auteur, l’artiste, le créateur, l’inventeur (etc.). Ajoutons à cela des considérations d’ordre philosophiques, éthiques et sociales sur la valeur de la création et de l’unicité humaine à l’ère des machines intelligentes.

A cet égard, l’IA interpelle les législateurs et régulateurs, les incitant à chercher un nouveau cadre légal adapté aux enjeux inédits qu’elle engendre. Cette réflexion concerne notamment la notion de propriété, la responsabilité des développeurs et utilisateurs, la protection des droits lors de l’entraînement de l’IA etc.

Le droit marocain de propriété intellectuel n’est pas à l’abri de ces défis, et nous pousse à évaluer dans quelle mesure nos principes fondamentaux en la matière peuvent s’adapter aux bouleversements juridiques, techniques et éthiques introduits par l’IA, à la lumière des évolutions internationales et de la jurisprudence récente sur l’IA générative ?

Pour répondre à cette problématique, le présent article propose d’analyser, d’une part le cadre juridique marocain en matière de propriété intellectuelle face aux défis de l’IA (A), et d’autre part, d’examiner les tendances législatives et jurisprudentielles internationales sur la propriété intellectuelle et l’IA (B).

A- Le cadre juridique marocain en matière de propriété intellectuelle face aux défis de l’IA.

Le législateur marocain réglemente les droits d’auteurs par le biais de la loi 2-00 relative aux droits d’auteurs et droits voisins comme modifiée et complétée. Ledit texte établit les principes fondamentaux régissant les créations intellectuelles des auteurs, notamment en ce qui concerne leurs droits patrimoniaux et moraux ainsi que les exceptions qui y sont apportées et les modalités d’exploitation de ces droits.

A l’instar des pratiques internationales, le droit marocain consacre le critère de l’originalité pour la qualification des œuvres d’esprit. Ce critère implique que l’œuvre reflète une création personnelle de l’auteur, différente de toute imitation ou reproduction illicite. De même, l’auteur doit démontrer l’antériorité de sa création et son caractère intellectuel.

Le législateur marocain octroi à l’auteur d’une œuvre d’esprit des droits patrimoniaux dès la création de l’œuvre, qu’il a le droit d’exploiter sous diverses formes (reproduction, représentation, communication au public, adaptation, traduction etc.) pendant toute sa vie. Lesdits droits sont transmissibles aux ayants droits pendant soixante-dix ans après la mort de l’auteur afin de garantir la pérennité de la récompense de son travail intellectuel. Parallèlement, l’auteur garde des droits moraux, qui sont imprescriptibles et inaliénables. Ces droits incluent le droit de revendiquer la paternité de l’œuvre et de respecter la dignité de l’auteur et de son travail.
La jurisprudence marocaine s’appuie aussi sur les conventions internationales ratifiées par le Maroc afin de protéger les droits d’auteur. Ainsi par exemple, la Cour de cassation a jugé que « L’étendue de la protection couverte par la loi relative aux droits d’auteur et aux droits voisins comprend, outre les cas qui y sont spécifiés, ceux contenus dans l’une des conventions ratifiées au Royaume du Maroc, que cette ratification soit antérieure ou postérieure à la promulgation de la loi précitée, tant qu’elle est en vigueur, y compris la Convention universelle sur le droit d’auteur telle que modifiée à Paris le 24/01/1971, de laquelle l’auteur étranger a tiré sa qualité pour ester en justice devant les juridictions marocaines. La présence du nom de l’auteur visible sur une œuvre d’art, en l’absence d’arguments contraires, lui confère le droit d’agir en justice pour protéger ses droits, sans qu’il soit nécessaire pour l’auteur d’effectuer des procédures de dépôt légal ».

Cependant, bien que ce cadre juridique soit adapté à l’environnement national et englobe les réalités numériques classiques, il ne prévoit aucune disposition spécifique sur les œuvres générées ou co-générées par l’IA.

La loi précitée continue de valoriser la notion d’auteur humain comme principale source des créations intellectuelles, méritant d’être préservée et protégée contre les atteintes des tiers. Dans ce sens, le législateur définit l’œuvre comme étant le fruit de création d’un individu, excluant de facto tout processus algorithmique autonome. A cet effet, les concepts classiques découlant du corpus légal actuel centré sur l’auteur humain, créée une incertitude concernant les innovations nationales exploitant l’IA à des fins créatives ou l’exploitation par l’IA de créations intellectuelles existantes.

En ce qui concerne la propriété industrielle et commerciale, la loi 17-97 telle que modifiée et complétée, exige également que l’invention soit issue d’un acte créatif humain. A cet effet, une IA qui agit sans intervention humaine directe ne peut pas être reconnue comme inventeur. D’ailleurs, cette conception rejoint le même raisonnement adopté actuellement dans d’autres juridictions.

Il n’en demeure pas moins, que des débats ont eu lieu sur la question de protection des inventions issues de l’IA comme dans l’affaire Dabus « Device For the Autonomous Bootstrapping of United Sentience » ayant ouvert la voie à une reconnaissance de la contribution de l’IA, à condition qu’un être humain soit désigné comme déposant ou propriétaire. Dans cette affaire, le chercheur Stephen Thaler a tenté de faire enregistrer des brevets dans plusieurs pays au nom de son IA « Dabus » en tant qu’inventeur. Les offices de propriété intellectuelle du Royaume-Uni, USA, de l’UE et d’autres pays ont tous rejeté ces demandes invoquant la condition sin qua non d’inventeur humain personne physique. Toutefois, en 2021 l’Afrique de Sud a fait exception en acceptant le dépôt. Dabus est une machine créative qui simule le processus de brainstorming afin de générer de nouvelles idées ou inventions.
A titre d’illustration, l’office de propriété intellectuelle du Canada a invoqué pour cette affaire que « Le paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets et l’article 54 des Règles sur les brevets exigent qu’une demande de brevet soit déposée par un inventeur ou son représentant légal, que l’inventeur soit identifié et que le demandeur dépose une déclaration de droit. Étant donné que, dans le cadre de cette demande, l’inventeur est une machine et qu’il ne semble pas possible qu’une machine ait des droits en vertu du droit canadien ou qu’elle puisse les transférer à un être humain, il ne semble pas que cette demande soit conforme à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets ». Pour être conforme, ledit office a indiqué que le demandeur peut tenter de se conformer en soumettant une déclaration au nom de la machine d’intelligence artificielle (IA) et en s’identifiant, dans cette déclaration, comme le représentant légal de la machine.

Pour les marques, l’IA est capable de générer des signes distinctifs ou assister des entreprises dans les formalités de dépôt. Toutefois, la protection reste sujette à la personne humaine ou morale déposante. Une réflexion similaire s’applique aux dessins et modèles industriels, dans la mesure où l’IA n’est pas considérée comme un acteur autonome pouvant revendiquer des droits sur les créations.

En dépit de la question du droit de propriété, se pose également le défi de protection contre la contrefaçon. En effet, l’IA engendre de nouvelles menaces afférentes à la contrefaçon automatisée et de génération d’imitations commerciales. Ce risque bien que couvert par les principes classiques de responsabilité civile et par la protection des droits acquis, il demeure non-maîtrisé en raison de l’absence de disposition légale spécifique concernant la qualification juridique des actes d’entraînement et d’utilisation de l’IA.

Il résulte des développements précédents, qu’il est crucial de doter notre arsenal juridique d’une nouvelle réglementation claire et adaptée, qui inclut des dispositions spécifiques aux créations issues de l’IA et encadre les différents litiges pouvant en résulter. Une telle réforme pourrait s’inspirer des pratiques législatives et jurisprudentielles internationales dont une partie sera détaillée dans la section suivante.

B- Pratiques législatives et jurisprudentielles internationales.

Afin de réglementer et maîtriser les risques inhérents à l’IA, l’Union européenne a adopté le règlement (UE) 2024/1689 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024, établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle. Ledit acte prévoit que les droits de propriété intellectuelle font partie des droits fondamentaux devant être pris en compte lors de l’évaluation de l’impact potentiel négatif d’un système d’IA lorsqu’il s’agit de le classer en tant qu’un système à haut risque.
En vertu du règlement précité, plusieurs acteurs participent au développement des systèmes d’IA à haut risque (par exemple, ceux qui fournissent des outils, des données ou des composants techniques). Ces acteurs doivent aider le fournisseur final à respecter la réglementation en lui donnant les informations et l’accès nécessaires. Toutefois, cette obligation de coopération doit respecter leurs droits, notamment en matière de propriété intellectuelle et de secrets d’affaires.

A cet égard, le règlement exige une transparence suffisante pour garantir la sécurité et la conformité des systèmes d’IA, sans forcer les entreprises à dévoiler des éléments protégés ou confidentiels. Prenons ainsi l’exemple d’une entreprise qui a développé un logiciel de recrutement basé sur l’IA, destiné à analyser les CV et à présélectionner les candidat. Ce type de logiciel est classé à haut risque selon le règlement européen. Dans ce sens, pour créer ce logiciel l’entreprise utilise : un modèle de traitement du langage fourni par un tiers, des outils d’analyse de données développés par une autre entreprise et un service d’hébergement cloud spécialisé dans l’IA. Conformément aux dispositions précitées, ces fournisseurs doivent aider l’entreprise finale à respecter ses obligations (traçabilité, garantir la non-discrimination, fournir des informations sur la manière dont le modèle a été entraîné, accès à certains résultats de tests etc.). En revanche, ces fournisseurs ne sont pas obligés de révéler leurs secrets commerciaux ou de partager leur code source, afin de protéger leurs droits de propriété intellectuelle. Cet équilibre devra être concrétisé à travers des accords écrits qui encadrent les obligations contractuelles des parties prenantes.

Le règlement européen prévoit également dans son article 52-6 que : « La Commission veille à ce qu’une liste des modèles d’IA à usage général présentant un risque systémique soit publiée et tient cette liste à jour, sans préjudice de la nécessité de respecter et de protéger les droits de propriété intellectuelle et les informations confidentielles de nature commerciale ou les secrets d’affaires conformément au droit de l’Union et au droit national ».

En matière de droits d’auteur, le règlement impose aux fournisseurs de modèles d’IA à usage général de publier un résumé accessible des données utilisées pour entraîner leurs modèles, y compris celles protégées par le droit d’auteur. Ce résumé doit être suffisamment détaillé pour identifier les principales sources de données (ex. : grandes bases de données publiques ou privées), mais sans être nécessairement technique ni exhaustif, afin de respecter les secrets d’affaires et les informations confidentielles.
La finalité du résumé précité est de permettre aux parties concernées, tels que les titulaires de droits d’auteur, de comprendre quelles données ont été utilisées, et ainsi de pouvoir faire valoir leurs droits. Le Bureau de l’IA proposera un modèle standardisé de résumé, simple et utile, que les fournisseurs pourront suivre.

Une autre réforme législative a été prise par l’union européenne à travers l’adoption de la directive (UE) 2024/2823 du Parlement européen et du Conseil concernant la protection juridique des dessins et modèles industriels. Elle est entrée en vigueur le 8 décembre 2024 et les États membres disposent d’un délai jusqu’au 8 décembre 2027 pour la transposer dans leur ordre juridique interne. Elle prévoit que : « Eu égard au déploiement croissant des technologies d’impression 3D dans différents secteurs industriels, y compris à l’aide de l’intelligence artificielle, ainsi qu’aux difficultés qui en découlent, pour les titulaires de droits sur des dessins ou modèles, lorsqu’ils veulent empêcher efficacement la copie illicite de leurs dessins ou modèles protégés, il convient de disposer que la création, le téléchargement, la copie et la mise à disposition de tout support ou logiciel qui enregistre le dessin ou modèle, aux fins de la reproduction d’un produit qui porte atteinte au dessin ou modèle protégé, constituent une utilisation du dessin ou modèle qui devrait être subordonnée à l’autorisation du titulaire ».

En dehors des frontières européenne, un effort législatif est poursuivi aux Etats-Unis pour encadrer juridiquement les problématiques liées à l’IA et aux droits de propriété intellectuelle. Il en est par exemple du Generative AI Copyright Disclosure Act of 2024, présenté au Congrès américain en avril 2024. Ce texte vise à obliger les entreprises d’IA à divulguer les œuvres protégées utilisées pour entraîner leurs modèles. Ces entreprises devront soumettre une déclaration détaillée au Registre des droits d’auteur, sous peine d’amendes civiles de 5 000 dollars en cas de non-respect.

L’objectif du projet de texte indiqué, est de renforcer la transparence et de protéger les droits des créateurs, en permettant notamment aux titulaires de droits de demander des contreparties. Il constitue un premier jalon pour mieux encadrer les rapports entre intelligence artificielle et droits d’auteur. Une collaboration étroite entre législateurs, développeurs d’IA et communautés créatives permettra de parvenir à une régulation équilibrée, protégeant les créateurs tout en favorisant l’innovation. Cette initiative américaine pourrait même influencer les législations à l’échelle mondiale y compris le droit marocain de propriété intellectuelle.
Une autre initiative législative a été prise, à savoir le No Fraud Act qui vise à interdire l’utilisation de l’IA pour imiter des personnes sans leur consentement, notamment à travers la création de Deepfakes. Le projet de loi reconnaît à chaque personne des droits de propriété sur son image et sa voix. Il tend à prévenir l’utilisation non autorisée de ces attributs par des plateformes d’IA générative. Il s’ensuit que toute utilisation abusive de l’image ou la voix d’un individu sans accord mettra en cause la responsabilité des entreprises proposant des services d’IA capables de créer des répliques numériques personnalisées. Rappelons dans ce sens, qu’au Maroc la loi 09-08 et la Constitution marocaine consacrent des principes fondamentaux visant à préserver la vie privée des personnes et à protéger leurs données à caractère personnel.

Sur le plan jurisprudentiel, les juridictions américaines ont été amenées à traiter plusieurs affaires se rapportant à des problématiques liées à l’IA et aux droits de propriété intellectuelle. A titre d’exemple, le 18 mars 2025 la Cour d’appel des Etats-Unis pour le district de Columbia a confirmé un arrêt rendu le 18 août 2023 par le tribunal du district de Columbia ayant adopté la position de l’Office du droit d’auteur des États-Unis en vertu de laquelle les contenus générés exclusivement par des IA ne peuvent pas bénéficier de cette protection.

Dans cette affaire, l’informaticien Thaler a souhaité déposer un titre de propriété intellectuelle au nom de son IA pour une image générée par celle-ci intitulée « A Recent Entrance to Paradise ». Le Copyright Office avait refusé la demande en invoquant que les droits d’auteurs ne peuvent être attribués qu’à un être humain dont la contribution doit être suffisamment importante. Cette position prise par ledit office et par les juridictions américaines est fondée sur une interprétation de la notion « d’auteur » prévu par le Copyright Act of 1976.

De ce fait, ladite juridiction a consacré le principe général selon lequel le droit d’auteur protège l’expression des idées humaines, non les idées elles-mêmes ni les œuvres générées de manière autonome. Autrement dit, l’IA est assimilé dans ce raisonnement à un simple outil de création comparable à un pinceau utilisé par un peintre. L’apport humain demeure essentiel pour évaluer la créativité intellectuelle de l’œuvre.

Une contribution créative substantielle (comme l’édition, les modes de sélection, d’organisation ou de choix des éléments générés par IA …), ainsi que le degré de contrôle exercé par l’humain, sont indispensables pour statuer sur la titularité des droits d’auteur. Toutefois, il est difficile de déterminer des critères clairs de distinction entre la création humaine et la génération automatique. L’appréciation s’effectuera donc au cas par cas, en fonction des éléments de chaque cas d’espèce et de l’interprétation des juridictions saisies pour trancher ces litiges.

Aux enjeux liés à la paternité des œuvres générées par l’intelligence artificielle, s’ajoutent ceux afférents à l’utilisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur pour l’entraînement des modèles d’IA. Dans ce cadre, plusieurs acteurs ont été poursuivis en justice pour utilisation non-autorisée de contenus protégés par des droits d’auteurs pour entraîner leurs modèle (Ex. OpenAI, Meta, Stability AI etc.).

En 2023 une action collective pour contrefaçon a été intenté par trois artistes (Sarah Andersen, Kelly McKernan, et Karla Ortiz) à l’encontre de Stability AI éditeur du système d’IA générative Stable Diffusion, et impliquant les deux plateformes Deviant Art et Midjourney. Les demanderesses alléguaient que ces entreprises avaient utilisés leurs œuvres protégés par le droit d’auteur pour entraîner leurs modèles d’IA sans autorisation, constituant ainsi une violation de leurs droits.

Initialement le juge compétent a considéré que la plainte n’était pas suffisamment fondée et avait accordé aux artistes la possibilité de la modifier afin de clarifier leurs allégations et de fournir les preuves nécessaires. Faisant suite à la demande, les artistes ont présenté d’autres éléments plus détaillés afin de renforcer leur action. En conséquence, le juge a accepté ces nouveaux arguments et a ordonné la poursuite de l’affaire. Le jugement à venir pourrait introduire d’importantes évolutions concernant la protection des droits d’auteur contre la contrefaçon à l’ère de l’IA.

Les juridictions saisies d’actions en contrefaçon sont amenées à statuer sur la licéité de l’utilisation d’œuvres protégées pour entraîner des intelligences artificielles. Ce débat oppose deux courants : d’une part, les entreprises fournisseurs et développant des IA, qui invoquent leur droit équitable des données à l’instar de l’apprentissage humain, dès lors qu’elles ne reproduisent pas les œuvres originales protégées. D’autre part, les titulaires de droits qui contestent que les créations générées par l’IA ressemblent fortement à leurs œuvres protégées.

A notre avis, le point décisif dans ce débat réside dans la question de la « personnalité juridique », encore non reconnue aux machines intelligentes. En l’absence de cette personnalité, ces machines ne sont pas considérées comme des sujets de droit et leur entraînement sur des œuvres et données existantes sans autorisation constitue une atteinte aux droits des auteurs.

L’ensemble des évolutions législatives et jurisprudentielles précitées reflète un changement structurel dans les concepts classiques du droit de propriété intellectuelle, face aux nouveaux défis engendrés par l’intelligence artificielle. Ainsi, les développements législatifs et judiciaires récents reflètent une prise de conscience internationale des enjeux induits par l’intégration et l’implication de l’IA dans des domaines classiquement réservés à l’intelligence et la créativité humaine (Art, Philosophie, Innovation etc.). Ce changement structurel de paradigmes soulève un débat sur les principes fondamentaux du droit de la propriété intellectuelle dont l’essence est centrée sur la valorisation des créations intellectuelle de l’être humain.

Dans ce contexte, les efforts législatifs et les décisions judiciaires se multiplient à travers le monde, pour répondre à la problématique objet du présent article, afin de combler les lacunes juridiques existantes et réglementer l’utilisation de l’IA et son impact sur les droits des créateurs humains. La finalité cruciale est la mise en place d’un équilibre entre la sauvegarde des droits de propriété intellectuelle et le soutien de l’innovation technologique.

Ces évolutions engendrent aussi d’importants enjeux en matière de conformité et de gouvernance. Les différents acteurs socio-économiques devront ainsi élaborer des normes claires et cohérentes en matière de propriété intellectuelle pour les IA afin de garantir l’équilibre susvisé et de prévenir les risques de non-conformité susceptibles d’en résulter en l’absence d’un cadre juridique unifié.

Finalement, à la lumière de ces transformations le droit marocain, à l’instar d’autres législations comparées, devra réévaluer ses principes fondamentaux en matière de propriété intellectuelle et s’adapter aux évolutions internationales pour éviter une obsolescence de l’arsenal légal national face aux avancées technologiques rapides. Le législateur marocain devra aussi trouver un terrain d’entente entre la protection des droits de propriété intellectuelle, la promotion de l’innovation et le contrôle des risques inhérents à l’utilisation de l’IA.

Bibliographie.

« Alan Turing : les machines à calculer et l’intelligence », Hermès, La Revue, 2014/1 n° 68, pp. 123–126 [1]
Anne-Laure Villedieu, « Intelligence artificielle : quels droits de propriété intellectuelle ? », 27 juillet 2020, CMS Francis Lefebvre
Arrêt de la Cour de cassation Marocaine n°2009/611 dossier n°2006/1/3/239 rendu le 22 avril 2009.
Fortunat Nadima Nadima, « Affaire Dabus : pas d’inventeur humain, pas de brevet ? », article, revue Les cahiers de Propriété Intellectuelle, Octobre 2022, Volume 34, Numéro 3
Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), Dossier de poursuite, « Récipient alimentaire et dispositifs et procédés pour attirer davantage l’attention », (Can) Brevet n°3137161, PCT Brevet n° PCT/IB2019/057809 (demande déposée le 17 septembre 2019) (nos soulignements).
Le bureau de l’IA : Qu’est-ce que c’est et comment cela fonctionne-t-il ? | Loi européenne sur l’intelligence artificielle
Blog Economie Numérique - The Impact of Generative AI Copyright Disclosure Act of 2024
Thaler v. Perlmutter, No. 22-CV-384-1564-BAH
U.S. Copyright Office - Policy Statement on Copyright Registration for Works Containing Material Generated by Artificial Intelligence Copyright and Artificial Intelligence | U.S. Copyright Office
Negar Bondari, “AI, Copyright, and the Law : The Ongoing Battle Over Intellectual Property Rights”, le 4 Février 2025, IP & Technology Law Society, Gould School of Law, USC University Of Southern California AI, Copyright, and the Law : The Ongoing Battle Over Intellectual Property Rights - IP & Technology Law Society
Droit d’auteur vs. GenAI : une première victoire pour les artistes contre Stability AI, Midjourney et DeviantArt.

Elmostafa Hamdouche
Juriste d’affaires chercheur

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