Les conséquences de la faillite à l’égard du dirigeant de l’entreprise.

Par Dominique Ducourtioux, Avocat.

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Explorer : # faillite d'entreprise # responsabilité du dirigeant # sanctions légales # conséquences sociales

L’ouverture d’une faillite de l’entreprise ( expression regroupant les procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires ) est susceptible d’emporter des conséquences à l’égard de son dirigeant.

D’une part, il peut lui être reproché d’avoir, par sa faute, conduit l’entreprise à la faillite. Dans ce cas, la responsabilité du dirigeant constitue le fondement des sanctions prévues par la loi.

D’autre part, en dehors de toute responsabilité, la situation du dirigeant peut être affectée, que ce soit envers les caisses sociales, qui peuvent lui demander le paiement de cotisations jusqu’alors payées par l’entreprise, qu’envers ses droits au chômage.

Le présent article a pour objet de dresser un panorama de ces aspects.

-

I – Dans certaines circonstances, le dirigeant peut être sanctionné en raison de la faillite de l’entreprise.

La faillite de l’entreprise est en principe sans incidence sur la situation du dirigeant.

Ce n’est que dans de rares exceptions, où le dirigeant s’est soit enrichi aux dépens de l’entreprise, soit a gravement failli à sa mission, que la loi sanctionne le chef d’entreprise.

La loi relative aux procédures de faillite répartit les responsabilités et les sanctions en trois catégories :

-  la responsabilité pour insuffisance d’actif ;
-  la faillite personnelle et des autres mesures d’interdiction ;
-  la banqueroute et des autres infractions .

1°) La responsabilité pour insuffisance d’actif a des conséquences patrimoniales.

Par cette action, le dirigeant de droit ou de fait sera condamné à payer personnellement tout ou partie de l’insuffisance d’actif qui aurait été nécessaire pour couvrir le passif de l’entreprise.

Cette action n’est applicable au dirigeant qu’en cas de liquidation judiciaire. Elle n’est pas admise en cas de redressement ou de sauvegarde, sachant que, par définition, le plan permettra de payer l’intégralité du passif.

Le déclenchement de l’action appartient au liquidateur ou au ministère public, ainsi que dans certaines conditions aux créanciers nommés contrôleurs, et est enfermée dans un délai de prescription de trois ans courant à compter du jour du jugement ayant prononcé la liquidation.

Les conditions de fond de cette action en responsabilité nécessitent que soit rapporté la preuve de l’existence d’une faute ayant entraîné un dommage.

En l’occurrence, la partie poursuivante devra démontrer que le dirigeant a commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif ( article L 651-2 du Code de commerce ).

Cette action vise en fait le dirigeant qui a gravement failli à sa mission, et n’a pas vocation à s’appliquer au chef d’entreprise qui, tout en ayant commis des erreurs de gestion, a néanmoins été diligent.

2°) La faillite personnelle et des autres mesures d’interdiction n’ont pas de conséquences patrimoniales.

La faillite personnelle et des autres mesures d’interdiction n’emportent, comme leurs noms l’indiquent, que des interdictions envers le dirigeant : « interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale » ( article L 653-2 du Code de commerce ).

Contrairement à l’insuffisance d’actif qui n’est possible qu’en cas de liquidation judiciaire, la faillite personnelle est applicable aussi bien en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation que d’une procédure de redressement de l’entreprise. Si l’entreprise bénéficie d’une sauvegarde, le dirigeant ne peut pas être poursuivi pour faillite personnelle.

Le délai de prescription est aussi de trois ans à compter du jour du jugement prononçant l’une de ces procédures.

Les cas sont limitativement énumérés par les articles L 653-3 à L 653-6 du Code de commerce, ce qui signifie qu’en dehors de ces cas il ne peut pas y avoir de faillite personnelle.

Les trois articles L 653-3 à L 653-5 visent les dirigeants peu scrupuleux, qui ont favorisé leurs intérêts personnels au détriment de ceux de l’entreprise et de ses créanciers.

Le dirigeant encourt ainsi la faillite personnelle lorsqu’il lui est reproché et démontré, d’avoir :

-  poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements ;
-  détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif ;
-  disposé des biens du patrimoine de l’entreprise comme des siens propres ;
-  fait, sous le couvert de l’activité de l’entreprise, des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ;
-  fait des biens ou du crédit de l’entreprise un usage contraire à celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle le dirigeant était aussi intéressé.

Il peut aussi être poursuivi pour avoir :

-  exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
-  fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;
-  avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne morale ;
-  avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
-  avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
-  avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

La charge de la preuve des éléments constitutifs de l’action en faillite personnelle, incombe à la partie poursuivante et, si la démonstration que le dirigeant a commis les faits énumérés ci-dessus n’est pas rapportée, il ne saurait être prononcé de faillite personnelle à son encontre.

L’article L 653-6 vise le dirigeant qui, ayant déjà été condamné pour insuffisance d’actif, n’a pas exécuté son obligation de payer les sommes mises à sa charge. La faillite personnelle est ainsi une sanction supplémentaire venant s’ajouter à la sanction patrimoniale lui ayant été infligée.

La loi autorise le tribunal, même si les conditions de la faillite personnelle sont réunies, de prononcer une sanction subsidiaire moins lourde : à la place de la faillite personnelle, le tribunal ne prononcera que l’interdiction de gérer ou d’administrer.

En revanche, le tribunal a aussi la faculté d’aggraver la faillite personnelle en l’assortissant d’une interdiction d’exercer une fonction publique élective pour une durée qui ne peut être supérieure à cinq années.

Les interdictions de gérer et d’administrer de la faillite personnelle ont une durée fixée par le tribunal, mais dans la limite du maximum fixé par la loi, soit quinze ans.

Les effets de la faillite personnelle peuvent toutefois prendre fin avant la durée fixée par le tribunal si, au cours des opérations de liquidation de l’entreprise, la réalisation de l’actif permet de couvrir intégralement le passif ; ce qui n’est pas exceptionnel mais demeure peu fréquent en pratique.

Enfin, en cas de liquidation de l’entrepreneur individuel, la faillite personnelle qui aurait été prononcée contre lui risque néanmoins d’affecter sa situation patrimoniale dans la mesure où, après la clôture de sa liquidation pour insuffisance d’actif, ses créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle contre lui ( article L. 643-11 du Code de commerce ).

Il en est différemment de la faillite personnelle du dirigeant d’une société en liquidation, sachant que les créanciers de celle-ci n’étant pas les siens, ils ne disposent d’aucun droit contre lui après la clôture de la liquidation.

3°) La banqueroute et des autres infractions sont des infractions pénales.

A la différence des précédentes actions, qui sont des délits civils et qui relèvent du tribunal ayant ouvert la procédure de faillite de l’entreprise, la banqueroute et des autres infractions relèvent de la juridiction répressive, à savoir le tribunal correctionnel.

Le délit de banqueroute est fondé sur la notion de détournement, ce qui est facilement identifiable par le dirigeant lorsqu’il commet l’acte répréhensible.

En revanche, les autres infractions sont davantage méconnues, et certaines peuvent être commises, sans que le dirigeant ait le sentiment d’avoir effectué une transgression pouvant être pénalement sanctionnée.

a) La banqueroute nécessite que l’entreprise ait été mise en redressement ou en liquidation judiciaire ; ce qui exclut aussi la sauvegarde.

Les cas sont limitativement prévus par l’article L 654-2 du Code de commerce. Il faut rapporté la preuve que le dirigeant ait commis l’une des cinq infractions énumérées par le texte :

-  1°) Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds.
-  2°) Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur.
-  3°) Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur.
-  4°) Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l’entreprise ou de la personne morale ou s’être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation.
-  5°) Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales.

La banqueroute est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000,00 euros d’amende, et des peines complémentaires peuvent aussi être prononcées :

-  interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
-  interdiction d’exercer une fonction publique, ou l’activité professionnelle qui a servi à commettre l’infraction, ou de diriger et d’administrer une entreprise commerciale ;
-  exclusion des marchés publics pour une durée maximale de cinq ans ;
-  interdiction d’émettre des chèques ;
-  l’affichage ou la diffusion du jugement de condamnation.

La juridiction a aussi la faculté de prononcer la faillite personnelle du prévenu.

b) Des autres infractions constituent des transgressions par le dirigeant aux obligations auxquelles la faillite de l’entreprise l’assujettit.

Ainsi, le fait de payer une créance antérieure au jugement de faillite, de privilégier un créancier en le payant en dehors du plan de sauvegarde ou de redressement, de procéder à la cession d’un bien qui avait été déclaré inaliénable, est punissable d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30.000,00 €.

Il convient ainsi de mettre en garde le dirigeant, qu’une fois la sauvegarde ou le redressement prononcé, tous les créanciers doivent être traités à égalité, et qu’il lui est interdit de favoriser l’un d’entre eux, fût-il un parent ou un ami.

Sont aussi punissables et soumis au traitement de la banqueroute, le fait de soustraire ou de dissimuler une partie des biens de l’entreprise en faillite ; de se prétendre faussement créancier de l’entreprise en déclarant frauduleusement une créance.

Ces autres infractions sont codifiées aux articles L 654-8 à L 654-15.

Le délai d’action est de trois ans à compter du jour où la malversation a été révélée.

II – La faillite de l’entreprise a un impact sur la situation sociale du dirigeant :

1°) Le paiement des cotisations sociales :

Le problème de la charge des cotisations sociales se pose pour les gérants de Sàrl, sachant que pour les S.A., les dirigeants relèvent du régime général de sécurité sociale.

En cas de procédure de faillite de l’entreprise, les caisses sociales peuvent figurer au rang des créanciers pour les cotisations impayées au jour du jugement d’ouverture de la faillite.

Le gérant, dont les cotisations étaient jusqu’alors payées par l’entreprise, pourra estimer que ces arriérés ne lui incombent pas.

Cela n’est pas toujours vrai, et les caisses sont fondées à réclamer au gérant l’arriéré de ses cotisations, en fonction du statut qui lui est applicable.

Schématiquement, si le gérant est minoritaire ou égalitaire, il relève du régime social des « assimilés salariés » au regard de l’assurance maladie, des allocations familiales et du régime de retraite.

Dans cette hypothèse, les cotisations sont dues par l’entreprise, et les arriérés existant au jour du jugement d’ouverture de la faillite ne peuvent pas être réclamées au gérant.

Si le gérant est majoritaire, il est rattaché au régime social des travailleurs non-salariés ( TNS ) et il est personnellement le cotisant des caisses sociales.

Bien souvent, l’entreprise prend en charge le paiement des cotisations sociales personnelles du gérant, et celles-ci sont comptabilisées dans la catégorie « rémunérations », sachant qu’elles constituent un supplément de revenus accordé au gérant.

Il n’en demeure pas moins qu’au regard des caisses, le gérant majoritaire est le redevable.

En conséquence, en cas de faillite de l’entreprise, les arriérés de cotisations du gérant majoritaire peuvent lui être valablement réclamées par les caisses.

2°) L’assurance chômage :

Pour bénéficier de l’assurance chômage, le dirigeant doit être lié à l’entreprise par un contrat de travail.

Cette seule condition exclut quelques catégories de dirigeants, tels que : le gérant majoritaire d’une Sàrl ; le gérant associé d’une Eurl ou d’une SNC.

Pour les autres dirigeants, le contrat de travail doit réunir trois conditions :

-  il doit correspondre à des tâches techniques distinctes de son mandat social,
-  la rémunération versée doit être constitutive d’un salaire,
-  le dirigeant doit être dans une situation de subordination par rapport à l’entreprise ( c’est pourquoi les gérants majoritaires mais aussi égalitaires d’une Sarl ne peuvent être considérés comme salariés au regard de l’assurance chômage ).

Il est conseillé au dirigeant de se renseigner auprès du Pôle emploi du lieu d’affiliation de l’entreprise afin de savoir s’il relève de l’assurance chômage, et si la réponse est positive il paiera valablement les cotisations, en sachant que la couverture lui sera acquise en cas d’éventuelle perte d’emploi.

Dominique Ducourtioux Avocat.
Barreau de Strasbourg

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Discussions en cours :

  • par Legrand monique , Le 11 mars 2020 à 11:40

    Actionnaire à 48% d’une société et le gérant à 58% vient d’être condamné à 15 ans enfin je ne me suis pas battue pour rien la justice la enfin empêcher de nuire et surtout d’escroquer quelqu’un d’autre.
    J’en resort victorieuse mais je perds 32.0000€

  • Bonjour, je crois qu’il existe ici une imprécisions en effet sauf erreur de ma par la faillite personnelle prononcée ouvre droit aux créanciers de poursuivre le gérant en nom propre pour les dettes même dans le cas d’une SARL. Hors dans cet article il est précisé que ceci n’est possible que dans le cas d’une entreprise individuelle. Ne s’agit il pas ici d’une erreur ? Je ne semble de plus pas le seul à avoir cette interprétation qu’en pensez vous ?

    • par Ducourtioux , Le 31 mai 2017 à 22:12

      C’est exact.

    • par Michot , Le 28 juin 2017 à 07:41

      Selon votre article en entreprise individuelle je peux être poursuivi par les créanciers après la liquidation alors que mon mandataire m à expliquer que toutes mes dettes de l entreprise ou individuelle serait effacé.pouvez vous le préciser ????je passe au tribunal le 7 juillet.merci à vous

    • par DUBOIS , Le 21 décembre 2018 à 08:27

      Bonjour,

      Je partage l’analyse de l’auteur : a mon sens, la faillite personnelle du dirigeant de société ne peut pas emporter reprise des poursuites des créanciers à son égard.
      la faillite personnelle ne peut avoir de conséquences patrimoniales que si le débiteur et le condamné sont une seule et même personne, soit pour les entrepreneurs individuels.

      je suis toutefois très intéressée par vos avis sur la question.

      bien à vous

    • par DONNAY , Le 24 avril 2019 à 11:52

      Bonjour
      j ai des des travaux avec une sarl et elle est en liquidation judiciare
      il n a termine le chantier depuis il ne fait plus signe sauf que je vois qu ’il a une autre societe active mais avec un autre nom
      puis je quand meme le poursuivre avec le nom de l autre societe ?
      MERCI

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