Tout chef d’entreprise est confronté un jour ou l’autre à la démission de l’un de ses salariés, cette dernière est définie comme l’acte aux termes duquel le salarié fait connaître sa volonté de faire cesser son contrat de travail. Malgré la simplicité apparente de sa définition, la démission n’est pas un acte aussi anodin qu’il n’y parait à première vue. En effet, si elle est évidemment un acte grave pour le salarié, elle peut aussi être lourde de conséquences financières pour l’employeur si elle a été obtenue sous la contrainte ou provoquée par sa faute. C’est pourquoi il est important de connaître les conditions relatives à la démission pour ne pas se retrouver confronté à des situations délictuelles relatives aux conséquences de la démission. En la matière, la prudence est de rigueur car une démission qui ne serait pas donnée de manière claire et univoque peut avoir des conséquences dramatiques pour l’entreprise.
I) les conditions relatives à la démission :
La démission ne peut par principe intervenir que dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. En effet, la démission dans le cadre d’un contrat à durée déterminée est impossible, à moins qu’elle n’intervienne durant la période d’essai du salarié ou bien qu’elle soit justifiée par la conclusion d’un contrat à durée déterminée dans une autre entreprise. Dans ce dernier cas, il reviendra au salarié de rapporter la preuve de ce que la condition est remplie.
Contrairement au licenciement, la démission n’est soumise à aucune condition de forme. Elle peut donc être donnée oralement mais également de manière écrite. Il est cependant conseillé pour des raisons de preuve de transmettre par écrit la décision de démission, soit en envoyant une lettre en recommandé avec accusé de réception soit en la remettant en main propre contre décharge. Cet écrit est important car il permet de déterminer avec précision le point de départ du préavis qui commence à courir le jour ou l’employeur a connaissance de la démission.
L’employeur lui-même a également intérêt à exiger un écrit car sauf mentions particulières contenues dans la lettre, elle permet de présumer le caractère clair et non équivoque de la décision du salarié.
De plus, cette démission n’a pas à être acceptée par l’employeur. Il est donc légitime que la cour de cassation refuse de reconnaître la validité de toute clause contractuelle tendant à entraîner une démission automatique du salarié dans certains cas prévus par le contrat.
Au-delà de cette question de forme, le fond de la démission doit être évoqué.
Pour être valable la jurisprudence énonce que la démission doit, selon la formule consacrée être « l’expression d’une volonté claire et non équivoque. » (Arrêt de principe de la Chambre sociale de la cour de cassation du 21 mai 1980) : Cela revient à dire que la démission doit être donnée en toute connaissance de cause et il ne doit y avoir aucun doute quant à l’intention réelle du salarié. Face à cette exigence, certaines situations ne pourront donc pas être considérées comme répondant aux critères de la démission.
Ce sera notamment le cas de la démission donnée sous la contrainte ou la menace. Dans ce cas, cette dernière sera alors assimilée à un licenciement, la charge de la preuve incombant au salarié. Il en sera de même quand le salarié cesse son travail à la suite du non-paiement du salaire.
De même l’absence injustifiée du salarié, par exemple après un congé payé ou une maladie, ne peut être assimilée à une démission. L’employeur doit d’abord envoyer au salarié une mise en demeure de reprendre le travail, et à défaut de réponse, mettre en place une procédure de licenciement pour absence injustifiée.
Par ailleurs, le salarié qui abandonne son poste après une modification de ses conditions de travail n’est pas considéré comme démissionnaire. Il s’agit d’un manquement aux obligations du contrat que l’employeur peut sanctionner, au besoin, par un licenciement pour faute.
Quand la démission est donnée dans un mouvement d’humeur, de colère, sous le coup d’une forte émotion, etc. les tribunaux reconnaissent au salarié le droit de changer d’avis rapidement. Cette rétractation s’impose à l’employeur. Si celui-ci refuse de prendre en compte le changement d’avis du salarié, la rupture du contrat de travail est assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’employeur doit en assumer les conséquences légales et financières.
Pour finir, la démission devient caduque si le salarié poursuit son travail après l’expiration du préavis et du délai des congés payés et ce avec l’accord de l’employeur.
II) les conséquences relatives à la démission :
Cette démission va donner lieu à un préavis effectué par le salarié dans l’entreprise (on retrouvera ici l’importance de l’écrit car c’est ce dernier qui permet de déterminer avec précision le point de départ du préavis, celui-ci commençant à courir le jour ou l’employeur a eu connaissance de la démission.
En vertu de l’article 1237-1 du code du travail, la durée de ce préavis est fixée par la loi mais uniquement pour des professions spécifiques (journalistes et VRP). Dans le cas contraire, ce préavis peut être prévu par la convention collective, ce qui est le plus fréquent, ou bien par les usages de la profession, sauf stipulation contraire plus favorable dans le contrat de travail. Si le salarié n’effectue pas ce préavis obligatoire, il risque de s’en voir réclamer le paiement par son employeur. Néanmoins la loi prévoit certaines exceptions à ce principe.
C’est notamment le cas quand le salarié demande à être dispensé de préavis et que l’employeur accepte cette dispense. Dans ce cas, le salarié ne devra verser aucune indemnité. Si cette demande émane de l’employeur, celui-ci devra verser une indemnité de préavis au salarié.
Dans certains cas, le salarié n’aura même pas à demander cette dispense car la loi elle-même le prévoira. C’est le cas :
• quand il s’agit d’une femme en état de grossesse apparente, cette dernière devant toutefois avertir son employeur 15 jours avant la date effective de son départ.
• à la fin du congé de maternité ou de création d’entreprise,
• quand l’employeur ne respecte pas ses obligations (non-paiement du salaire, modification du contrat...),
• pendant la période d’essai, sauf si la convention collective prévoit expressément l’exécution d’un préavis.
Le salarié aura donc droit au paiement de son salaire lors de l’exercice de ce préavis. Toutefois, une fois ce préavis terminé, le salarié, étant démissionnaire, ne pourra pas prétendre, contrairement au licenciement et à la rupture conventionnelle du contrat de travail, aux allocations chômage par le salarié, à moins que la démission n’ait été considérée comme légitime par le pôle emploi.
III) le caractère définitif de la démission.
On pourrait penser toute démission définitive. Toutefois, cette démission étant un acte grave, certains salariés souhaitent parfois revenir sur leur décision. Cette rétractation se révèle délicate mais néanmoins admise dans certains cas par la jurisprudence.
La jurisprudence valide tout d’abord la rétractation du salarié lorsque cette dernière est intervenue dans des délais très brefs. En effet, elle estime que de ce comportement résulte la preuve que le salarié n’avait pas une volonté claire et non équivoque de démissionner. Néanmoins, ce bref délai n’étant pas fixé clairement par la jurisprudence, l’insécurité juridique est alors importante pour l’employeur.
Par ailleurs, la jurisprudence offre au salarié la possibilité de se rétracter lorsque sa démission n’a pas été librement consentie. C’est notamment le cas du salarié qui décide de démissionner « sous le coup de la colère », puis se calmant, rétracte sa démission le jour même en reprenant son travail. La jurisprudence valide alors ce comportement, si il intervient toutefois dans de brefs délais.
Pour finir, la cour de cassation valide la rétractation du salarié dans un troisième cas. Un salarié peut plaider en faveur du caractère non spontané de sa démission devant le conseil des prud’hommes lorsqu’il établit que son départ est, en réalité intervenu en raison de manquements graves de son employeur à ses obligations.. Dans ce cas, si la faute de l’employeur est démontrée, la jurisprudence va alors analyser cette démission en une prise d’acte de la rupture qui produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Toutefois, si les faits invoqués ne sont pas constitutifs d’une faute de l’employeur, cet acte sera alors bien considéré comme une démission.
Il est important de préciser que cette prise d’acte de la rupture semble être appréciée de manière large par la jurisprudence, appréciation illustrée notamment par un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 4 février 2009 (pourvoi n°07-42090). Dans cet arrêt, un salarié décide fin 1994 de démissionner afin de faire valoir ses droits à la retraite. En mars 1998, il saisit la juridiction prud’homale, afin de faire analyser cette démission en prise d’acte de la rupture, en fondant sa demande sur un comportement fautif au jour de la démission. La cour de cassation viendra donner raison à ce salarié alors même que cette demande intervient plus de trois ans après la démission. De même dans un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation,en date du 11 mars 2009 (pourvoi n°07-42090), la prise d’acte de la rupture sera là aussi reconnue alors même que le comportement fautif de l’employeur n’était pas invoqué par le salarié dans sa lettre de démission.
La démission est donc un acte important et grave qui doit respecter des conditions particulières pour être valide. Et l’on s’aperçoit que malgré une validité apparente, une rétractation de la part du salarié est quelquefois possible. Cette situation est délicate pour le chef d’entreprise qui au-delà de cet acte individuel a des objectifs économiques et financiers à remplir, qui pourront se voir malmenés par ce doute, notamment lorsque face à la démission d’un de ses salariés, l’employeur décide d’embaucher rapidement. C’est pourquoi, face à ces difficultés, dès lors qu’un doute existe sur les circonstances d’une démission, le chef d’entreprise devra assurément se faire conseiller avant de tirer les conséquences d’une potentielle démission d’un salarié.
Fabien KOVAC