L’article 673 du Code civil dispose :
« Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.
Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible ».
Reprenons les différentes parties de cet article pour les commenter.
a) Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper.
Ce principe découle du droit de propriété : si les branches s’avancent sur la propriété voisine, elles violent le droit de propriété de ce voisin.
Le principe est donc que le voisin propriétaire peut être contraint à couper les branches. Cette contrainte se fait par une action en justice et l’effet d’un jugement qui ordonnera sous astreinte le voisin d’élaguer l’arbre. On note que le voisin qui subit l’invasion des branches ne peut pas couper lui-même ces branches. Ce serait un acte de justice privée.
Cette action en justice doit être précédée d’une tentative de résolution amiable (d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative) à peine d’irrecevabilité de l’action en justice.
Le litige concerne uniquement les propriétaires des fonds : les locataires ne peuvent l’invoquer entre eux ou contre le propriétaire voisin ni être assignés par le propriétaire voisin :
« Attendu, selon le jugement attaqué (Tribunal d’instance de Douai, 24 août 2012), que M. et Mme X... ont assigné M. Y..., leur voisin, en arrachage et élagage d’arbres, en limite séparative des deux fonds ; que M. Y... ayant procédé aux travaux demandés, M. et Mme X... ont demandé à l’audience sa condamnation à leur verser 1 euro de dommages-intérêts ;
Attendu que M. et Mme X... font grief au jugement de les débouter de leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que si la demande de respect des distances et hauteurs des plantations doit émaner du propriétaire lésé, elle peut être dirigée contre tout voisin, fût il locataire et que figurent parmi les obligations du locataire, la taille, l’élagage et l’échenillage des arbres et arbustes (violation des articles 671, 672 et 673 du Code civil et de l’annexe au décret n° 87-712 du 26 août 1987) ;
Mais attendu qu’une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ; qu’ayant constaté que M. Y... occupait sans en être propriétaire le fonds sur lequel étaient plantés les arbres objet du litige, le tribunal en a exactement déduit que l’action fondée sur les articles 671 et suivants du Code civil ne pouvait pas prospérer » [1].
Les deux propriétés doivent être contiguës et non séparées par une voie :
« les dispositions de l’article 673 du Code civil, conférant au propriétaire du fonds, sur lequel s’étendent les branches d’un arbre implanté sur le fonds de son voisin, le droit imprescriptible de contraindre celui-ci à les couper, ne sont applicables qu’aux fonds contigus » [2] et l’article 673 du Code civil aux termes duquel, celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper, n’est pas applicable aux fonds séparés par un chemin privé [3].
Le droit d’obtenir cet élagage s’applique quels que soient l’âge et l’importance de l’arbre et même si l’arbre peut en mourir [4].
La référence au dommage causé à l’écosystème est indifférente, de même que le fait que l’arbre ne cause aucun trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage :
« Attendu que pour rejeter la demande, l’arrêt retient que le chêne bicentenaire est répertorié comme arbre remarquable dans le plan vert de la commune, qu’il ne présente pas de danger pour le voisin, que toute taille mettrait en danger son devenir, causant ainsi un dommage irréparable à l’écosystème, qu’aucun trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage n’est établi par M. X..., et que la demande de celui-ci constitue en fait une demande déguisée de destruction de l’arbre qui se heurte aux prescriptions de l’article 672 du Code civil ;
Qu’en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à justifier une restriction au droit imprescriptible du propriétaire sur le fonds duquel s’étendent les branches de l’arbre du voisin de contraindre celui-ci à les couper, la cour d’appel a violé le texte susvisé » [5].
Les juges ne peuvent, pour rejeter la demande d’élagage, retenir que les arbres ont fait l’objet d’un élagage à l’exception d’une branche sur un arbre à sept mètres de hauteur surplombant la parcelle voisine et qu’il résulte d’un courrier de l’ONF que la conservation de la branche litigieuse améliore l’équilibre de l’arbre qui, autrement, serait déséquilibré par la suppression de toutes les branches du même côté et que cela causerait un péril encore plus important [6].
On notera qu’il est impossible d’obtenir une condamnation globale du voisin à procéder à un élagage chaque année, pour les années à venir :
Vu l’article 673 du Code civil :
« Aux termes de ce texte, celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper ».
« Pour condamner sous astreinte M. et Mme [E] à un élagage annuel des deux arbres, l’arrêt retient qu’il est constant que des branches du cèdre dépassent sur le fonds voisin et que le jugement doit également être infirmé en ce qu’il rejette la demande d’élagage de l’érable.
En statuant ainsi, alors qu’il ne peut être présumé pour l’avenir de la méconnaissance par un propriétaire de son obligation légale d’élagage, la cour d’appel a violé le texte susvisé » [7].
b) Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.
Mais il ne faut pas les faire tomber volontairement ou les cueillir avant qu’ils soient tombés.
c) Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Il s’agit donc là d’une sorte de justice privée autorisée par le Code civil.
On notera que les juges admettent aussi que si des racines (de peupliers en l’espèce) sont sur la propriété voisine, les arbres eux-mêmes peuvent être abattus :
« Attendu, selon l’arrêt attaqué [8], que les consorts X..., se plaignant de l’avancée, sur leur terrain, des racines des peupliers implantés sur la parcelle de M. et Mme Y..., les ont assignés en arrachage de ces arbres, sur le fondement de l’article 673 du Code civil, en invoquant l’impossibilité de procéder à une simple coupe des racines ;
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l’arrêt d’ordonner l’abattage de leur haie de huit peupliers ;
Mais attendu qu’ayant relevé, d’une part, que les racines horizontales des peupliers plantés chez M. et Mme Y... avançaient sur le jardin des consorts X..., comme en attestait la présence de plusieurs drageons de peupliers, d’autre part, que, selon le rapport de l’expert, il était impossible de connaître la quantité de racines présentes dans le jardin, que leur coupe impliquerait un travail colossal endommageant totalement celui-ci, qu’elle fragiliserait les peupliers qui deviendraient dangereux et qu’en réalité ce type d’opération ne se pratiquait pas, le retrait des racines nécessitant en fait la coupe entière de l’arbre, voire son dessouchage, la cour d’appel, qui a souverainement retenu qu’il était impossible de couper les racines des peupliers uniquement dans la propriété X..., a pu en déduire, sans se fonder sur l’existence d’un trouble anormal de voisinage, que l’abattage des arbres devait être ordonnée » [9].
d) Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible.
Cela signifie en particulier que si celui sur la propriété de qui avancent les branches des arbres du voisin tient de l’article 673 du Code civil le droit d’en réclamer l’élagage, le non-exercice de cette faculté, en l’absence de convention expresse, constitue une tolérance et ne saurait caractériser une servitude dont la charge s’aggraverait avec les années [10].
En outre le non-exercice de la faculté prévue par l’article 673 du Code civil, en l’absence de convention expresse, constitue une simple tolérance et ne caractérise pas une servitude dont la charge s’aggrave avec les années, et la constitution d’une servitude par destination du père de famille ne peut pas être opposée au voisin qui sollicite l’application d’un droit imprescriptible, insusceptible de se voir limiter par la constitution d’une servitude dans l’hypothèse d’un non-exercice alors que les plantations ont considérablement poussé depuis des années [11].
A noter cependant que « l’article 673 du Code civil n’est pas d’ordre public et qu’il peut y être dérogé, la cour d’appel, qui a relevé que les articles 12 et 13 du cahier des charges imposaient le maintien et la protection des plantations quelles que soient leurs distances aux limites séparatives, et qui a, sans dénaturation, souverainement retenu, d’une part, que l’arbre litigieux se trouvait sur le plan de masse et, d’autre part, que la coupe des branches du pin parasol entraînerait une mutilation contraire à l’objectif contractualisé de conservation de la végétation existante, en a justement déduit que la demande d’élagage présentée par M. X... devait être rejetée » [12].
Conclusion : l’article 673 du Code civil a encore de beaux jours devant lui, et ceci d’autant plus que la Cour de cassation a jugé que le texte de l’article 673 ne justifiait pas une question prioritaire de constitutionnalité :
« Attendu que, saisi par M. et Mme X... d’une demande en élagage des branches empiétant sur leur fonds, à l’encontre de M. Y..., leur voisin, le Tribunal d’instance de Limoges a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
"L’article 673 du Code civil, en ce qu’il autorise le voisin à contraindre le propriétaire à couper les branches des arbres surplombant le fonds voisin sans possibilité pour le propriétaire de l’arbre d’opposer un quelconque moyen en défense, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis, d’une part, par le préambule, les articles 1 à 4 et 6 de la Charte de l’environnement et, d’autre part, par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ?" ;
Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige et n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;
Attendu qu’au regard du préambule et de l’article 6 de la Charte de l’environnement, la question ne présente pas un caractère sérieux en ce que ces dispositions n’instituent pas de droit ou de liberté que la Constitution garantit ; que leur méconnaissance ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité ;
Attendu qu’au regard des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 la question, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les dispositions législatives en cause, qui n’ont ni pour objet ni pour effet de priver le propriétaire des arbres de son droit de propriété, mais seulement d’en restreindre l’exercice, tendent à assurer des relations de bon voisinage par l’édiction de règles relatives aux végétaux débordant les limites de propriété, proportionnées à cet objectif d’intérêt général ;
Attendu qu’au regard des articles 1 à 4 de la Charte de l’environnement, la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que le texte contesté, qui édicte des règles relatives aux arbres, arbustes et arbrisseaux situés en limite de propriété et dont les branches surplombent le fonds voisin, a un caractère supplétif, n’autorise l’élagage des branches que sous réserve que ces plantations ne fassent pas l’objet de stipulations contractuelles ou d’une protection en application de règles particulières et qu’eu égard à l’objet et à la portée de la disposition contestée, l’élagage des branches qu’elle prévoit ne peut avoir de conséquences sur l’environnement ;
D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ».
Discussions en cours :
C’est un article très éclairant concernant nos droits et responsabilités en tant que propriétaire et voisin. Il est dommage que la ville n’ait pas un règlement concernant l’abus et l’incompréhension d’un voisin qui refuse une demande d’élaguer son arbre. Un voisin ne peut pas couper que 4 ou 5 branches et nous dire qu’il a élagué son arbre. Si ces travaux d’élagage ne corrige pas le problème d’obstruction, il nous reste que la mise en demeure et la poursuite. Merci
Bonjour, qu’en est-il d’arbre centenaire poussant a 5 m de la limite de propriété et dont les branches situées à environ 10 m sol pour les plus basses, dépassent sur la propriété du voisin.(c’est un pin). Ce sujet n’a pas été évoqué ni solutionné. Merci pour un avis.