Autorité parentale et religion de l’enfant.

Par Barbara Regent, Avocat.

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Explorer : # autorité parentale # éducation religieuse # litiges familiaux # intérêt de l'enfant

La jurisprudence considère que l’éducation religieuse des enfants relève de l’exercice en commun de l’autorité parentale. Cette dernière est définie par le code civil comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.

-

L’autorité parentale est définie par deux articles 371-1 et 373-2 du Code civil :
- elle constitue un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant, pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité ;
- la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale. Le père et la mère sont tous deux titulaires de l’autorité parentale, quel que soit le mode de résidence de l’enfant et son temps de présence auprès de chacun de ses deux parents.

Sur le fondement de ces deux articles, les juges considèrent que pour les décisions les plus importantes guidant la vie de l’enfant les deux parents, qu’ils soient en couple ou séparés, doivent être en accord.

La justice définit les décisions concernées comme :

« des actes qui, en raison de leur caractère inhabituel ou de leur incidence particulière dans l’éducation et la santé de l’enfant, impliquent une réflexion préalable sur leur bien-fondé » [1].

L’exemple de l’éducation religieuse.

La jurisprudence considère que l’éducation religieuse des enfants relève de l’exercice en commun de l’autorité parentale [2]. Les juges rattachent l’éducation religieuse à la « moralité » qui figure aux côté de la santé et de la sécurité dans la rédaction précitée de l’article 371-1 du Code civil.

Dans le même sens, la cour d’appel de Caen a jugé que :

« l’exercice de l’autorité parentale conjointe suppose que les parents s’informent et se concertent pour toutes les questions importantes concernant les enfants, au rang desquels les questions de scolarité, de pratique sportive ou d’éducation religieuse » [3].

Nombreux sont les litiges qui concernent les pratiques ou rites religieux.

Ainsi, a été jugé contraire aux règles de l’autorité parentale conjointe le fait qu’une mère ait demandé, à la directrice de l’école, sans avoir sollicité l’accord du père, que leur fils ne mange pas de porc à la cantine, alors qu’elle n’était pas sans savoir que son mari s’y opposait, n’étant pas favorable à la transmission d’une éducation religieuse [4].

De même, une conversion religieuse nécessite un accord explicite des deux parents. A ainsi été jugé insuffisant pour caractériser un tel accord un courrier d’un parent indiquant :

« je n’ai jamais été contre que les enfants suivent l’éducation religieuse que tu voulais qu’ils aient et pour laquelle j’ai toujours été d’accord » [5].

En cas de conflit relatif à l’exercice de l’autorité parentale, y compris en matière d’éducation religieuse, l’office du juge consiste, conformément à l’art. 373-2-11 du code civil, à rechercher une volonté originaire commune reposant sur un engagement parental [6].

Ainsi, la cour d’appel de Paris considère que :

« si le choix d’une pratique religieuse relève de la liberté de conscience de chacune des parties, les options prises durant la vie commune doivent guider le juge dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande au regard de l’éducation religieuse d’un enfant » [7].

Les modes amiables de règlement des différends (MARD) permettent le plus souvent d’arrêter l’escalade du conflit et de respecter l’enfant dans son besoin de vivre sereinement. Il ne faut pas hésiter à y recourir.

Barbara Régent,
Avocate au Barreau de Paris, co-fondatrice des associations Les Avocats de la Paix et Humanethic
https://www.regentavocat.fr/

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Notes de l'article:

[1CA Douai, 24 mai 2018, n° 17/02569.

[2CA de Versailles, 10 février 2011, nº 10/00243.

[3CA de Caen, 3 mars 2011, nº 10/00656.

[4CA de Paris, Pôle 3, Chambre 3, Arrêt du 5 juin 2014, nº 12/23675.

[5CA Nîmes, ch. civ. ch. 2 c, 20 juin 2012, n° 10/02716.

[6V F. Boulanger, Autorité parentale et formation religieuse des mineurs, Essai comparatif, Dr. fam. 2013, Étude 14.

[7CA de Paris, 14 novembre 2013, nº 13/07758.

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Discussion en cours :

  • par Parent prônant l’ouverture , Le 15 août 2023 à 18:56

    Bonjour et merci pour cet article.

    Certaines limites sont évoquées en exemple, sauriez-vous ce qu’il en est pour les suivantes :
    - Jusqu’où s’étend le périmètre de "l’éducation" ou "la pratique religieuse" ? Par exemple la participation à des associations religieuses d’aide aux défavorisés, ou au scoutisme doivent elles recueillir l’approbation des deux parents ? Dans ce cas, l’activité n’est pas religieuse, certains moments (prières ou autres) peuvent l’être mais le participant est libre de ne pas y participer, du coup, les deux parents doivent-ils donner leur accord ?
    - La notion de religion peut également être large. Cela pourrait par exemple être Chrétien, ou alors un niveau de granularité inférieur Catholique ou Protestant, ou niveau inférieur encore un sous-mouvement de ces dernières, ou même "seulement l’église du 3ème arrondissement de Marseilles parce que je n’ai pas confiance dans l’autre église". Jusqu’à quel niveau un parent peut-il imposer des limites à l’autre, large (du moment que c’est chrétien c’est bon) ou à la discrétion du parent (choix au niveau de l’église, prêtre...)

    Merci beaucoup.

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