A titre liminaire, précisons déjà que le choix entre prendre ¼ en pleine propriété de la succession du défunt, ou prendre la totalité en usufruit n’est proposé que si le défunt laisse des enfants communs au le conjoint survivant.
Dès lors que le défunt laisse des enfants non communs, le conjoint survivant n’a d’autre choix que de prendre le quart en pleine propriété ; afin, dans l’esprit du texte, d’une part d’éviter des situations de démembrement conflictuelles, et d’autre part de tenir compte des remariages associés à une espérance de vie plus longue pouvant mettre en concours, des enfants ayant à peu près le même âge que leur belle-mère ou beau-père.
I. Le droit au quart en pleine propriété.
Dire que le conjoint survivant prend ¼ en pleine propriété n’a pas de sens, si l’on ne précise pas la base sur laquelle appliquer cette fraction.
Et c’est souvent sur ce point que les confusions se retrouvent : l’on pense à tort que le quart s’applique à tous les biens laissés par le défunt.
Or, le quart s’applique sur une base faite des biens laissés et non légués par le défunt, à laquelle l’on rajoute les donations faites du vivant du défunt - y compris celles consenties au profit du conjoint lui-même -, et soustraction faite du passif.
Exemple : si le défunt laisse un immeuble valant 100 et avait fait une donation d’un tableau de 100 à son fils, sans laisser de dettes, le quart légal du conjoint sera de ¼ x (100+100) = 50.
Néanmoins, le calcul ne s’arrête pas ici : le conjoint ne repart pas avec ce quart ainsi déterminé. Il faut encore vérifier que ce quart peut effectivement être pris, en le comparant avec une autre base, faite de la précédente base de calcul (200 dans notre exemple), à laquelle l’on soustrait d’une part, la réserve héréditaire globale des héritiers réservataires, et d’autre part, la fraction des libéralités consenties aux héritiers réservataires et excédant leur part de réserve individuelle.
Si nous reprenons l’exemple précité : le défunt avait donné un tableau de 100 à son fils et laisse un immeuble de 100 à son décès. La réserve globale des héritiers réservataires est de ½, soit 100 ici. Et la donation faite à un héritier réservataire, sauf clause contraire, s’impute sur sa part de réserve individuelle égale à 100 aussi, puisqu’il n’y a qu’un seul héritier réservataire.
La base de vérification se détermine donc ainsi : base précédente (200) - réserve héréditaire globale (100) - fraction des libéralités excédant la part de réserve individuelle (0) ; soit une base de vérification égale à 100.
Ainsi l’on compare le quart légal (50) à cette base de vérification (100), afin de savoir si le quart peut effectivement être servi au conjoint. Si d’aventure, la base de vérification est ramenée à 0, même si le calcul du quart légal donne un résultat positif, celui-ci ne peut être servi au conjoint.
En pratique, retenons que, dès lors qu’il y a eu des libéralités qui doivent être imputées sur la quotité disponible (donation avec dispense de rapport, donation avec clause d’imputation conventionnelle, et legs), et que celle-ci vient à être épuisée, alors le quart légal du conjoint survivant est réduit à néant.
Astuce pour « déshériter » un conjoint survivant en présence d’enfants non communs : tout léguer par testament.
Il reste que dans cette hypothèse, le conjoint pourra réclamer au moins, si les conditions sont réunies, son droit viager au logement, lequel ne peut faire l’objet d’une privation que par testament authentique.
II. L’usufruit du tout.
L’usufruit du tout correspond à l’institution la plus connue des Français en matière de droits du conjoint survivant.
Mais qu’en est-il concrètement ? Parler d’usufruit, c’est envisager son assiette : sur quoi s’exerce l’usufruit ? Sur tout me répondra-t-on.
Mais que met-on dans ce « tout » ?
Il faut savoir que l’usufruit du tout s’exerce uniquement sur les biens laissés par le défunt, à l’exclusion des donations rapportables consenties de son vivant - ce qui paraît logique -, des legs - ce qui peut sembler moins évident dans la mesure où les biens légués, en tant qu’un legs s’exécute à compter du décès, n’est pas encore réellement sorti du patrimoine du défunt au moment où le conjoint viendrait à exercer son usufruit.
L’on n’y pense que très rarement, mais en tant qu’usufruitier, le conjoint survivant peut, s’il lui est demandé par les nus-propriétaires, devoir fournir une caution et faire dresser un inventaire des meubles et un état des immeubles soumis à son usufruit.
Aussi, tant les nus-propriétaires que l’usufruitier peuvent demander la conversion de l’usufruit légal en rente viagère. En revanche, la conversion de l’usufruit légal en capital suppose par définition, l’accord de toutes les parties (nus-propriétaires et usufruitier).
III. Délai d’option.
Lorsque le conjoint survivant a le choix - présence d’enfants communs uniquement -, les modalités sont relativement libres.
Le choix entre le quart légal ou l’usufruit du tout n’a pas de forme et demeure ouvert jusqu’au décès du conjoint survivant.
En l’absence de choix avant son décès, celui-ci ne passe pas à ses héritiers, de sorte qu’il est réputé avoir opté pour l’usufruit du tout.
Cependant les cohéritiers peuvent sommer le conjoint d’opter : en ce cas, le conjoint dispose alors de 3 mois pour faire connaître son choix, à défaut de quoi, il est réputé avoir choisi l’usufruit du tout.
En conclusion, les droits du conjoint survivant ne sont pas aussi simples qu’ils donnent à voir et dès lors qu’un choix s’impose, encore faut-il mesurer les conséquences de celui-ci.
De la même manière, les nus-propriétaires se sentant parfois flouer par l’exercice d’un usufruit peu scrupuleux, ne se trouvent pas totalement démunis par les facultés qui leur sont accordées.
Outre ces droits qui composent la vocation légale du conjoint survivant, il faut y ajouter un dernier : le droit viager au logement qui sera traité dans un article à part.
En sus, le conjoint survivant bénéfice également d’une vocation conventionnelle d’une redoutable complexité qui mérite de plus amples développements.
Discussion en cours :
Il est bien dommage que ces avocats/notaires utilisent des termes qui nous sont incompréhensibles.