Alors que le Code du travail (Article R1454-29) prévoit au maximum un mois pour les départages du Bureau de jugement et du Bureau de conciliation (et 15 jours pour les affaires en Bureau de référé), la Cour de cassation estime que cette mesure n’est pas prescrite à peine de nullité (cf. Cour de Cassation, Chambre sociale, du 6 octobre 1977, 76-40.783, Publié au bulletin) et dans les faits, il s’agit plutôt, à Paris, de 18 mois pour les affaires au fond ; la longueur de la procédure prolonge donc, pour le salarié, les affres de l’attente et retarde d’autant le versement des sommes qui lui sont dues, alors même qu’il a été possiblement licencié et demeure sans grandes ressources et souhaite « tourner la page » au plus vite.
On examinera donc ce que peut faire le salarié quand il est renvoyé en départage ; et ce que peut faire le conseiller prud’homal, d’une part pour en limiter la récurrence, d’autre part pour en limiter les effets.
I. Le salarié.
Un constat rapide montre que le salarié ne peut malheureusement pas faire grand-chose, et que les voies possibles créent plus de problèmes qu’autre chose (1), sont insatisfaisantes (2), ont peu de chances de fonctionner (3), ne résolvent pas grand-chose (4).
Il est à noter que l’appel immédiat ne fonctionne bien sûr pas en cas de départage total ; en effet, la décision constatant le partage de voix sur la totalité des demandes et renvoyant devant le juge départiteur est une décision avant dire droit insusceptible d’appel, ce « n’est pas une décision sur le fond du litige » [1].
A) Le désistement d’instance.
La première possibilité est de se désister de l’instance, en laissant bien sûr subsister l’action [2] pour réassigner ; l’argument qui interdit à une partie de se désister après la clôture des débats [3], outre le fait qu’il y a eu revirement de jurisprudence [4], n’est pas recevable ici : en effet, le juge départiteur s’intégrant à la juridiction, les débats sont automatiquement rouverts [5]. Toutefois, elle n’est mentionnée que pour la forme, puisqu’elle est soumise à l’acception du défendeur [6], elle entraîne une hausse des honoraires, elle prive de l’effet interruptif de la prescription de la première saisine [7], elle fait perdre tout le temps qui a été consacrée entre l’assignation et le délibéré renvoyant en départage, et enfin à l’issue de la seconde instance, l’issue peut être la même (un départage de nouveau). Bref, à oublier.
B) La transaction.
La deuxième possibilité est de chercher à transiger avec la partie adverse ; si cela a l’avantage de réduire les délais, il est clair que l’employeur risquera de profiter de la situation précaire du salarié pour lui proposer une transaction au rabais. Par ailleurs, en cas de transaction, le salarié n’aura généralement pas gain de cause sur la nature de la rupture du contrat de travail (par exemple, si le salarié avait assigné pour obtenir la requalification de sa prise d’acte en licenciement, il est fortement à craindre que l’employeur se borne à proposer une indemnité transactionnelle, dont l’acceptation interdira au salarié de percevoir le chômage). En outre, se posera alors la question de la nature des sommes versées dans cette transaction, avec de possibles conséquences sur les cotisations sociales et prélèvements fiscaux.
C) L’appel-nullité.
La troisième possibilité serait d’interjeter un appel nullité en faisant valoir que le délai de justice imposée constitue une violation de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et donc un excès de pouvoir ; cet argumentaire a déjà été accueilli [8], mais il semble bien que cette voie ne soit plus ouverte par revirement de jurisprudence [9]. En outre, une objection pratique se poserait de toute manière : la date de départage n’est annoncée généralement que très longtemps après l’annonce du partage de voix, et donc dans l’ignorance de cette date, le salarié ne peut pas réellement alléguer le délai excessif puisque celui-ci est inconnu.
D) Le déni de justice.
Enfin, la quatrième possibilité est d’engager la responsabilité de l’Etat pour déni de justice, mais il n’en demeure pas moins que la somme versée ne compensera probablement pas le préjudice [10] et que cette condamnation nécessite une nouvelle procédure et probablement de nouveaux frais dépensés (honoraires d’avocat) ; et de toute manière en attendant, cela ne règle pas le problème des délais car cette condamnation intervient généralement après la décision finale du Conseil.
Mais, si le salarié n’y peut pas grand-chose, peut-être le conseiller prud’homal peut-il agir ?
II. Le conseiller prud’homal.
A) La réduction de la récurrence.
1) Un débouté total.
La solution la plus radicale est parfois explicitée par des conseillers prud’hommes salarié : accepter de débouter purement et simplement le salarié de ses demandes, même justifiées, pour que le salarié puisse aller en appel plus rapidement.
A première vue, cette décision ne serait pas si stupide ; prenons ainsi un salarié, M. X, assignant son employeur à Paris pour réclamer une très grosse somme, dont l’importance du montant fait que le Conseil pressent qu’il y a un fort risque d’appel.
Si le Conseil des prud’hommes le déboute directement, il fera alors appel et il pourra percevoir les sommes dues deux ans après.
Si le Conseil des prud’hommes le renvoie en départage, il obtiendra la condamnation de l’employeur au bout de 18 mois. Gagnerait-il six mois ? Toutefois, compte tenu de la spécificité de l’exécution provisoire de droit en ce qui concerne les prud’hommes [11], il ne pourra pas forcément percevoir l’intégralité de la condamnation tout de suite si appel d’une des parties (à moins que le juge départiteur ne prononce l’exécution provisoire totale [12]) ; par ailleurs, en cas d’appel, M. X pourra craindre une infirmation du jugement et donc par prudence devra conserver les sommes sans pouvoir les dépenser.
Ainsi, M. X pourrait être favorisé question délai par un débouté ; en outre, cette décision pourrait être complétée par, si le président est un conseiller salarié, une rédaction subtile du jugement qui ferait comprendre que les arguments étaient convaincants et que le débouté ne reposait sur aucun motif valable en droit [13].
Toutefois, il apparaît à seconde vue que cette manière de faire n’est pas satisfaisante ; elle revient à priver un salarié du double degré de juridiction contre son gré, le débouter alors qu’il est dans son bon droit, et soit à rendre une décision apparemment justifiée (avec des arguments d’une parfaite mauvaise foi), décourageant le salarié de faire appel, soit rendre une décision de justice aberrante où le dispositif (déboutant le salarié) viendrait contredire la discussion (qui lui donnait plus ou moins explicitement raison) ; en outre, cela ne ferait que donner du grain à moudre à ceux qui critiquent le Conseil des prud’hommes pour la rédaction de ses jugements et le taux d’infirmation, effectivement pas négligeable, de ses décisions.
Il est aussi possiblement à craindre que le salarié, écœuré, abandonne toute idée d’appel, ou que celui-ci, pour diverses raisons, soit irrecevable (par exemple une erreur de l’avocat), laissant ainsi impunie la société et contraignant le salarié, s’il veut être payé, à engager une troisième procédure, cette fois-ci contre l’avocat, au titre de la perte de chance occasionnée.
Un cas où il peut néanmoins être envisagé sérieusement de suivre les conseillers employeur est par exemple un cas de demande de renvoi de l’affaire de la société à un BJ pour une autre audience ; un renvoi d’audience, c’est cinq ou six mois à Paris, c’est parfois peut-être mieux que de se s’arcbouter (même si l’on estime la demande de renvoi infondée) pour défendre le droit, tomber en désaccord et infliger 18 mois d’attente au salarié plutôt que six mois [14].
2) Une réduction des quanta.
En revanche, il ne sera pas interdit, surtout sur des demandes où le bien-fondé a été reconnu mais que le montant est laissé à l’appréciation souveraine du juge (par exemple des dommage et intérêts pour harcèlement moral, ou une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), et si le désaccord entre conseillers concerne un montant minime par rapport à ce qui a été « validé » par les conseillers, et si d’autre part la situation financière du salarié est réellement préoccupante, d’accepter de céder légèrement sur le montant, quitte à ce que le salarié, assisté de son avocat, interjette appel pour obtenir « un peu plus ».
Dans deux situations, il convient néanmoins de faire preuve d’une extrême prudence :
La première est si le salarié se présente seul à la barre, ou assisté d’un défenseur syndical.
Il est donc à craindre qu’il ne fasse de toute manière pas appel, pour s’épargner les honoraires d’un avocat (parmi les défenseurs syndicaux, très peu font de l’appel). Une décision le lésant de ses droits risque de devenir définitive.
La deuxième est si le salarié a formulé des demandes conduisant à une décision en dernier ressort, dans ce cas, céder, même un peu, sur un chef de demande où le juge statue souverainement, sera irrémédiablement pénalisant puisqu’il ne pourra rien obtenir de plus par la cassation, la Cour de cassation n’exerçant normalement pas de contrôle dessus. Paradoxalement, les « petites » affaires insusceptibles d’appel sont les demandes où le conseiller prud’homal doit faire le plus attention !
3) Autres arguments à présenter.
Le conseiller prud’homal salarié a néanmoins une (faible) carte à jouer ; rappeler que, devant le juge départiteur, de nouvelles demandes peuvent être ajoutées [15], sous réserve d’un lien suffisant avec les demandes initiales [16] ; vu que le demandeur est à plus de 99,9% un salarié, le départage fait courir un léger risque à l’employeur de faire face à des demandes additionnelles, ce qui pourrait légèrement inciter le conseiller employeur à faire un effort pour éviter le départage.
D’autres arguments pourraient aussi être évoqués : ne pas laisser la société dans l’expectative sur l’étendue des condamnations auxquelles elle pourrait faire face, donner l’image d’une juridiction efficace et diligente…
4) Focus sur les mesures d’instruction ordonnées en départage.
Le bureau de départage est tout à fait fondé à prononcer des mesures d’instruction.
Celles-ci risquent-elles de retarder excessivement l’issue du litige ? La jurisprudence antérieure [17] voulait que l’affaire, une fois réalisées les mesures, fût renvoyée devant le bureau de jugement en formation normale ; toutefois, plus récemment, il a été jugé [18] que la formation de départage restait saisie, nonobstant les mesures d’instruction décidées et effectuées, jusqu’au prononcé d’une décision sur le fond ; c’est heureux, car un renvoi en BJ post mesures d’instruction suivi d’un nouveau renvoi probable en formation de départage pourrait coûter à Paris deux ans de plus au salarié (six mois pour le BJ, 18 mois pour le départage) en sus des deux ans initiaux.
B) La réduction des effets.
1) Le principe du départage partiel.
Une autre piste réside dans le départage partiel : le Conseil des prud’hommes décide de trancher à la majorité une partie des demandes de manière motivée [19], et de renvoyer au juge départiteur le reste. Il y a donc deux décisions, et le Bureau de jugement présidé par le juge départiteur n’est saisi que des demandes sur lesquelles il n’avait pas pu se mettre d’accord [20]. La voie de recours offerte dépend uniquement de la qualification (en premier ou dernier ressort) de l’ensemble des demandes initiales [21] et non des demandes déjà tranchées ou qui restent à trancher.
2) Les avantages du départage partiel.
Cette solution présente un certain nombre d’avantages qui ne sont pas négligeables :
a. Premier avantage : être fixé sur une partie des demandes.
Le salarié peut donc profiter immédiatement d’une partie des sommes dues ; pourront lui être accordées les demandes les plus incontestables. Les demandes au contraire manifestement infondées seront rejetées, ce qui permettra au salarié de savoir davantage à quoi s’en tenir et ne plus espérer de telles sommes, et à la société de ne plus craindre (sauf recours) une telle condamnation
b. Second avantage : effet dévolutif de l’appel.
Mais surtout, il sera loisible à chacune des parties d’interjeter appel, non seulement sur les chefs de demande qui auront été tranchés par le Bureau de jugement, mais aussi de profiter de l’effet dévolutif de l’appel en soumettant la totalité des demandes y compris celles faisant l’objet du renvoi en départage, ce qui permettra ainsi de raccourcir les délais [22].
Ainsi, il pourra être paradoxalement profitable au salarié d’être débouté sur une de ses demandes, ce qui lui permettra, s’il le souhaite, de pouvoir accélérer les choses et porter l’affaire directement devant la cour d’appel, perdant certes un degré de juridiction mais lui faisant gagner du temps.
Il pourra bien sûr être loisible au salarié (ou à la société…) de se contenter également d’un appel limité aux chefs de demande tranchés par le Bureau de jugement, selon ce qu’il préfère, et ainsi d’attendre la décision du Bureau de jugement présidé par le juge départiteur sur le reste, notamment pour bénéficier d’un double degré de juridiction.
3) Les inconvénients du départage partiel.
Cette solution, quoique intéressante, a néanmoins ses limites et présente des inconvénients à ne pas sous-estimer.
a. Doit être admis dans son principe.
Il faudrait déjà qu’elle ne soit pas refusée par principe par les conseillers [23]. Il faut reconnaître aussi que, si un collège estime fondées des demandes que l’autre collège rejette, on puisse comprendre qu’il ne souhaite pas forcément ne renvoyer que ces demandes devant le juge départiteur en acceptant le rejet des demandes que tout le monde considère comme infondées, il aurait l’impression de se « faire avoir » et ainsi il souhaitera sanctionner la « mauvaise foi » qu’il pourrait déceler chez l’autre. En revanche, un jugement faisant droit à certaines demandes du salarié, en rejetant d’autres et renvoyant le reste en départage serait probablement davantage admis.
b. La question de l’intérêt à agir.
Cela pose aussi la question de l’intérêt à agir : si le bureau de jugement se borne à trancher sur une seule des demandes du salarié en lui octroyant le montant demandé en totalité, l’appel du salarié risque-t-il d’être irrecevable pour manque d’intérêt à agir [24] ?
Un arrêt [25] semble répondre à la question par la négative en admettant sans discussion la recevabilité d’un appel d’une société A alors que le jugement initial du Bureau de jugement, qui n’avait prononcé aucune condamnation à son encontre, s’était borné pour l’essentiel à mettre hors de la cause une société B et à débouter le salarié de ses demandes contre B, société B contre laquelle A n’avait formulé aucune demande, et donc A n’avait aucun intérêt à agir contre cette mise hors de cause de B ou contre le rejet des demandes du salarié contre B [26] ; on nuancera en soulignant que le juge n’a aucune obligation, mais seulement la faculté, de relever le défaut d’intérêt à agir [27], et dans cet arrêt d’appel, le point n’avait pas été soulevé.
c. Une décision de jugement plus compliquée à rédiger et comprendre.
En outre, cela complexifie la rédaction du jugement du Conseil des prud’hommes ; par exemple, si le Conseil des prud’hommes reconnaît le caractère irrégulier du licenciement mais est en désaccord sur le caractère réel et sérieux du licenciement, comment accorder une indemnité pour irrégularité de procédure alors que celle-ci n’est pas cumulable avec l’éventuelle indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Si quelqu’un est licencié pour faute lourde et qu’il sollicite à titre principal a nullité de son licenciement, et que le Conseil est d’accord pour estimer qu’il n’y a ni faute lourde ni nullité de licenciement (il hésite entre le licenciement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement pour faute « simple » et le licenciement pour faute grave), comment être sûr de bien rédiger le jugement pour qu’il n’y ait pas débat et que cela ne nécessite pas une requête en interprétation qui irait à l’encontre d’un des buts voulus du départage partiel, à savoir réduire les délais ?
d. Une suite procédurale plus complexe.
Par ailleurs, en raison des complexités procédurales qu’elle comporte, elle est dangereuse à prononcer contre un salarié se défendant seul ou assisté d’un défenseur syndical (ou d’un avocat…) inexpérimenté ; en effet, si le salarié, mal conseillé, ne fait pas appel immédiatement sur les demandes tranchées par le Bureau de jugement et ensuite veut faire appel sur le tout, une fois obtenue la décision du Bureau de jugement présidé par le juge départiteur, l’intimée risque de lui opposer la forclusion de l’appel sur les demandes tranchées initialement auxquelles le BJ n’aurait pas fait droit [28].
Les difficultés procédurales peuvent même être aggravées par les différentes actions d’une partie [29].
De même pour ces raisons, si les demandes conduisent à un jugement en dernier ressort, cela impliquerait donc possiblement deux pourvois en cassation (l’un sur le jugement initial, l’autre sur le jugement de la formation de départage), qui plus est sur des montants faibles, qui risquent de ne jamais être effectués par le salarié, faute de moyens.
De plus, en cas d’appel immédiat sur la première décision de BJ puis en cas d’appel ensuite sur la décision finale, cela fait donc deux instances d’appel, donc plus de travail et plus de possibilité de se tromper. S’il est certes toujours possible de solliciter une jonction d’instance, celle-ci n’est pas toujours accordée [30] et la décision sur la jonction, mesure d’administration judiciaire, n’est susceptible d’aucun recours [31]. Par ailleurs, une jonction d’instance de deux recours où le salarié comme la société sont une fois appelant et une fois intimé peut aussi provoquer des difficultés.
Enfin, il faut bien aussi admettre que les cours d’appel ne sont pas forcément familières du principe de départage partiel, comme en témoignent deux cours d’appel dans deux arrêts refusant d’examiner les griefs non encore tranchés par la formation de départage [32], la deuxième [33] allant jusqu’à prononcer un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la formation de départage sur les points non encore tranchés !
4) La disjonction d’instance.
Le bureau de départage peut aussi décider d’office de disjoindre l’affaire en séparant ce qui fait l’objet d’un consensus (première affaire) de ce qui doit être renvoyé en départage (deuxième affaire). Toutefois, il faut veiller à ce que des points de la première affaire ne dépendent pas des points de la deuxième. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une panacée, cela permet au mieux de clarifier peut-être la situation et éventuellement bien faire ressortir qu’il y a deux décisions, mais les effets sont très similaires au départage partiel ; l’idée peut néanmoins être retenue au cas où un des conseillers serait réfractaire à l’appellation ou au principe de départage partiel mais pas quant à ses conséquences.
Conclusion : dans l’état actuel du droit, il n’y a pas vraiment de remède contre le problème sérieux que pose le renvoi en départage ; on a au mieux des pis-aller, notamment le départage partiel qui, en dépit de ses réelles limites, gagnerait à être mieux connu et, dans certains cas précis, davantage appliqué. Enfermer les conseillers prud’homaux au pain sec et à l’eau, comme on le faisait pour les cardinaux n’arrivant pas à se mettre d’accord lors des conclaves [34], risquant d’être considéré comme une mesure quelque peu radicale et désuète et donc pas souhaitable, et l’échevinage (pour rappel, même la formation de départage n’est pas une formation échevinée [35]) n’étant bien sûr pas la solution (si les juges du TJ ne sont pas assez nombreux pour assurer un départage rapide, ce sera pire si on leur demande d’assurer une présence systématique à l’audience), on se bornera donc par terminer cet exposé par la banalité la plus terre-à-terre [36] : solliciter plus de moyens (en l’occurrence plus de juges départiteurs) pour que les délais fixés par les textes soient réellement respectés.
Discussions en cours :
Cet article bien rédigé et bien documenté pose de vraies questions techniques.
Il a été admis au grand jour, par des conseillers prud’homaux salariés, lors d’un débat organisé par le SAF et la CGT, à la Bourse du travail de Paris, il y a quelques années, que ces conseillers déboutaient systématiquement les demandes portant sur les discriminations syndicales ( y compris des demandes issues de militants syndicaux de même obédience ) car ces conseillers savaient que ces demandes finiraient de toutes façons devant la Cour d’appel, au grand désespoir des avocats défendant les salariés.
Cela pose quand même la question des délais de justice, point sur lequel notre pays est régulièrement condamné pour délai non raisonnable : https://www.dalloz-actualite.fr/flash/delai-raisonnable-caractere-excessif-de-duree-d-une-instruction#:~:text=Condamnation%20de%20la%20France%20pour,dépassement%20du%20«%20délai%20raisonnable%20».
Les rédactions subtiles de jugements sont aussi des armes très efficaces pour les salariés déboutés en premier ressort.
Parfois, il vaut mieux pragmatiquement plier comme le roseau que défendre, arc-bouté, des principes qui n’apportent rien au salarié.
Quant aux audiences de départage, toute absence d’un conseiller ( le plus souvent un employeur ) devrait donner lieu à une sanction contre celui-ci.
Bonsoir,
Merci pour votre apport d’expérience !
C’est toute la question des délais vis -à-vis du reste : faut-il rendre la justice comme un pied pour abréger les délais et que le salarié puisse aller en appel sans trop traîner ? Comme je l’explique dans cet article, je suis plus que réticent.
Rq : vous parlez de "jugement minoritaire". Chez nous, on parle de jugement dit ouvert : peu d’éléments juridiques, ce qui permet à la partie de critiquer plus facilement la décision, par rapport à un jugement fermé, où il y a plus d’éléments juridiques et donc moins de marge de manoeuvre pour critiquer.
Pour le premier message : j’ai tapé une réponse qui s’est effacée, j’ai réécrit une réponse qui manifestement n’a pas été validée, donc dernière tentative et puis après je laisse tomber : les conseillers salariés sont déjà incités, par le facteur temps, à faire preuve de bonne volonté dans le délibéré, puisqu’ils savent que le départage retardera le versement des sommes dues au salarié pendant 18 mois. Les conseillers employeurs n’ont aucune incitation à ne pas aller en départage, sauf s’ils pressentent que le juge départiteur condamnera la société plus lourdement que ce que les conseillers salariés proposent. Par conséquent, si le juge départiteur condamne au minimum, les conseillers employeurs sont doublement incités (temps + argent) à aller en départage ; si le juge a pour unique motivation de restreindre le départage, il ferait mieux de faire comprendre qu’il va condamner au maximum : ainsi, les conseillers employeurs ne voudront pas aller en départage (question argent), les conseillers salariés ne voudront pas aller en départage (question temps). Maintenant, je pense et j’espère que le juge est là pour juger en droit, pas pour dissuader aux conseillers d’aller en départage, et s’il ne veut pas juger en départage, il demande une mutation et puis voilà.
Bonsoir Mr Lamy
article intéréssant mais qui manque de sources et de précision
Vous écrivez que si il y a départage et condamnation de l employeur en départage, cette condamnation interviendra ...18 mois plus tard ; d ou vient cette affirmation ? sur quelle base ? est ce toujours 18 mois et pourquoi 18 mois ?
merci
C.G
Bonjour Mme Genet,
J’aurais pu effectivement être un peu plus précis quand j’écrivais "il s’agit plutôt, à Paris, de 18 mois pour les affaires au fond".
cette durée est une moyenne approximative
valable uniquement pour la section Encadrement au CPH de Paris
Ce n’est pas une durée stricte et rigoureuse de pile 18 mois, c’est une estimation de la durée moyenne, à la (très) grosse louche, entre la décision de départage et l’audience de départage à Paris sur les affaires au fond.
Cette durée varie, les extrema que je connais sur un échantillon somme toute fort limité d’affaires de la section Encadrement sont de 10 et 20 mois.
Ainsi :
Espérant vous avoir éclairé
bonjour,
merci pour votre article au demeurant assez complet.
Deux observations valant complément :
1) la voie de recours devant la CEDH peut être envisagée et la Cour est plus généreuse en termes d’indemnité.
2) le tarif au Tribunal judiciaire de Paris est de 200 €/mois de retard, déduction à faire des délais "normaux" pour procéder à la mise en état des dossiers devant le CPH. D’emblée, l’agent du Trésor déduit 6 mois.
dans un cas récent dont je me suis occupé j’’ai pu obtenir une indemnisation pour une procédure qui a duré 5 ans devant le CPH de paris.
donc, avis à ceux qui veulent s’engager dans la procédure.
Cordialement
On sait déjà que se coltiner les subtilités, affres et chausse-trappes de la procédure prud’homale, c’est comme pour un étranger ne parlant pas la langue prétendre pouvoir traverser Paris sans plan. Et ici, le propos concerne justement le Conseil de prud’hommes de Paris !
Un angle que l’auteur de ce riche retour d’expériences n’aborde pas c’est ce que pourra être l’attitude et la stratégie du juge départiteur pour limiter ou décourager son intervention.
Si la querelle entre les conseillers prud’hommes ayant mené au départage (total sinon rien bien sûr) ne repose que sur la seule question du montant de l’indemnité en monnaie sonnante et trébuchante à accorder, le magistrat professionnel sera tenté de faire sien des dommages et intérêts a minima. C’est en effet le seul moyen de décourager les conseillers de renvoyer des affaires devant lui et ainsi de les pousser à se mettre enfin d’accord vaille que vaille au cours d’un délibéré qui tourne trop souvent au marchandage.
Car s’il devait y avoir une prime au départage pour le salarié, les conseillers du même collège ne bouderaient évidemment pas leur satisfaction et la conséquence ne serait pas qu’il y ait moins de départages mais davantage encore !
Tandis que si le magistrat professionnel dissuade en n’accordant pas un euro de plus, il aura davantage l’assurance qu’il n’y ait pas inflation de départages au sein du Conseil de prud’hommes dans lequel il officie avec difficultés, ayant déjà bien du mal à écouler le flot des affaires.
La juridiction du travail conserve un petit air de « lutte des classes ». Il y a ce qu’on voit, ce qui est traduit dans la procédure, les codes, les lois… Et ce qui se passe dans le secret des délibérés.
Patrick LE ROLLAND
Auteur de « Les prud’hommes pour les nuls »
Editions First.
Bonjour
Ah, j’ai perdu mon commentaire que j’étais en train d’écrire, il a disparu...
Bon, je reprends en résumant :
Les conseillers employeurs sont déjà "incités" à aller en départage, parce que cela fait gagner du temps, tandis que les conseillers salariés sont déjà incités à ne pas y aller s’ils ne veulent pas que le salarié attende 18 mois.
Par conséquent, si le juge départiteur ne veut pas être trop sollicité, il ferait mieux de condamner vers le haut de la fourchette.
En effet, s’il condamne au minimum, un conseiller employeur de mauvaise foi pourrait renvoyer systématiquement en départage ; il gagnerait ET sur l’aspect temps ET sur l’aspect argent.
J’ai été nommé en décembre 2022, je viens tout juste de commencer à siéger, je n’ai donc pas siégé en départage.
Bonne soirée et merci pour votre message