Comment préparer mon entretien préalable de licenciement ?

Par Guilain Lobut, Avocat.

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Explorer : # entretien préalable # licenciement # droits du salarié # assistance juridique

Préparer son entretien préalable de licenciement présente un double intérêt :
- d’une part, à la date de l’entretien préalable, la décision de vous licencier n’est pas définitive et l’employeur peut parfois changer d’avis, compte tenu des échanges qu’il aura eus avec vous au cours de l’entretien préalable ;
- d’autre part, une bonne préparation de l’entretien préalable vous permettra de réunir d’ores et déjà des éléments de preuve, qui pourront être utilisés en cas de contestation ultérieure de votre licenciement devant le Conseil de prud’hommes.

-

La tenue de cet entretien préalable est obligatoire. A défaut, l’employeur peut être condamné à vous payer une indemnité égale au maximum à 1 mois de salaire (article L. 1235-2 du Code du travail).

La lettre de convocation à entretien préalable doit vous être envoyée par courrier recommandé à votre domicile ou vous être remise en main propre contre décharge, au moins 5 jours ouvrables avant la date de l’entretien préalable. Cette lettre précise la raison de l’entretien en indiquant obligatoirement qu’un licenciement est envisagé, la date, l’heure et le lieu de cet entretien (article R. 1232-1 du Code du travail).

L’employeur n’a pas l’obligation de détailler dans cette lettre les motifs précis d’un éventuel licenciement, qui seront seulement abordés au moment de l’entretien préalable.

Cette lettre rappelle également que vous avez le droit de vous faire assister pour cet entretien par une personne de votre choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, en l’absence d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié (liste mise à votre disposition dans chaque section d’inspection du travail et dans chaque mairie).

Se présenter physiquement à l’entretien préalable.

Il est fortement conseillé de se présenter à l’entretien préalable, bien que vous soyez libre de vous y rendre ou non, et que votre absence ne peut constituer une cause de licenciement (Cass. Soc. 28 novembre 2001, n° 99-46.031). Mais en cas de contentieux ultérieur, votre employeur sera tenté de soutenir que votre absence est le signe que vous reconnaissez les fautes et/ou erreurs reprochées. Se présenter à l’entretien préalable est ainsi le meilleur moyen de se défendre puisqu’il vous permettra d’apporter vos explications sur les reproches qui vous sont adressés.

Si vous êtes indisponible ou malade, vous pouvez demander à l’employeur de reporter la date de l’entretien préalable, mais ce dernier n’a aucune obligation de le faire, sauf si votre convention collective ou votre accord d’entreprise le prévoit (Cass. Soc. 6 avril 2016, n° 14-28.815).

Dans l’hypothèse où l’employeur vous proposerait un entretien préalable par téléphone ou par visioconférence, il semble préférable de vous y opposer et de solliciter un entretien physique qui facilitera l’authentification de votre interlocuteur, le dialogue et la consultation éventuelle de documents. Vous restez libre d’accepter pour des raisons pratiques le recours à la visioconférence, mais cela risque de vous désavantager et de vous empêcher de vous défendre de manière optimale.

A ce jour, la jurisprudence refuse qu’un entretien téléphonique puisse se tenir par téléphone (Cass. Soc. 14 novembre 1991, n° 90-44.195 ; CA Aix-en-Provence, 14 février 2020, n° 17/10274). De la même manière, il a été récemment jugé que le Code du travail ne prévoit pas la possibilité d’un entretien préalable par visioconférence, ni celle de déroger au principe d’une rencontre physique, et que le recours à la visioconférence n’est donc pas possible sans l’accord du salarié (CA Grenoble, 7 janvier 2020, n° 17/02442). Dans les circonstances actuelles liées à la pandémie du Covid 19, il n’est cependant pas impossible que cette jurisprudence vienne à être infléchie.

Se faire assister à l’entretien préalable.

Dès le moment où vous recevez votre convocation à entretien préalable, il est nécessaire de contacter sans attendre la personne qui vous assistera lors de cet entretien.

Il est fortement recommandé de se faire assister à l’entretien préalable pour les raisons suivantes :
- cela vous permet de ne pas vous retrouver seul face à votre employeur, et d’être soutenu et aidé pendant l’entretien par une autre personne ;
- un représentant du personnel ou un conseiller du salarié expérimentés pourront poser des questions ou faire des remarques pertinentes, auxquelles vous ne penserez pas forcément dans un contexte stressant ;
- la personne qui vous assiste doit prendre des notes afin de rédiger un compte-rendu de l’entretien préalable, pour en conserver une trace écrite dont vous pourrez éventuellement vous servir plus tard.

Quid de l’enregistrement de l’entretien préalable ?

Qu’il soit proposé par l’employeur ou par vous-même, le recours à l’enregistrement de l’entretien préalable de licenciement semble être un procédé dangereux. En effet, vous ne pouvez pas anticiper la tournure que prendra l’entretien préalable, d’autant plus que vous ne connaissez pas à l’avance les sujets qui seront abordés. L’enregistrement de l’entretien pourrait donc facilement constituer une preuve utilisée contre vous par l’employeur. Par principe, il est donc préférable de s’y opposer.

Quoi qu’il en soit, l’entretien préalable ne peut être enregistré sans l’accord préalable des deux parties. Vous ne pouvez donc vous-même enregistrer cet entretien à l’insu de votre employeur, ce qui constitue un moyen de preuve illicite devant la juridiction prud’homale.

Refuser la surreprésentation de l’employeur à l’entretien préalable.

Afin de vous fragiliser, de vous maintenir sous pression ou de vous faire commettre des erreurs, la Direction peut tenter d’être surreprésentée à l’entretien préalable, en y mandatant 3 personnes ou plus : par exemple le directeur des ressources humaines, un responsable des ressources humaines et votre manager. Vous n’avez pas à accepter cette surreprésentation inéquitable et vous pouvez refuser que plus de 2 personnes représentant la Direction assistent à votre entretien préalable, puisque vous n’êtes vous-même assisté que par une seule personne (CA Versailles 15 mai 2007, n° 06/204). En cas de surreprésentation de la Direction, l’entretien préalable se transforme alors en enquête, ce qui a pour effet de détourner la procédure de son objet (Cass. Soc. 20 janvier 2016, n°14-21.346).

Par ailleurs, l’employeur ne peut pas être assisté par une personne extérieure à l’entreprise (Cass. soc. 27 mai 1998, n°96-40.741).

Écouter les reproches de l’employeur.

Le Code du travail prévoit qu’au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée (article L. 1232-3 du Code du travail).

Ainsi, il convient d’écouter les reproches que vous adresse votre employeur. Si cela ne vous semble pas clair, n’hésitez pas à demander, si nécessaire, des explications complémentaires.

Vous pouvez également demander à prendre connaissance des documents susceptibles de justifier la sanction, mais au stade de l’entretien préalable, l’employeur n’a aucune obligation de vous les communiquer (Cass. Soc. 18 février 2014, n° 12-17.557).

Selon les situations et le type de reproches, il peut également être plus stratégique de ne pas demander ces documents, car cela pourrait alerter l’employeur sur son manque ou son absence de preuve.

Donner vos explications.

Il convient de contester, point par point, les reproches qui vous sont adressés, en apportant vos explications et en étant le plus factuel possible.

Attention : il s’agit d’un exercice délicat. Les informations que vous apporterez peuvent amener votre employeur à reconsidérer l’éventualité de votre licenciement, mais peuvent également le conduire à modifier ses reproches au dernier moment lors de la rédaction de la lettre de licenciement. En cas de doute, il est préférable de rester concis dans vos explications.

Au terme de l’entretien préalable, votre employeur peut tenter de vous soumettre, pour signature, son propre compte rendu de l’entretien. Il est conseillé de ne rien signer sur le moment, notamment sous la pression. Selon les situations, il peut cependant être intéressant de détenir un compte rendu signé des 2 parties, dont chacune conservera un exemplaire. Dans ce cas, demandez à bénéficier d’un délai supplémentaire pour le relire, apporter éventuellement vos modifications, et n’hésitez pas à consulter un avocat en cas de doute sur son contenu, avant toute signature.

Guilain Lobut
Avocat au barreau de Paris
Email : gl chez lobut-avocat.com
Site : guilainlobutavocat.fr

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  • par David Chapman , Le 1er août 2020 à 11:20

    Mon employeur vient de fermer le site ou je travaille ( 30.06.20). La décision de fermer le site avait lieu en novembre 2019.

    J’ai reçu l’option ou de travailler sur un autre site, ou de prendre le licenciement. J’ai mené les discussions avec mon responsable en juin, par Skype , pour voir la possibilité de travailler sur un autre site. J’aurais du accepter une rétrogradation importante, et plusieurs autres inconvénients. Donc ces discussions autour du licenciement ont eu lieu déjà.

    J’ai déjà informé mon employeur de ma décision, et j’ai déjà mis en place les formations suite au licenciement 30.06.20.

    Maintenant mon employeur insiste sur un entretien physique ( convocation par lettre recommandée, sans protocole de Coronavirus) le 25.08. Le seul objectif d’un tel entretien est de voir que toutes options de retenir le poste ont été étudiées. Nous l’avons fait déjà.

    Je suis dans un groupe haut risque de Coronavirus. Je ne me déplaçais pas professionnellement depuis mars 2020. Toutes mes tâches professionnelles j’ai pu faire par Skype. J’ai demandé mon employeur de faire cet entretien par Skype.

    Jusqu’à quel point est-ce que je peux insister qu’on fasse l’entretien par Skype ?

    Cordialement

    David CHAPMAN

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