Conflit parental : l’Administration doit rester neutre.

Par Amboise Debussy, Juriste.

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Explorer : # conflit parental # neutralité administrative # indemnisation # autorité parentale

En cas de conflit parental, l’Administration doit évidemment demeurer neutre. Quand elle est sollicitée par l’un des parents pour délivrer des passeports au nom des enfants mineurs alors qu’elle est informée du conflit, elle ne doit pas le faire.

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Si l’un des parents profite de la faute de l’Administration à les avoir délivrés en emmenant ses enfants vivre à l’étranger, l’autre parent, et les enfants, subissent un préjudice qu’il revient à l’administration d’indemniser.

L’indemnisation est néanmoins réduite par la faute commise par le parent qui a emmené les enfants hors de France au mépris des droits de son ancien conjoint et des enfants.

Les poncifs émaillent régulièrement les séparations conjugales. Les « Ça ne nous regarde pas », « c’est votre histoire », « je ne vous juge pas » accompagnent de manière souvent lénifiante la sortie de couple. On peut néanmoins leur trouver une traduction juridique en droit administratif, à travers l’obligation de neutralité qui pèse sur l’Administration, tenue de traiter de manière égalitaire les parents qui se séparent. Si l’obligation semble relever du truisme, son application concrète révèle une nouvelle fois qu’entre théorie et pratique, le gouffre existe.

Une illustration est offerte dans l’affaire banale jugée le 16 novembre 2021 (ci-après).

Un couple se sépare à la naissance de leurs deux filles jumelles nées en France, au mois de juin 2018. Elle est américaine, il est français. Le juge aux affaires familiales est saisi et fixe une audience pour la saint-Valentin, le 14 février 2019.

Dans l’attente, les enfants vivent chez la mère à titre principal. Les relations sont toutefois dégradées entre les parents et le père redoute que la mère ne parte s’installer avec les enfants aux États-Unis. Il dépose alors une main courante le 22 août 2018 dans laquelle il expose sa crainte. Il saisit également le préfet le 23 août 2018 d’une demande d’opposition à la sortie du territoire de ses deux filles mineures à titre conservatoire, à laquelle le préfet consent le lendemain, 24 août 2018, pour une durée de 15 jours. Enfin, il saisit le juge aux affaires familiales d’une demande en référé d’interdiction judiciaire de sortie du territoire des enfants, qui est toutefois rejetée, le magistrat refusant de croire au risque de départ à l’étranger de la mère avec les enfants.

Mais voilà : la mère a demandé le 30 août 2018 un passeport pour chacune de ses filles. Le 10 septembre 2018, le préfet a délivré les passeports.

Lors de l’audience devant le juge aux affaires familiales du 14 février 2019, la mère obtient un renvoi, fixé au 11 avril 2019.

La veille de la nouvelle audience, le 10 avril 2019, la mère, armée des passeports délivrés par le préfet, part s’installer aux États-Unis avec les enfants.

Toutefois, le père ne désarme pas. Invité à se désister au judiciaire, il refuse et obtient du juge aux affaires familiales, mis devant le fait accompli, la résidence (théorique) des enfants à son domicile le 18 avril 2019. Fort de ce jugement, il se rend aux Etats-Unis, engage un avocat américain, une psychologue américaine pour l’assister dans son dossier, saisit un juge du Colorado, et obtient, un an plus tard, le 13 mars 2020, une décision de justice américaine ordonnant la remise des enfants au père, sur le fondement du jugement français et des conventions de La Haye.

Le parcours n’a pas le temps de laisser songeur. Souhaitant obtenir le remboursement d’une partie de ses frais, le père attaque l’Etat français à son retour des Etats-Unis, sur le fondement de la faute d’avoir permis à la mère de partir aux Etats-Unis avec les enfants mineurs en remettant à celle-là un passeport au nom de ceux-ci, alors qu’il existait un conflit entre les parents dont le préfet était informé.

Le tribunal juge alors classiquement que la délivrance à l’un des parents d’un passeport à un enfant mineur n’est pas un acte usuel de l’autorité parental réalisé à l’égard d’un tiers de bonne foi lorsque ce tiers est informé du conflit parental. Il condamne l’Administration à indemniser le père, en réduisant cette condamnation de moitié en raison de la faute de la mère, également responsable, qui a quitté le territoire au mépris des droits des enfants et du père de maintenir des relations entre eux.

1- L’Administration informée d’un conflit entre les parents n’est pas un tiers de bonne foi.

L’article 372-2 du Code civil a beau être avoir fêté cette année son 20ème anniversaire (cf. article 5 de la loi n° 2002-305 du 5 mars 2002), il offre encore des interprétations divergentes : « A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ».

Une certaine interprétation de l’article consiste à se concentrer sur la seconde partie de la phrase et à en déduire que chaque parent peut accomplir seul les actes usuels de l’autorité parentale. Le second temps du raisonnement est alors de chercher à dresser une liste de ces actes usuels et de considérer, une fois celle-ci établie (ce qui est loin d’être évident), que la question est réglée.

C’est toutefois négliger la première partie de l’article, qu’il faut relire : « A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre ». La présomption qui bénéficie au parent qui agit ne vaut qu’à l’égard des tiers de bonne foi. A l’heure de la multiplication des moyens de communication, il est rare que les conflits conjugaux, puis parentaux, demeurent dans la sphère privée. Or il est jugé que le tiers informé du conflit parental n’est plus un tiers de bonne foi.

Il s’en déduit que chaque parent se trouve alors privé de la possibilité de faire seul un acte usuel de l’autorité parentale. Le Conseil d’Etat va même plus loin en définissant l’acte usuel par la réunion d’un critère objectif (nature de l’acte) et d’un critère subjectif (accord parental), dans un arrêt publié au Recueil [1].

Pour la Haute juridiction administrative, ainsi que l’expose le rapporteur public dans ses conclusions en se référant à un arrêt pédagogique de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (28 octobre 2011, n° 1/00127), objectivement, l’acte ne doit pas engager l’avenir de l’enfant, ne pas donner lieu à une appréciation de principe essentielle, ne présenter aucun risque grave apparent pour l’enfant, ou encore, s’il revêt un caractère important, doit s’inscrire « dans une pratique antérieure non contestée ».

Inversement, et toujours objectivement, l’acte n’est pas usuel quand il suppose une réflexion préalable sur son bien-fondé, ou, bien que présentant un caractère habituel, a une incidence particulière dans l’éducation et la santé de l’enfant. Subjectivement, et c’est l’apport de l’arrêt du Conseil d’Etat, l’acte n’est usuel que si aucune circonstance ne met en doute le consensus parental.

Seule la réunion de ces deux critères (acte de faible importance et accord parental) permet de considérer qu’un acte est usuel au sens de l’article 372-2 du Code civil :

« l’Administration appelée à prendre, à la demande d’un des parents exerçant en commun l’autorité parentale avec l’autre parent, une décision à l’égard d’un enfant, doit apprécier si, eu égard à la nature de la demande et compte tenu de l’ensemble des circonstances dont elle a connaissance, cette demande peut être regardée comme relevant d’un acte usuel de l’autorité parentale ».

La juridiction administrative juge ainsi qu’en application des dispositions de l’article 372-2 du Code civil, chacun des parents peut légalement obtenir l’inscription sur son passeport de ses enfants mineurs, sans qu’il lui soit besoin d’établir qu’il dispose de l’accord exprès de l’autre parent, dès lors qu’il justifie exercer, conjointement ou exclusivement, l’autorité parentale sur ces enfants et à condition qu’aucun élément ne permette à l’Administration de douter de l’accord de l’autre parent [2]. L’information de l’Administration est donc primordiale, qui est ainsi érigée en élément de définition de l’acte usuel pour l’application de l’article 372-2.

En l’espèce, précisément, l’Administration soutenait que la délivrance d’un passeport au nom des enfants constituait un acte usuel de l’autorité parentale en se référant à la seule nature de l’acte. Et d’en déduire, en se concentrant sur la seule seconde partie de l’article 372-2 du Code civil, que la mère avait donc le droit d’en obtenir un.

Outre que l’on peut objectivement s’interroger sur le caractère anodin de la délivrance d’un passeport au nom d’un enfant mineur, subjectivement, l’Administration a commis une erreur de droit en omettant que le désaccord parental faisait obstacle à ce que l’on considérât la délivrance du passeport comme un acte usuel de l’autorité parentale.

Or précisément, lorsque la mère demande un passeport au préfet le 30 août 2018, le père a informé l’Administration à deux reprises du désaccord parental : d’abord par la main courante du 22 août 2018, ensuite par la demande de mesure conservatoire d’interdiction de sortie du territoire le 24 août 2018. Ainsi, lorsqu’il est saisi de la demande de passeport pour les deux enfants, le préfet est doublement informé du conflit parental sur la question.

On pourrait s’interroger sur le caractère informatif de la main courante, qui n’est qu’une forme de preuve faite à soi-même. Si le but de la main courante n’est effectivement pas d’engager des poursuites à l’encontre de l’auteur des faits, il a pour objet, et pour effet, de signaler la nature et la date de certains faits aux forces de l’ordre. L’article 1er de l’arrêté du 24 février 1995 autorisant la création dans les commissariats de police d’un traitement automatisé du registre dit de main courante dispose que sa « finalité est (…) de faciliter la diffusion et le partage d’informations dans le cadre de missions de police judiciaire ».

En toute hypothèse, la demande de mesure conservatoire d’interdiction de sortie du territoire adressée au préfet le 23 août 2013 informait celui-ci du conflit parental. Ce qui fait que le 30 août 2018, une semaine plus tard, lorsque la mère demandait au même préfet un passeport pour les enfants, le préfet ne pouvait nier être informé du conflit parental. Il n’était pas un « tiers de bonne foi » et n’était donc pas saisi d’une demande d’acte usuel au sens de l’article 372-2 du Code civil.

2- L’Administration qui méconnaît son obligation de neutralité engage sa responsabilité pour faute.

Dans l’arrêt du 13 avril 2018, le Conseil d’État indique également

« que dans l’hypothèse où l’Administration ferait droit, pour un enfant, à une demande émanant d’un parent qu’elle ne pourrait, en vertu de la règle rappelée au point 3 ci-dessus, regarder comme réputé agir avec l’accord de l’autre parent, l’illégalité qui entacherait, par suite, sa décision, ne serait susceptible d’engager sa responsabilité qu’à raison de la part imputable à sa faute dans la survenance du préjudice ».

Cette partie de l’arrêt présente un double intérêt. D’une part, elle rappelle que l’Administration qui fait droit à la demande formulée par un seul des parents alors qu’elle n’est pas saisie d’un acte usuel en ce qu’elle est informée du désaccord parental, commet une faute de nature à engager sa responsabilité. D’autre part, elle précise que l’Administration ne sera responsable que pour partie : si elle est abusée, c’est par le parent demandeur, qui est co-responsable. La responsabilité est donc partagée entre l’Administration et le parent demandeur.

Rappeler que l’Administration commet une faute lorsqu’elle se considère saisie par un parent d’une demande d’acte usuel alors qu’elle est informée d’un conflit parental, renvoie à l’obligation de neutralité [3]. Dans ses rapports avec le public, la règle qui commande à l’Administration de demeurer neutre, a une valeur constitutionnelle [4].

Si elle fait droit à une demande de l’un des parents au motif qu’elle considère être saisie d’un acte usuel de l’autorité parentale alors qu’elle est informée du conflit entre les parents, l’Administration peut être regardée comme ayant pris le parti de l’un des deux parents, ce qui est évidemment illégal et fautif.

La responsabilité de l’Administration est toutefois atténuée par le comportement du parent à l’origine de la demande d’acte « faussement usuel » et il revient au juge administratif de limiter, d’office [5], la part de responsabilité de l’Administration en comparant la portée de chacune des fautes des co-auteurs de l’illégalité dans la réalisation des préjudices des victimes : le parent trompé et les enfants. En l’espèce, le tribunal considère que la faute de la mère, d’avoir emmené les enfants mineurs aux Etats-Unis sans l’accord du père, a concouru pour moitié aux préjudices du père, et il limite la condamnation de l’Administration à indemniser les préjudices du père à hauteur de la moitié.

A titre anecdotique, on relèvera que le préjudice moral du père, d’avoir été, d’une part, évincé de la vie des enfants, d’autre part, d’avoir subi l’angoisse de l’incertitude d’une procédure judiciaire internationale pour faire valoir ses droits, est évalué à 20 000 euros.

Quand on observe qu’il y avait deux enfants et que ce préjudice a duré 11 mois, l’évaluation s’est faite à hauteur de 1 000 euros par mois par enfant.

On relève également que les honoraires d’un avocat américain qui défend un client français dans une procédure de résidence des enfants dans une procédure avec un enjeu international s’élèvent à la somme de 6 410 euros. En l’espèce, ces frais ont été assumés pour moitié, in fine, par le contribuable français.


Tribunal administratif de Bordeaux, 16 novembre 2021, n° 2000489.

Cette décision a été reproduite, anonymisée, et diffusée sous l’entière responsabilité du cabinet d’avocat auteur de cet article.

"Considérant ce qui suit :

1. Le 22 août 2018, M. A a déposé une main courante au bureau de police de Boulazac (Dordogne) au terme de laquelle il fait état de sa crainte que la mère, de nationalité américaine, de ses filles françaises âgées de deux mois, ne parte s’installer aux Etats-Unis avec elles « afin qu’il soit exclu de leurs vies à présent que le couple est séparé ». Le lendemain 23 août 2018, il a demandé au préfet de la Dordogne une mesure conservatoire d’opposition à la sortie du territoire de ses deux filles mineures. Le 24 août 2018, le préfet de la Dordogne a prononcé une opposition à la sortie du territoire des deux enfants à titre conservatoire pour une durée de 15 jours. Le 30 août 2018, la mère des deux enfants, Mme B, a demandé au préfet de la Dordogne deux passeports pour les deux enfants. Le 10 septembre 2018, le préfet a délivré deux passeports au nom des enfants à la mère de celles-ci. Le 9 avril 2019, la mère a emmené les deux enfants vivre aux Etats-Unis. M. A demande la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 111 526,67 euros à titre indemnitaire pour avoir permis à la mère de ses filles de quitter le territoire national avec celles-ci.

Sur la responsabilité de l’Etat :

2. Aux termes de l’article 372-2 du Code civil : « A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ». Pour l’application de ces dispositions, l’Administration appelée à prendre, à la demande d’un des parents exerçant en commun l’autorité parentale avec l’autre parent, une décision à l’égard d’un enfant, doit apprécier si, eu égard à la nature de la demande et compte tenu de l’ensemble des circonstances dont elle a connaissance, cette demande peut être regardée comme relevant d’un acte usuel de l’autorité parentale. Dans l’affirmative, l’Administration doit être regardée comme régulièrement saisie de la demande, alors même qu’elle ne se serait pas assurée que le parent qui la formule dispose de l’accord exprès de l’autre parent. Dans l’hypothèse où l’Administration ferait droit, pour un enfant, à une demande émanant d’un parent qu’elle ne pourrait regarder comme réputé agir avec l’accord de l’autre parent, l’illégalité qui entacherait, par suite, sa décision, ne serait susceptible d’engager sa responsabilité qu’à raison de la part imputable à sa faute dans la survenance du préjudice.

3. En l’espèce, le préfet a été destinataire d’une demande de passeport pour deux enfants mineurs par leur mère qui disposait de l’autorité parentale, en application de l’article 372-2 du Code civil. Toutefois, le préfet ayant été informé par le père, une semaine auparavant, par voie de main courante puis par voie d’une demande d’opposition de sortie des deux enfants du territoire national à titre conservatoire, d’un conflit majeur entre les deux parents, la demande de passeport formulée par la mère ne pouvait être regardée comme un acte usuel de l’autorité parentale à l’égard d’un tiers de bonne foi. En acceptant de délivrer à la mère un passeport au nom des deux enfants alors qu’il était informé de ce conflit dans la relation parentale et du risque de voir la mère emmener les enfants mineurs vivre aux Etats-Unis en méconnaissance des droits du père et des enfants dans leur relation avec celui-ci, le préfet a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.

4. En revanche, en ne s’opposant pas au départ des enfants le 9 avril 2019 alors que la mesure d’opposition de sortie des enfants du territoire national avait épuisé ses effets 7 mois auparavant et qu’il n’existait aucune mesure d’interdiction judiciaire de sortie du territoire français, le préfet n’a pas commis de faute.

5. Le préfet soutient que le requérant a commis une faute de nature à l’exonérer de sa responsabilité en ne demandant pas au juge aux affaires familiales une interdiction judiciaire de sortie des enfants mineures du territoire national dès la fin des effets de l’opposition provisoire le 6 septembre 2018 et préalablement au départ de la mère aux Etats-Unis avec les enfants. Il résulte toutefois de l’instruction que, contrairement à ce qu’allègue le préfet, M. A a bien demandé à la juge aux affaires familiales de Périgueux, préalablement au départ des enfants et de la mère aux Etats-Unis le 9 avril 2019, une mesure judiciaire d’interdiction de sortie des enfants du territoire national, dès le 14 novembre 2018 en la forme des référés. Si cette demande a été rejetée par le juge aux affaires familiales, M. A n’a pas commis la faute alléguée par le préfet de ne pas avoir demandé de mesure judiciaire d’interdiction de sortie des enfants du territoire national préalablement au départ de celles-ci aux Etats-Unis avec leur mère.

6. Il résulte toutefois de l’instruction que le départ des enfants vers les Etats-Unis a également été causé par la décision de la mère de les y emmener, après avoir obtenu du préfet le passeport au nom des enfants. Dans ces conditions, la part de responsabilité de l’Etat pour avoir délivré un passeport à la mère des enfants alors qu’il existait un litige majeur entre les parents, dont le préfet était informé, sur le lieu de résidence des enfants, doit être évaluée à 50%.

Sur le préjudice :

7. En premier lieu, M. A a été séparé de ses deux enfants, alors âgées de neuf mois, à compter du 9 avril 2019 lorsque leur mère les a emmenées vivre avec elle aux Etats-Unis jusqu’à ce qu’il obtienne que les deux enfants lui soient remises, devant le Tribunal du District du Comté de Larimer dans le Colorado (Etats-Unis), le 13 mars 2020, en exécution de la décision du juge aux affaires familiales de Périgueux du 18 avril 2019 qui fixait la résidence des deux enfants au domicile du requérant. M. A a ainsi été privé de tout contact avec ses deux enfants pendant près d’un an alors qu’en exécution du jugement du 18 avril 2019, celles-ci devaient pourtant résider à son domicile. Il a été empêché de participer à leur éducation, de vivre avec elles leur premier anniversaire. Il a également subi le stress et l’angoisse de diligenter une procédure judiciaire à l’étranger dans l’incertitude du succès et de la perspective de revoir un jour ses enfants, durant près d’un an. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral ainsi subi par M. A en l’évaluant à la somme globale de 20 000 euros que l’Etat sera condamné à verser à M. A à hauteur de la moitié, soit 10 000 euros, compte tenu du partage de responsabilité avec la mère des enfants.

8. En deuxième lieu, les frais d’avion acquittés par M. A pour se rendre aux Etats-Unis et en revenir avec ses enfants ont été directement causés par le comportement fautif de l’administration. Il résulte de l’instruction qu’ils s’élèvent à la somme globale de 3 973,98 euros, que l’Etat sera condamné à verser à M. A à hauteur de la moitié, soit 1 986,99 euros, compte tenu du partage de responsabilité avec la mère des enfants. Il en va de même des frais d’hébergement à l’hôtel aux Etats-Unis pour un montant global de 484 euros, qui sera mise pour moitié, soit 242 euros, à la charge de l’Etat.

9. En troisième lieu, les frais de traduction engagés par M. A dans le cadre de la procédure judiciaire américaine ont été directement causés par la faute du préfet. Il résulte de l’instruction qu’ils s’élèvent à la somme globale de 833 euros, que l’Etat sera condamné à verser à M. A à hauteur de la moitié, soit 416,50 euros, compte tenu du partage de responsabilité avec la mère des enfants.

10. En quatrième lieu, les frais de recours à un psychologue durant 28 heures au cours des journées des 12, 13 et 14 mars 2020, imposés par la juridiction américaine pour la remise des enfants ont été directement causés par la faute relevée au point 3 du présent jugement. Il résulte de l’instruction qu’ils s’élèvent à la somme globale de 700 dollars américains, soit 603,16 euros, que l’Etat sera condamné à verser à M. A à hauteur de la moitié, soit 301,58 euros, compte tenu du partage de responsabilité avec la mère des enfants.

11. En cinquième et dernier lieu, M. A demande l’indemnisation des frais d’avocat qu’il a acquittés dans le cadre de la procédure judiciaire qu’il a engagée en France pour récupérer la résidence de ses enfants. Toutefois, ceux-ci n’ont pas été directement causés par la faute du préfet d’avoir délivré des passeports au nom des enfants mineurs à leur mère, mais par la séparation de M. A avec celle-ci. Ils ne peuvent donc être mis à la charge de l’Etat. En revanche, les frais d’avocat américain acquittés par M. A devant la justice du Colorado pour faire exécuter la décision de justice française et récupérer la résidence de ses enfants sont en lien direct avec la faute de l’administration. Il résulte de l’instruction qu’ils s’élèvent à la somme de 6 410 euros, que l’Etat sera condamné à verser à M. A à hauteur de la moitié, soit 3 205 euros, compte tenu du partage de responsabilité avec la mère des enfants.

12. Il résulte de ce qui précède que l’Etat doit être condamné à verser à M. A une somme de 14 165,08 euros.

Sur les frais d’instance :

13. Dans les circonstances de l’espèce, l’Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L761-1 du Code de justice administrative.

Décide :

Article 1er : L’Etat est condamné à verser à M. A la somme de 14 165,08 euros.

Article 2 : L’Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l’article L761-1 du Code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté."

Amboise Debussy, Juriste
Dirigeant le département Droit d’une société de communication.

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Notes de l'article:

[1CE, 13 avril 2018, n° 392949 Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche c/ Mme Fantaisie.

[2CE, 8 février 1999, Dupin, n° 173126, Rec.

[3CE Ass., 9 novembre 2016, Fédération de la libre pensée de Vendée, n° 395223, Rec.

[4CE Avis, 3 mai 2000, Marteaux, n° 217017, Rec.

[5CE, 19 juillet 2017, n° 393288, Commune de Saint-Philippe, Tables.

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