1. Rappels préalables : le régime social et fiscal de l’indemnité transactionnelle.
L’indemnité transactionnelle perçue par le salarié suit un régime social et fiscal différent selon qu’elle porte sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail.
1.1. L’indemnité transactionnelle portant sur la rupture du contrat de travail.
Sur le plan social, celle-ci est exclue de l’assiette des cotisations, dans la limite d’un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (« PASS »), soit 82.272 euros pour 2022 (41.136 euros x 2).
La partie excédentaire est soumise à cotisations patronales et salariales, comme les salaires.
Par ailleurs, la partie qui excède le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est toujours soumise à CSG / CRDS, soit 9,7% au total, à la charge du salarié.
Enfin, lorsque l’indemnité transactionnelle dépasse 10 fois le PASS (soit 411.360 euros en 2022), elle est soumise à cotisations sociales dès le premier euro.
Sur le plan fiscal, l’indemnité transactionnelle est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite suivante (la plus haute est retenue) :
Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de six fois le PASS (246.816 euros en 2022) ;
Soit 50% du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur, toujours dans la limite de six fois le PASS ;
Soit le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi, et ce sans limite.
1.2. L’indemnité transactionnelle portant sur l’exécution du contrat de travail.
A titre préalable, soulignons que la transaction conclue au cours de l’exécution du contrat de travail peut avoir pour objet de régler un litige relatif à :
des éléments de salaire : heures supplémentaires, primes diverses, indemnité de non-concurrence… ;
une souffrance physique ou psychique (au sens du « pretium doloris ») : harcèlement moral ou sexuel, préjudice lié à une situation de souffrance au travail, à la violation du droit au repos…
Or, c’est la nature de l’élément réparé par l’indemnité transactionnelle qui détermine son régime social et fiscal.
Sur le plan social, les sommes versées en exécution des transactions conclues avec les salariés constituant un élément de rémunération versé en contrepartie ou à l’occasion du travail entrent dans l’assiette des cotisations et contributions [1].
A l’inverse, si l’indemnité transactionnelle a pour objet de réparer un préjudice dénué de tout caractère salarial, elle n’a pas à être assujettie aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de sécurité sociale.
Il en résulte que les sommes versées par l’employeur pour indemniser le salarié victime d’un préjudice physique, psychique, psychologique, moral, d’image, etc., ne doivent pas se voir appliquer de cotisations, contributions, de CSG et de CRDS, etc.
Sur le plan fiscal, les dommages-intérêts versés au salarié en réparation d’un préjudice lié à l’exécution du contrat et n’ayant aucun lien avec un élément de salaire ne sont pas visés par les articles 79 à 81 quater du Code général des impôts (CGI).
Pour rappel, ces articles définissent le revenu imposable et sont compris dans un § V du CGI intitulé « V : Traitements, salaires, pensions et rentes viagères [2] ».
Par exception, il résulte de l’article 80 du CGI que sont imposées comme des traitements et salaires les indemnités, au-delà d’un million d’euros, « perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice ».
En conclusion, l’indemnité allouée au salarié en raison d’un préjudice subi lors de l’exécution du contrat de travail n’est pas imposable, sauf si elle a la nature d’un élément de salaire.
2. La solution de l’arrêt du 17 février 2022.
Dans une décision très claire, la Cour de cassation considère que l’indemnité transactionnelle peut être exonérée de cotisations sociales compte tenu de sa nature. L’administration adopte d’ailleurs la même position.
2.1. Les faits.
Dans cette affaire, deux salariés signent, avec leur employeur, une transaction prévoyant le versement d’une indemnité en contrepartie de laquelle ils renoncent
« irrévocablement à la demande de résiliation judiciaire de leurs contrats de travail et à ses conséquences et à réclamer à leur employeur tous chefs de demande, avantages en nature ou en espèce de quelque sorte que ce soit et notamment des indemnités et paiements divers consécutifs à l’exécution ou à l’éventuelle rupture des relations de la société (rappels de salaire, avantages individuels, primes diverses, heures supplémentaires, jours RTT, indemnités de préavis et de licenciement, congés payés, avantage en nature, frais professionnels, droits au DIF, indemnités de toute nature, sans que cette liste soit exhaustive) ».
La Société fait l’objet d’un redressement Urssaf, les contrôleurs estimant que le caractère exclusivement indemnitaire des montants transactionnels n’est pas établi.
La Cour d’appel de Caen [3] annule le redressement, considérant que le litige porte sur l’indemnisation de préjudices résultant du non-respect des temps de repos du forfait-jours et des règles relatives aux congés payés, c’est-à-dire à l’indemnisation d’un préjudice résultant de la violation d’obligations impératives de l’employeur portant sur le droit à la santé et au repos.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt, relevant que les juges ont fait ressortir « la commune intention des parties d’indemniser les salariés des conséquences du manquement de l’employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail ».
Cette décision est intéressante, dans la mesure où les praticiens hésitent souvent à exonérer l’indemnité transactionnelle.
Pourtant, l’administration, elle-même, admet cette solution.
2.2. Position de l’administration.
Le bulletin officiel de la Sécurité sociale (« Boss ») [4] énonce que :
« en dehors des indemnités pouvant être exclues de l’assiette des cotisations et contributions sociales dans les conditions prévues par la loi, une somme représentative de dommages-intérêts indemnisant un préjudice (moral ou personnel) autre que la perte de salaire peut dans certains cas être exclue de l’assiette des cotisations, lorsque l’employeur apporte la preuve qu’elle concourt, pour tout ou partie de son montant, à l’indemnisation d’un préjudice résultant de la rupture du contrat de travail du salarié. Il en va ainsi lorsqu’une décision de justice constate la réalité de ce préjudice et considère que les sommes versées constituent des dommages-intérêts ».
Le Boss vise l’indemnisation d’un préjudice résultant de la rupture du contrat de travail mais la solution est similaire pour le préjudice subi pendant l’exécution du contrat de travail.
En effet, dans les deux cas, l’exercice consiste à prendre en considération l’élément réparé par l’indemnité transactionnelle.
Le site Internet de l’Urssaf (urssaf.fr) prévoit la même solution :
« En aucun cas, l’Urssaf n’est compétente pour se prononcer sur le fond, la forme ou la validité d’une transaction. Ce pouvoir appartient exclusivement aux juges du fond.
Toutefois, la qualification que les parties à la transaction donnent aux sommes versées n’est pas déterminante.
Il en résulte que pour distinguer les sommes qui ont un caractère indemnitaire de celles qui ont le caractère de rémunération, le sens et la portée de la transaction peuvent être recherchés :
à partir des termes mêmes du document transactionnel ;
mais aussi à partir des éléments extérieurs à cette transaction (circonstances de fait, relations entre les parties…).L’Urssaf est ainsi compétente pour rechercher si l’indemnité transactionnelle versée correspond à une ou plusieurs indemnités susceptibles d’être exonérées, ou bien s’il s’agit d’éléments de salaire soumis à cotisations ».
Exonéré de cotisations, l’indemnité transactionnelle présentant les caractéristiques de celle visée dans l’arrêt du 17 février 2022 ne doit, par ailleurs, pas être assujettie à l’impôt sur le revenu (cf. § 1.2).