La participation de l’agent immobilier à l’offre d’achat.

Par Pascal Bellanger, Avocat.

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Le mandat de l’agent immobilier est d’obtenir l’accord de volonté entre vendeur et acquéreur. Avant la rédaction de l’avant contrat de vente, il doit donc obtenir la consécration de l’accord au moyen d’une offre d’achat acceptée qui réclame une attention particulière de la part de l’agent immobilier.

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Par nature, une vente immobilière est un contrat à la finalisation duquel interviendra éventuellement un agent immobilier, lequel doit donc apporter sa compétence et son professionnalisme à la rencontre des volontés, mais également à la formalisation du contrat.

Cet acte doit donc respecter les conditions de fond et de forme d’un contrat telles qu’elles ont été modifiées et élaborées par l’ordonnance du 10 février 2016 réformant le droit des contrats et obligations.

Pour parvenir à la régularisation d’un contrat, il faut naturellement un accord sur la volonté des parties qui est la condition nécessaire, suffisante et indispensable pour tout contrat.

Si l’achat d’un bien mobilier ne nécessite pas forcément un formalisme complexe en raison de sa faible valeur potentielle, il n’en est pas de même pour un immeuble considéré comme un investissement important, les caractéristiques de la vente étant par nature compliquées et nécessitant des informations ou des analyses juridiques précontractuelles.

C’est pourquoi, un achat immobilier nécessitera l’élaboration d’une offre précontractuelle et le consentement et l’accord des parties sur une prestation ensuite finalisée par l’acceptation de l’offre.

L’intervention déterminante de l’agent immobilier, mandataire du vendeur, consistera à obtenir du tiers qu’est l’acquéreur, une offre susceptible d’être acceptée par son mandant.

L’intervention et l’assistance de l’agent immobilier dans l’élaboration de l’offre est donc déterminante et essentielle pour parvenir à la rencontre des volontés.

Qu’est-ce qu’une offre ?

Il faut rappeler que le contrat est défini par le Code civil comme la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles, les parties manifestent leur volonté de s’engager.

Il faut donc une volonté non équivoque de conclure un contrat, en l’espèce, d’acquérir un immeuble, aussi, la première phase pour l’agent immobilier, lorsqu’un acquéreur est intéressé par l’acquisition d’un bien immobilier est de déterminer et d’obtenir une offre (ou pollicitation) naturellement, par écrit.

Quelles sont les caractéristiques de l’offre d’achat ?

La Jurisprudence antérieure à la réforme du nouveau droit des contrats de 2016 considérait que l’offre devait exprimer la volonté réelle de contracter de la part de son auteur, pour que l’acceptation ultérieure, forme le contrat.

Il faut donc un engagement ferme d’acheter, même si cette offre peut parfaitement être assortie de conditions (telles que la condition suspensive du recours à un prêt, ou consécutive à l’existence de travaux de moins de dix ans ou liée aux servitudes de l’immeuble en vente).

En pratique, lorsqu’il participera la rédaction d’une offre d’achat, l’agent immobilier devra par le choix de la terminologie employée, vérifier le caractère ferme de l’offre et veiller à ce que celle-ci comporte en elle-même la manifestation d’une volonté claire et déterminée de l’offrant.

Il faudra dans le choix du verbe employé à l’offre que l’offrant soit catégorique, tel que l’emploi des vocables :

« J’offre » et pas « je suis susceptible d’offrir ».

L’offre devra également être précise à la fois quant à la détermination de la personne à laquelle elle est destinée, mais également quant à la chose concernée et au prix.

Pour la personne à laquelle elle est destinée, il suffit de mentionner « au propriétaire du bien » suivi de l’adresse ou mieux encore de la désignation cadastrale.

En pratique, cette caractéristique n’est pas toujours mentionnée et cela peut poser des problèmes pratiques, la probabilité d’un conflit ou contentieux quant à la détermination du bien concerné par l’offre n’étant pas à exclure.

S’il existe plusieurs parcelles, notamment un chemin d’accès indivis ou diverses petites parcelles de terre issues de division antérieure, il sera indispensable de viser l’ensemble de celles-ci, sinon la validité de l’offre sera source de contestation, si le compromis ou la promesse de vente ultérieure ne comporte pas l’indication des mêmes coordonnées cadastrales.

L’offre devra donc contenir la détermination aussi précise que possible du bien dont l’acquisition est envisagée (adresse complète, consistance du bien, numérotation et contenance cadastral) permettant de déterminer avec précision le bien concerné par l’offre et son prix (avec l’indication du montant total de l’acquisition, frais d’agence inclus).

Il peut paraître utile que l’agent immobilier fasse préciser à l’offre que les frais d’actes et d’enregistrement s’ajouteront au prix proposé.

Lorsque l’offrant propose des conditions de paiement autres qu’au comptant, notamment au moyen d’un prêt immobilier, l’offre devra le préciser s’agissant d’un élément déterminant de l’engagement de l’offrant, l’agent immobilier devant demander à l’offrant de préciser les modalités de paiement qu’il envisage pour que le vendeur soit pleinement informé des conditions financières de l’offre.

En conclusion, pour que l’offre d’achat soit considérée comme ayant cette valeur juridique, il faut qu’elle soit impérative, dénuée d’ambiguïté et ne puisse présenter le caractère de simple intention d’engager des pourparlers.

Il faut noter concernant cette offre que le lieu où elle est finalisée est sans incidence puisque si la question s’est posée en jurisprudence de l’application de la législation sur le démarchage à domicile, la Cour de cassation a considéré en 2010 que la présentation d’une offre au domicile de ses mandants par l’agent immobilier n’était pas un acte de démarchage à domicile et qu’en conséquence, il n’y avait pas de délai de rétractation, pas plus du reste pour le vendeur que dans le cadre de la régularisation d’un compromis.

Quelles sont les conditions de validité d’une offre ?

Même si rien ne s’oppose à ce qu’une offre soit verbale, elle sera, en pratique, matérialisée par écrit, condition indispensable pour constituer une preuve de la matérialité et des conditions de l’offre.

Elle sera matérialisée généralement sous forme d’une correspondance ou d’un imprimé type sur un document pré établi à cet effet par l’agent immobilier, et doit naturellement être signé par le ou les offrants.

Le formalisme dépend des pratiques professionnelles de l’agent immobilier qui parfois impose la mention du prix proposé en chiffres et en lettres ou une mention manuscrite du type « bon pour offre », ou encore une offre entièrement manuscrite ce qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’exige.

Les conditions de forme sont libres et l’offre peut être établie par tout moyen, l’agent immobilier devant, par son intervention, veiller à ce que l’offre soit dénuée d’ambiguïté et permette d’aboutir à un accord explicite sur la chose et son prix.

Même s’il est le mandataire du vendeur et n’est pas lié contractuellement à l’offrant, il n’en demeure pas moins qu’à son égard, l’agent immobilier est susceptible d’engager sa responsabilité quasi délictuelle et doit s’il participe à l’élaboration de l’offre (hypothèse fréquente en pratique), apporter un concours efficace pour que l’offre soit exempte de tout vice ou toute incertitude.

L’offre doit-elle comporter une durée ?

Aucune disposition légale ou réglementaire ne l’impose.

Cependant, une fois l’offre effectuée, elle engage son auteur, même si celui-ci peut éventuellement la révoquer, tant que l’acceptation n’est pas intervenue.

Au XIXe siècle, la Jurisprudence considérait que l’offre devait être maintenue pendant un délai raisonnable, question d’appréciation par le Juge.

Si l’offre est effectuée avec la précision d’un délai comme terme de l’offre, la jurisprudence considère qu’elle doit être maintenue pendant toute la période qui précède cette échéance, la révocation étant constitutive d’une faute.

Inversement, lorsque le délai figurant à l’offre est expiré, l’offre devient immédiatement caduque.

En pratique, cette distinction ne présente pas véritablement d’intérêt, puisque l’offrant aura la possibilité de se rétracter après régularisation du compromis ou de la promesse de vente dans le cadre de son droit de rétractation légal.

C’est pourquoi, si une offre est retirée, l’acceptant éventuel n’a aucun intérêt à envisager un litige puisque l’offrant aurait eu la possibilité de se rétracter ultérieurement après notification de l’avant-contrat de vente et que même si une faute peut être retenue, aucun préjudice n’est encouru, les conditions de la vente n’étant ni parfaites, ni définitives.

Il vaut mieux immédiatement se libérer de l’engagement sur l’immeuble, le rendre libre de tout avant contrat et remettre celui-ci à la vente plutôt que s’arc-bouter sur une offre qui ne sera pas suivie d’effet.

Lorsque l’offre est émise sans précision du terme ou d’un délai pour l’acceptation, la jurisprudence considère qu’elle doit être maintenue pendant un délai raisonnable, pour permettre à son destinataire, d’examiner la proposition reçue et de se positionner, ce qui fait peser une incertitude sur la transaction envisagée, ce qui est contraire par nature à l’intérêt des parties.

En pratique, il s’agit à l’évidence d’une option à bannir, l’agent immobilier prenant soin de faire préciser le délai de l’offre lors de l’élaboration de celle-ci et ce d’autant plus, que prévoir un délai contraint le vendeur à se positionner rapidement et évite qu’il laisse courir un délai dans l’espoir de recevoir une seconde offre plus alléchante, pendant le délai de réflexion qu’il s’accorde.

Comment interviendra la rencontre des volontés ?

L’article 1583 du Code Civil prévoit que l’acceptation de l’offre suffit à rendre la vente parfaite.

L’acceptation est déterminée par l’article 1118 du Code civil qui prévoit que

« l’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre ».

En pratique, la simple apposition de la mention « bon pour accord » sur l’offre complétée de la date, suffit à matérialiser l’accord.

La première précaution pour l’agent immobilier est simplement de vérifier que la date de l’acceptation figure sous la mention apposée par le vendeur pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, quant au fait que l’acceptation a bien eu lieu dans le délai de l’offre.

Cette mention « bon pour accord » n’est pas exigée, s’agissant d’une pure pratique professionnelle, la simple signature par les vendeurs d’une offre d’achat précise et complète ayant été considérée comme valant acceptation de l’offre par des décisions de justice.

Il est également possible que l’acceptation soit effectuée par un acte distinct, tel qu’un courrier sur lequel le vendeur indique qu’il accepte la proposition de vente, mais une telle forme d’acceptation doit comporter au moins l’indication du bien et le prix proposé et n’être assortie d’aucune réserve, ni d’aucune condition, à défaut de quoi, il sera considéré que l’accord sur la chose manque de précision.

En pratique, le vendeur n’est pas forcément sur les lieux de la vente.

Dans cette hypothèse, l’acceptation de l’offre sera expédiée à l’offrant (par l’intermédiaire de l’agent immobilier en pratique).

Il faudra donc que celui-ci émette son acceptation par lettre recommandée ou tout autre moyen ayant date certaine, sachant que le contrat ne sera formé qu’à la date de la réception de l’accord par l’offrant.

L’agent immobilier devra donc être particulièrement vigilant sur les dates de validité de l’offre et de réception de l’acceptation de l’offre.

Si les conditions de l’acceptation sont remplies, le contrat est formé ce qui peut permettre à un des parties d’agir en réalisation forcée, si son cocontractant souhaitait revenir sur l’accord intervenu.

En pratique, il n’y a pas d’intérêt pour le vendeur d’envisager une telle voie à ce niveau puisque l’acquéreur dispose encore du délai de rétractation postérieur au compromis, et des précisions quant aux conditions suspensives qui peuvent figurer à l’offre et qui seront détaillées à l’avant contrat.

En conclusion, c’est l’acceptation de l’offre par le vendeur qui matérialisera l’accord des parties et vaudra conclusion de la vente.

Dans le cas, où l’accord matérialisé n’est pas remis en cause par les deux parties, l’agent immobilier transmettra au rédacteur du compromis, les termes de l’accord pour que les actes entérinant l’accord soient rédigés, à savoir le compromis ou la promesse de vente, puis l’acte authentique.

En conclusion et en pratique, l’agent immobilier, lors de l’élaboration de l’offre et la matérialisation de l’acceptation devra avoir une vigilance maximale puisque sa mission, à savoir une intervention déterminante dans la rencontre des volontés, sera terminée et aboutie par la réception de l’acceptation et lui permettra de prétendre avoir mené à bien son mandat et en percevoir la légitime rémunération.

Pascal Bellanger
Avocat au Barreau de Nîmes

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