L’influence du régime matrimonial sur le mandat de vente d’un bien immobilier.

Par Pascal Bellanger, Avocat.

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Si l’agent immobilier n’est pas le conseil en matière juridique des acquéreurs au regard du droit de la famille, il n’en demeure pas moins que lors d’une acquisition, dans la mesure où il a à l’égard du tiers au contrat qu’est l’acquéreur, une obligation de diligences et de renseignements, il lui faut répondre aux interrogations quant aux conséquences de l’entrée en patrimoine d’un bien et ses conséquences au regard du régime matrimonial applicable au couple.

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L’agent immobilier doit donc appréhender un minimum, la situation des acquéreurs et déterminer quels sont les droits futurs de ceux-ci, sur le bien en cours d’acquisition.

Il doit donc pouvoir, même sommairement, analyser et connaître les différentes situations patrimoniales du couple qu’il est amené à conseiller, et apprécier le régime applicable qui peut être soit les régimes de communauté, les régimes séparatifs ou encore le cas particulier du PACS pour deux personnes qui ne sont pas mariées, mais qui ont choisi un régime juridique en tant que couple.

Il existe un cas particulier que l’agent immobilier ne peut occulter ou ignorer, celui de l’immeuble qui constitue le domicile conjugal des époux. Quel que soit le régime matrimonial, il faut le consentement des deux époux pour procéder à la vente du domicile conjugal, lieu de vie de la famille.

Dans le cas de la vente du domicile conjugal, il faudra donc pour régulariser un mandat de vente, recueillir la signature au mandat du propriétaire et le consentement express du conjoint par régularisation au mandat.

Cette exception mise à part, l’agent immobilier devra penser à prendre en considération la situation patrimoniale du bien à commercialiser lors la régularisation du mandat de vente.

A - Les régimes de communauté.

Deux types de communauté peuvent être rencontrées par l’agent immobilier : la communauté légale et le régime de la communauté universelle.

1° la communauté universelle.

C’est un régime qui sera peu rencontré par l’agent immobilier du côté des acquéreurs, mais beaucoup plus souvent du côté des vendeurs.

Si en pratique, peu de jeunes couples adoptent ce régime, il est assez fréquent que des vendeurs propriétaires âgés, qui n’ont plus d’activité commerciale ou artisanale, choisissent d’assurer la transmission du patrimoine au premier décès, à l’un des deux époux, sans qu’il y ait lieu à règlement de la succession.

Dans cette hypothèse, les notaires proposent d’adopter le régime de la communauté universelle qui permettra la transmission intégrale du patrimoine sans que les enfants n’interfèrent au premier décès.

Pour l’agent immobilier, c’est le régime matrimonial le plus simple et facile à appréhender puisque les époux n’ont qu’un patrimoine commun, l’ensemble de leurs biens quel que soit leur origine tombe dans la communauté.

Le corollaire est que si les biens sont communs, il en est de même pour les dettes, actuelles ou futures.

En principe, lors de l’adoption de ce régime matrimonial qui a forcément une nature conventionnelle, puisqu’il faut un contrat régularisé devant notaire, une clause de transmission et d’admission intégrale du patrimoine au premier décès figure à l’acte.

Concernant les pouvoirs des époux pour l’administration et la gestion de la communauté, ils ont un pouvoir concurrent et peuvent tout deux effectuer les actes de gestion d’administration et de disposition, sauf si figure à l’acte notarié d’adoption du régime, une clause d’administration conjointe au terme de laquelle les actes de disposition des biens communs sont faits sous la signature conjointe des deux époux et emporte de plein droit solidarité des obligations.

Pour l’agent immobilier, il doit simplement considérer que lorsque le régime matrimonial de deux époux est la communauté universelle, il doit leur faire régulariser à tous deux l’ensemble des documents, mandat de vente, compromis mais aussi acceptation de l’offre ou l’offre s’ils sont acquéreurs, afin de garantir la sécurité juridique des actes auxquels il participe.

2° La communauté légale.

C’est le régime de droit commun qui s’applique à tous les époux qui n’ont pas procédé à la rédaction d’un contrat de mariage avant celui-ci.

Il est possible d’aménager ce régime et d’exclure de la communauté divers biens, c’est ce qu’on appelle la communauté conventionnelle laquelle nécessite un contrat de mariage et qu’à priori, il est peu vraisemblable qu’un agent immobilier la rencontre, s’agissant d’une hypothèse rarissime, depuis la réforme des régimes matrimoniaux de 1965.

Dans cette hypothèse, les époux ont droit chacun à leurs propres et il existe entre eux une communauté composée des actes faits par les époux, ensembles ou séparément pendant le mariage, qui proviennent de leur travail, mais également des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres.

Généralement, lorsqu’un couple marié sans contrat de mariage possède un immeuble, celui-ci a nature de bien commun, s’il a été acheté pendant le mariage.
Comme toujours, l’agent immobilier vérifiera par la lecture du titre de propriété, les droits respectifs des époux

Pour les meubles, ce qui a priori ne concerne pas l’agent immobilier, ils sont réputés communs saufs les vêtements, les bijoux, certaines créances ainsi que les instruments de travail nécessaire à la profession de l’un des époux.

Sont des propres, les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de leur mariage ainsi que les biens qu’ils acquièrent par succession, donation ou legs.

Là encore la nature de propres sera détectée lors de la régularisation d’un mandat par une lecture attentive du titre de propriété des mandants vendeurs.

Concernant les propres, il est possible pour un époux commun en biens d’acquérir au moyen de la vente d’un bien propre, un nouveau bien et de remployer les fonds, ce qui donnera à ce bien, une nature de propre.

Dans cette hypothèse, lorsqu’un époux vend un bien d’origine familiale constituant un bien propre et achète un autre immeuble, il faut préciser l’origine des fonds dès l’avant-contrat pour que le notaire qualifie le bien de propre à l’acte d’acquisition.

Le passif commun est facile à appréhender puisque c’est l’ensemble des dettes du couple nées pendant le mariage, les dettes antérieures restant personnelles aux époux.

Si un époux venait à contracter seul un prêt qui n’excèdent pas la faculté contributive du ménage, le banquier peut parfaitement agir à l’encontre d’un bien de communauté, les époux effectueront les comptes lors de la liquidation du régime matrimonial. Il est toutefois précisé par l’article 1415 du Code Civil que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus pour un cautionnement ou un emprunt.

C’est pourquoi, les banques ou organismes financiers sollicitent l’intervention de l’époux lorsque l’un des époux seul contracte un engagement.

Concernant les engagements, les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants sont solidaires par nature, sauf pour des dépenses manifestement excessives.

Concernant les pouvoirs d’administration des époux, chacun des époux peut administrer seul les biens communs et en disposer, sauf à répondre des fautes qu’il aurait commis dans sa gestion auprès de son conjoint

Les actes accomplis sans fraude sont opposables aux conjoints.

Concernant la vente d’un immeuble, naturellement, un époux ne peut vendre seul un immeuble ou un fonds de commerce, ni faire un apport en société d’un bien dépendant de la communauté.

Il y a concernant l’immobilier, une cogestion mise en place par le régime légal, que l’agent immobilier connaît bien, pour solliciter régulièrement la régularisation par les deux époux soit d’un mandat de vente, soit d’une offre d’achat.

Si l’un des époux prend en main la gestion des biens propres de l’autre époux au vu de celui-ci sans opposition, il est considéré qu’il a un mandat tacite de gestion et ses engagements sont valides.

En revanche, il n’a aucun pouvoir de disposition et ne peut donc régulariser un acte de disposition.

Il ne sera donc pas possible pour un agent immobilier d’accepter qu’un époux signe un mandat pour le compte de son conjoint lorsque le bien est propre à ce dernier.

B- les régimes séparatifs.

1° La séparation de biens.

Le contrat de mariage prévoira que les biens de l’un et l’autre des époux resteront distincts et que leurs patrimoines respectifs resteront indépendants.

Sur le plan de l’immobilier, c’est une situation facile à appréhender pour le professionnel puisque les biens restent la propriété exclusive de celui qui les a acquis. Chaque conjoint peut acheter un bien sans l’autorisation de l’autre, sous réserve de l’application de l’article 215 du Code Civil, concernant le domicile et le logement de la famille, précédemment évoqué

Au plan de la gestion, chacun des époux gère le bien et s’il y a des flux financiers entre époux il se crée une créance entre époux.

Les difficultés rencontrées ne viennent pas de l’application du régime de séparation de biens mais de la pratique des époux qui souvent après avoir adopté le régime de la séparation de biens, achète un immeuble en indivision, sont emprunteurs solidaires des crédits immobiliers, et remboursent au moyen d’un compte bancaire joint.

Lors de la liquidation du régime matrimonial, les comptes sont souvent très délicats à entreprendre.

Pour l’agent immobilier, il doit se contenter de se préoccuper du titre pour obtenir mandat du ou propriétaires.

2° Le régime participatif.

C’est un régime de juriste, les praticiens du droit de la famille l’ayant surnommé « régime des notaires ».

Il concerne moins de 1 % des régimes adoptés par contrat de mariage.

Pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.

Chacun des époux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ce qu’il lui appartenait au jour du mariage ou ce dont il a fait l’acquisition quel que soit l’origine que ce soit par achat à titre onéreux, par succession ou libéralité.

Le fonctionnement de ce régime est donc très simple puisqu’il est identique à celui de la séparation de biens.

La situation se complique lors de la liquidation du régime matrimonial puisque à la dissolution, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre et mesuré par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.

S’il est facile de comprendre que lorsque les deux époux ont fait de bonnes affaires et dans des proportions à peu près équivalentes, cela ne pose pas de difficulté, la question est différente si l’un des époux a perdu une partie de son patrimoine surtout que si le patrimoine final d’un époux est inférieur à son patrimoine originaire, le déficit est supporté entièrement par cet époux.

On comprendra facilement que si un époux a habilement vécu aux frais et à la charge de son conjoint, il aura accru son patrimoine sans participer aux pertes encourues par l’autre...

Dans une telle hypothèse le notaire aura les pires difficultés à parvenir à la liquidation amiable du régime matrimonial.

En conclusion, si ce régime sans être parfaitement équilibré est le plus juste, s’il est d’un fonctionnement facile, il est extrêmement délicat à liquider lors de la dissolution du régime matrimonial qui interviendra, soit par le décès de l’un des deux époux ou par un divorce.

Pour l’agent immobilier, il appliquera les mêmes règles que pour le régime de séparation de biens, sans plus d’interrogations.

C – Le PACS.

C’est un contrat de vie commune entre deux individus qui peut être sous seing privé ou par acte notarié.

Il présente principalement des avantages en matière fiscale, puisque les partenaires ont le même régime fiscal qu’un couple au niveau de l’impôt sur le revenu ainsi que des avantages sociaux et professionnels, comme la couverture sociale des conjoints.

Au niveau patrimonial, lors de la conclusion du PACS, les partenaires peuvent choisir un régime de séparation de biens, et se trouveront, s’ils ont acquis en commun un bien sous le régime de l’indivision comme deux époux séparés de biens.

S’ils sont propriétaires d’un immeuble après séparation, ils devront tout de même envisager la liquidation patrimoniale consécutive à la rupture du PACS.

Pour l’agent immobilier, en pratique, il rencontrera deux partenaires, et là encore la lecture du titre de propriété le renseignera sur la situation juridique du bien à commercialiser.

Comme pour deux époux, c’est l’analyse juridique de ce titre qui le renseignera sur le régime patrimonial du bien et qui lui permettra de faire régulariser le mandat de vente au titulaire du droit de propriété, même s’il ne faut pas ignorer qu’en pratique, de nombreux agents font signer le mandat aux deux époux ou aux deux partenaires pacsés sans plus d’investigations.

Pascal Bellanger
Avocat au Barreau de Nîmes

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Discussions en cours :

  • par REICHART , Le 22 mars à 09:10

    Bonjour, mon notaire ne m’a pas proposé le remploi lors de la vente de mon bien propre alors qu’il savait que je rachetait un autre bien dans un autre département. Mon épouse devient donc propriétaire également de mon bien propre.
    Ma question : le notaire a il obligation de proposer le remploi ou était ce à moi de le demander ?
    Merci pour votre retour.
    Très cordialement

  • par ALLARD Marie , Le 15 juillet 2023 à 09:58

    Bonjour,
    Nous vendons un bien en indivision. Cet appartement était à mes parents.
    A la mort de mon père m’a mère étant l’usufruitière y a vécu jusqu’à aujourd’hui.
    Toujours vivante elle est d’accord pour le vendre.
    Nous l’avons mis dans une Agence qui nous demande notre statut marital, le lieu et la date du mariage ainsi que des informations
    sur nos conjoints. est-normal puisque nos conjoints n’ont pas leur mot à dire sur cette vente ?
    Je vous remercie
    Cordialement
    MF ALLARD

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