1) Faits et procédure.
Une salariée a été engagée en qualité de responsable clientèle par la société Trendlab, le 20 août 2007.
Par avenant du 2 mai 2016, les parties ont inséré une clause de non-concurrence dans ce contrat.
La salariée a été licenciée le 9 novembre 2018.
Les parties ont volontairement comparu devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes devant lequel un procès-verbal (PV) de conciliation a été signé le 28 novembre 2018 aux termes duquel elles ont convenu du paiement par l’employeur d’une indemnité forfaitaire déterminée dans la limite du barème prévu par les articles L1235-1 et D1235-21 du Code du travail, à titre d’indemnité globale, forfaitaire, transactionnelle et définitive, l’accord de conciliation intervenu valant renonciation à toutes réclamations et indemnités et entraînant désistement d’instance et d’action pour tout litige né ou à naître découlant du contrat de travail et du mandat de la salariée, le procès-verbal constatant l’accord valant renonciation à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail.
La salariée a saisi la juridiction prud’homale le 29 mars 2019 afin d’obtenir le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 22 juin 2022, a rejeté les demandes de la salariée en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et des congés payés afférents.
La salariée a alors formé un pourvoi en cassation.
2) Moyens.
La salariée fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté ses demandes alors que :
- 1°/ En cas de litige, lors de la conciliation prévue à l’article L1411-1, l’employeur et le salarié peuvent convenir, ou le bureau de conciliation et d’orientation proposer, d’y mettre un terme par accord ;
Le procès-verbal constatant l’accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues « au présent chapitre » du Code du travail, soit le chapitre V du titre III du livre II du Code du travail : « contestations et sanctions des irrégularités du licenciement » ;
La contrepartie financière de la clause de non-concurrence n’entre nullement dans l’objet, ainsi strictement délimité, du procès-verbal de conciliation ;
- 2°/ La conciliation judiciaire préalable obligatoire de l’instance prud’homale est un acte judiciaire qui implique une participation active du bureau de conciliation à la recherche des parties préservant les droits de chacune d’elles ;
Cet acte ne peut être valable que si le bureau a rempli son office en ayant notamment vérifié que les parties étaient informées de leurs droits respectifs ;
- 3°/ La renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes clairs et non équivoques révélant l’intention de renoncer ;
L’on ne saurait renoncer par avance à un droit non encore acquis ;
A la date de l’accord de conciliation du 28 novembre 2018, le droit au versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence constituait un droit futur éventuel, de sorte qu’il ne pouvait être inclus dans l’objet de la renonciation de la salariée résultant du procès-verbal de conciliation.
3) Solution.
La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la salariée.
Les juges de la haute Cour énoncent alors que
« la cour d’appel ayant rappelé que le bureau de conciliation et d’orientation conserve une compétence d’ordre général pour régler tout différend né à l’occasion du contrat de travail, a exactement décidé que les parties qui comparaissent volontairement devant ce bureau peuvent librement étendre l’objet de leur conciliation à des questions dépassant celles des seules indemnités de rupture ».
En l’espèce, les parties avaient convenu le versement à la salariée d’une indemnité globale, forfaitaire, transactionnelle et définitive, et que l’accord valait renonciation à toutes réclamations et indemnités et entraînait désistement d’instance et d’action pour tout litige né ou à naître découlant du contrat de travail et du mandat de la salariée.
La Cour de cassation conclut que la cour d’appel pouvait déduire, sans avoir à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, que les obligations réciproques des parties au titre d’une clause de non-concurrence étaient comprises dans l’objet de l’accord.
4) Analyse.
Cette décision est importante car c’est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur ce point.
En pratique, de nombreux procès-verbaux de conciliation prévoyaient d’ores et déjà la renonciation à toute réclamation relevant tant de l’exécution que de la rupture du contrat de travail. Toutefois, certains conseils de prud’hommes refusaient de signer des projets de procès-verbaux de conciliation prévoyant la renonciation du salarié à des demandes relatives à l’exécution du contrat de travail.
Cet arrêt vient donc mettre un terme à cette différence de pratique entre les conseils de prud’hommes.
Cela permettra également de rassurer certains employeurs réticents à signer un procès-verbal de conciliation sans signer en plus une transaction pour encadrer la fin du litige relatif à l’exécution du contrat de travail.
Pourtant, la signature d’un procès-verbal de conciliation, exclusive de toute transaction, comporte de nombreux avantages pour le salarié (somme non imposée dans la limite du barème, somme exonérée de cotisations sociales dans la limite de deux PASS, absence de délai de carence pour la perception des droits à l’assurance chômage).
Cette solution favorisera donc nécessairement les négociations devant le bureau de conciliation et d’orientation.
Cependant, afin qu’aucune partie ne renonce à un droit sans en avoir conscience, comme cela était le cas dans l’affaire commentée, il convient d’être plus que vigilent dans la rédaction du procès-verbal de conciliation et de circonscrire précisément l’objet de la négociation.
Sources.