Licenciement nul : des risques psychosociaux dans l’entreprise n’interdisent pas la réintégration du salarié.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Elise de Langlard, Juriste.

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Explorer : # réintégration # licenciement nul # risques psychosociaux # obligation de sécurité

Ce que vous allez lire ici :

Une salariée licenciée en 2018 a contesté son licenciement, demandant sa réintégration. La cour d'appel a refusé, invoquant des risques psychosociaux. La Cour de cassation a partiellement cassé cette décision, insistant sur l'obligation de réintégration sauf impossibilité matérielle, soulignant la responsabilité de l'employeur en matière de sécurité.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans une décision marquante du 4 septembre 2024 (n° 23-13.583), la Cour de cassation rappelle avec fermeté que, lorsque la nullité du licenciement est prononcée, l’employeur doit réintégrer le salarié, sauf s’il prouve une impossibilité matérielle de le faire.
En l’espèce, la CPAM du Bas-Rhin a tenté de justifier cette impossibilité par des risques psychosociaux, mais la Cour de cassation juge ces justifications insuffisantes en présence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

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I. Faits.

Une salariée a été engagée en 2015 en tant qu’agent administratif par la caisse primaire d’assurance maladie du Bas-Rhin, et a été licenciée le 10 janvier 2018.

Elle a contesté ce licenciement devant la juridiction prud’homale, demandant sa nullité, sa réintégration dans son emploi, ainsi que le paiement de salaires dus.

Le 6 décembre 2022, la Cour d’appel de Colmar a débouté la salariée de sa demande de réintégration et limité certaines indemnités.

Elle a estimé, en reprenant l’argumentaire de la CPAM, que la réintégration de la salariée était impossible en raison de risques psychosociaux au travail, notamment liés au management et aux relations avec le public.

La salariée a alors formé un pourvoi en cassation.

II. Moyens.

La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes en réintégration alors « qu’en rejetant la demande de réintégration de Mme [Y] au motif qu’il existait des risques de souffrance au travail liés au management et aux relations avec le public pouvant susciter un comportement agressif de la salariée envers elle-même ou autrui, ce qui ne caractérisait aucune impossibilité pour l’employeur de la réintégrer dans son emploi ou un emploi équivalent, la cour d’appel a violé les articles L1226-9, L1226-13 et L1235-3-1 du Code du travail ».

III. Solution.

La Cour de cassation casse partiellement la décision de la cour d’appel, estimant que les arguments avancés pour refuser la réintégration étaient insuffisants et ne justifiaient pas d’une impossibilité matérielle.

En effet, au visa des articles L1226-9, L1226-13 et L1235-3-1 du Code du travail, la Cour de cassation rappelle que, lorsqu’un licenciement est déclaré nul, l’employeur est tenu de réintégrer le salarié licencié dans son emploi ou un emploi équivalent, sauf s’il prouve l’impossibilité matérielle de le réintégrer.

Dès lors, la Cour de cassation juge que les motifs invoqués par la cour d’appel pour refuser la réintégration de la salariée ne constituent pas une impossibilité de réintégration.

En effet, cette dernière justifie l’impossibilité de réintégration par des risques psychosociaux, en s’appuyant sur un rapport médical de 2017 évoquant des risques psychosociaux au sein du service de la salariée, tout en ayant reconnu que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité en raison du harcèlement moral reconnu parallèlement.

Ainsi, la Cour d’appel de Colmar estime qu’il est matériellement impossible de réintégrer la salariée en raison des risques qu’elle pourrait commettre un acte violent, un certificat médical du 21 juin 2017 l’indiquant.

Toutefois, selon la Cour de cassation, ces deux points sont contradictoires : l’impossibilité de réintégration n’était pas suffisamment justifiée, car la cour d’appel n’a pas suffisamment pris en compte que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité, ce qui a conduit à une violation des textes juridiques relatifs à l’obligation de sécurité et de protection des salariés.

De ce fait, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar et renvoie l’affaire à la Cour d’appel de Metz pour réexamen.

IV. Analyse.

Cet arrêt clarifie qu’en cas de licenciement reconnu nul, l’employeur a l’obligation de réintégrer le salarié qui le demande, sauf s’il prouve une impossibilité matérielle, ce qui n’a pas été démontré ici.

Pour rappel, lorsque le licenciement est déclaré nul, les conséquences sur l’indemnisation sont significatives.

L’indemnité minimale due au salarié licencié est bien plus élevée et en cas de pluralité de motifs, le juge doit examiner chacun d’eux, pouvant modérer l’indemnité si l’un est fondé, mais sans descendre sous le plancher de six mois de salaires.

Le salarié a également le droit d’être réintégré, sauf impossibilité matérielle, auquel cas il peut prétendre à une indemnité d’éviction correspondant aux salaires non perçus entre la notification du licenciement et la réintégration.

Ainsi, l’arrêt du 4 septembre 2024 s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure concernant l’obligation de réintégration après un licenciement nul, en lien avec les obligations de sécurité de l’employeur.

Plusieurs décisions précédentes, dont une du 6 juillet 2022 [1], affirment que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité se manifeste non seulement lorsque l’enquête interne suite à des faits de harcèlement moral déclarés est conduite de manière partiale, mais aussi lorsqu’il ne prend pas les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés conformément à l’article L4121-1 du Code du travail.

De plus, le retard à diligenter une enquête interne dans ce genre de cas, comme cela a été souligné dans l’arrêt du 23 mars 2022 [2], constitue également un manquement à cette obligation, renforçant l’idée que l’employeur doit agir avec diligence pour préserver la santé et la sécurité des salariés.

La jurisprudence récente précise par ailleurs que le simple fait d’avoir trouvé un nouvel emploi ne prive pas le salarié de son droit à réintégration [3].

Cependant, la réintégration peut être impossible si l’entreprise a disparu [4] ou si le salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour harcèlement [5].

Toutefois, dans un arrêt du 11 mai 2023 (n° 21-23.148 et n° 22-10.082), la Cour de cassation a considéré que le salarié qui demande la résiliation judiciaire de son contrat et la nullité de son licenciement peut s’il renonce à sa demande de résiliation judiciaire au cours d’une même instance, obtenir sa réintégration.

Au total, l’arrêt de la Cour de cassation du 4 septembre 2024 renforce les droits des salariés face à des licenciements nuls, en précisant les obligations de l’employeur en matière de réintégration.

La décision met en lumière la responsabilité accrue des employeurs en matière de gestion des risques psychosociaux et de respect des obligations légales en matière de réintégration et de rémunération.

Sources.

C. cass. 4 sept. 2024 n° 23-13.583
C. cass. 6 juillet 2022 n° 21-13.631
C. cass. 23 mars 2022, n° 20-23.272
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mars 2022, 20-23.272, Inédit - Légifrance [6]
C. cass. 11 mai 2023, n° 21-23.148 et n° 22-10.082

Frédéric Chhum, avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
Elise de Langlard, juriste
Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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Notes de l'article:

[1N° 21-13.631.

[2N° 20-23.272.

[3Cass, soc, 10 février 2021, n° 19-20397.

[4Cass, soc, 24 juin 1998, pourvoi n° 95-44757.

[5Cass, soc, 27 janvier 2021, n° 19-21200.

[6legifrance.gouv.fr

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