On a beaucoup parlé des conséquences liées à l’actuelle crise sanitaire, tant au niveau financier que social ou de la sécurité publique et sanitaire en général.
Mais ces spéculations ou hypothèses à moyen et long terme commencent à se concrétiser dès à présent dans notre société, et notamment en France où certaines pratiques criminogènes étaient fortement répandues parmi nous avant cette crise.
On a déjà exposé le développement en hausse de faux testaments olographes, ainsi que de la fraude aux assurances sur le premier volet de cet article. Mais à cette tendance vient s’ajouter une nouvelle vague, la cession frauduleuse de véhicules concernant les citoyens récemment décédés, par usurpation de leurs identités, et grâce notamment à l’imitation de signatures sur les formulaires de cession et les cartes grises.
La tendance actuelle de dématérialisation de procédures administratives veut que certaines démarches puissent se faire sur internet, sans présence physique ni prise de rendez-vous.
Si bien ces procédés facilitent et accélèrent la relation des citoyens avec les différentes administrations publiques, certains individus en profitent pour s’enrichir frauduleusement, sachant que le contrôle interne de ce genre de démarches est normalement limité, et souvent inexistant, notamment en ce qui concerne la vérification d’identité des déclarants, présumée justifiée par une photocopie de la pièce d’identité jointe au dossier de demande.
Dans le cas précis de la cession de véhicules sur internet, il suffit de remplir le formulaire CERFA 15776*01, comportant le certificat de cession d’un véhicule d’occasion, se procurer une photocopie de la carte nationale d’identité du propriétaire ainsi que de la carte grise, et imiter sa signature sur les deux documents, pour lancer ensuite la procédure de cession du véhicule en ligne, sur le site de l’ANTS.
Les individus habitués à ce genre d’activité criminogène savent que la signature n’est quasiment jamais authentifiée par le fonctionnaire chargé de valider la cession.
La présence de la copie de la pièce d’identité dans le dossier suffirait pour constater la volonté de cession du titulaire. Or, l’expérience et l’histoire de cette procédure administrative nous montrent que ce n’est pas toujours le cas.
Faire authentifier une signature d’origine douteuse.
Ils sont nombreux les héritiers à découvrir la cession d’un véhicule, peu avant ou juste après le décès du titulaire, ce qui semblerait en principe suspect, et notamment dans les successions ou il existe une déclaration de dernières volontés.
Lorsqu’on a affaire à un formulaire de cession d’un véhicule d’origine douteuse ou suspecte, il ne faut pas hésiter la faire vérifier les signatures du cédant par un expert en écritures et documents, agréé auprès des tribunaux. Cette démarche est souvent gratuite ou très peu onéreuse, permettant aux héritiers soit d’en avoir le cœur net, soit de confirmer leurs soupçons d’imitation des signatures, d’usurpation d’identité et de cession frauduleuse d’un véhicule.
Apposer sa signature sur un document équivaut en droit civil à donner son accord, ainsi que son consentement sur l’ensemble de conditions et de clauses conformant le document.
Une falsification de signature équivaut à l’absence de cet accord, de ce consentement de la part du titulaire, rendant nul ce document.
La notion de faux et usage de faux est recueillie dans la rédaction de l’article 441.1 de notre Code pénal. Elle est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amande.
Par ailleurs, l’article 441.6 nous rappelle que se faire délivrer indûment par une administration publique ou par un organisme chargé d’une mission de service public, par quelque moyen frauduleux que ce soit, un document destiné à constater un droit, une identité ou une qualité au à accorder une autorisation est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30. 000 euros d’amende. Cette définition serait valable pour la carte grise obtenue suite à la falsification de la signature du titulaire légitime sur l’acte de cession, car elle atteste d’une propriété transférée à l’acquéreur.
Comment faire authentifier une signature douteuse sur la déclaration de cession d’un véhicule.
Le protocole utilisé par les experts en écritures et documents est très simple.
L’expert graphologue aura besoin dans tous les cas d’un certain nombre de signatures authentiques de référence, d’origine connue et incontestable, et contemporaines en date à la déclaration douteuse de cession du véhicule.
Le nombre de signatures de référence nécessaires dépend du niveau d’homogénéité des spécimens soumis à l’expert graphologue. Si bien une seule signature pourrait suffire pour authentifier la déclaration douteuse et la carte grise, plusieurs spécimens seront nécessaires dans le cadre d’une imitation de signature.
Ces signatures de référence sont normalement recueillies au sein des entités bancaires, des assurances, les impôts, la sécurité sociale, les offices notariaux ou toute autre institution publique ou privée en rapport avec le défunt. Il est fréquent d’en trouver dans les dossiers médicaux des EHPAD, seulement accessible aux héritiers légitimes.
Le critère de contemporanéité est toujours à privilégier, car il est connu que l’écriture risque de changer, voire d’évoluer très rapidement chez les personnes âgées, chez les malades, et notamment lorsque ces deux circonstances sont réunies.
Or, il est tout aussi fréquent que les héritiers ne disposent d’une quantité de signatures de référence représentative des habitudes graphiques en même date. Dans ce cas précis, l’expert déterminera l’exploitabilité des échantillons soumis à expertise.
La plupart d’experts en écritures et document proposent à présent certains services en ligne, ce qui permet d’avoir un premier avis technique dans quelques heures ou quelques jours, sans déplacements physiques.
Par ailleurs, ce genre de prestation, faisant partie de l’étude préalable du dossier d’expertise est souvent gratuite, ou facture au prix d’une consultation en ligne, ce qui permet aux héritiers de recevoir un avis technique avant d’entamer tout procédure administrative ou judiciaire.
Mise à part les signatures, les mentions manuscrites du genre « lu et approuvé, bon pour cession » peuvent aussi en faire partie d’une expertise en écritures et documents, ce qui permet normalement de confirmer la conclusion des experts concernant l’authenticité des signatures, car si celles-ci ont été falsifiées, les mentions manuscrites le seront aussi.
Cependant, une éventuelle authentification de mentions manuscrites nécessitera d’un échantillon supplémentaire d’écrits de référence, car les signatures et l’écriture ne doivent pas être comparés. Les signatures sont un geste automatisé chez l’être humain, tandis que l’écriture demande d’un effort physique et mental nettement plus important et plus conscient.