Que devient le domicile après une rupture de concubinage ?

Par Juliette Daudé, Avocate.

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Explorer : # rupture de concubinage # domicile familial # propriété immobilière # bail locatif

Selon Napoléon : « Les concubins ignorent la loi, la loi les ignore ». Cela ne semble plus d’actualité ! En effet, si le concubinage est une union de fait permettant aux couples de vivre loin des règles juridiques entourant le mariage ou le PACS, le législateur a dû finalement intervenir au vu du grand nombre de conflits que la rupture peut engendrer. Un des motifs de dispute les plus récurrents est le sort de la maison.

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Rappelons dans un premier temps que l’article 515-8 du Code civil défini le concubinage comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple  ».

Le concubinage suppose donc la réunion de trois éléments :

- Un couple hétérosexuel ou homosexuel : des frères et sœurs ou de simples amis ne peuvent être considérés comme concubins

- Une vie commune : le couple doit vivre dans le même logement, bien que peuvent être considérés concubins un couple qui ne partage pas à temps complet leur domicile.

- Une relation stable et continue.

La rupture du concubinage est libre. Se pose alors la question du sort du domicile familial.

• Vous êtes propriétaire.

- Si la maison est un bien appartenant à l’un des concubins.
Le bien acquis par l’un des concubins seul, que ce soit avant ou pendant la vie commune, lui appartient. Il en est de même s’il lui a été donné ou légué.
Si l’autre concubin a financé une partie du bien (par exemple via le remboursement d’un prêt), il faudra faire les comptes, sauf à considérer qu’il s’agissait d’un don.
Le concubin en sa qualité de propriétaire unique, pourra gérer sa maison à sa guise : y vivre, la vendre, la louer, la léguer et même la donner, sans l’accord de son ex compagnon.

- Si la maison est un bien acquis par les deux concubins.
Le bien acheté en commun par les concubins suit le régime des biens indivis. Chaque membre du couple en est propriétaire à moitié sauf si le titre de propriété précise la proportion dans laquelle chacun en est propriétaire. Dans ce cas-là, chacun est détenteur à proportion de la part qu’il a payée.

En cas de rupture, les concubins peuvent soit :

- vendre le bien et se partager les bénéfices à proportion de la part de chacun.
- attribuer le logement à l’un des concubins qui rachètera la part de l’autre.

En attendant la vente ou le rachat de la maison, le concubin occupant le domicile devra verser à son ex compagnon une indemnité d’occupation du logement et ce à partir du jour de son départ.
S’il existe un crédit et que l’un des ex concubins ne rembourse plus sa part, celui qui règle l’intégralité des échéances pourra faire valoir ce « trop-payé » lors de la répartition du produit de la vente.

- La preuve de la propriété de la maison.
Si la qualité de propriétaire de l’un ou de l’autre n’est pas clairement établie, il convient de le faire.
La preuve de la propriété du bien ou de la part contributive de chacun dans l’achat du bien, est libre et se fait par tous moyens : titre de propriété, acte de vente, preuve de versement d’argent, de souscription à un prêt immobilier, etc.

En cas de désaccord, le juge apprécie souverainement les preuves qui lui sont soumises. Dans l’hypothèse où la proportion de chacun des concubins ne serait pas précisée, le bien est présumé leur appartenir à chacun à moitié, sauf preuve contraire.

• Vous êtes locataire.

- Si le logement est loué par un seul concubin.
En cas de rupture, seul le concubin signataire du contrat de bail est redevable des loyers du logement.

Le concubin hébergé ne pourra pas bénéficier d’une continuation du bail et devra quitter le logement. Il en est de même si le titulaire du bail décide de résilier son contrat. Le concubin non locataire n’a aucun droit sur le logement et ce, même s’il a contribué au paiement des loyers.
Toutefois, dans le cas où le titulaire du bail décide de quitter le logement, l’autre concubin pourra se maintenir dans le logement et demander à reprendre le bail à son nom, s’il apporte la preuve qu’il y vit depuis au moins un an. Une nouvelle signature du bail n’est pas nécessaire.
Enfin, si le concubin non titulaire du bail s’était porté caution du paiement des loyers, il reste tenu par son engagement sauf à le résilier dans les conditions prévues par le contrat.

- Si le logement est loué par les deux concubins.
Lorsque les deux membres du couple sont locataires, c’est-à-dire lorsqu’ils ont tous les deux signé le contrat de bail, ils sont redevables solidairement des loyers et des charges. Cette solidarité dure jusqu’à ce que la vie commune cesse et que le concubin partant signifie son congé de bail au propriétaire. Le concubin restant ne peut être expulsé suite à cela. Il devra tout de même demander au propriétaire la reprise du bail à son nom.

Attention : le propriétaire n’est pas tenu de faire droit à cette demande.

Juliette Daudé
Avocate à la Cour
Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 29 juillet 2020 à 12:16
    par Tortuga , Le 21 septembre 2014 à 00:23

    Napoléon avait bien raison : le concubinage, ça ne regarde pas la Loi.

    On ne demande rien à la Loi, elle devrait nous laisser tranquille et s’occuper de ses affaires au lieu de se mêler de tout.

    • par FLIX , Le 23 septembre 2014 à 17:35

      Cher(e) Tortuga,
      La libre volonté de deux individus de "décider" de vivre en concubinage ne concerne effectivement pas la Loi.
      D’ailleurs elle ne le fait pas puisqu’elle n’interdit ni ne limite ce choix de communauté de vie entre adultes y consentant librement et de manière éclairée.
      En revanche, que vous le vouliez ou non, les droits et devoirs au sein de cette communauté ou de celle-ci à l’égard des tiers et de la société en général restent régis par cette Loi, a fortiori lorsque ce type de communauté de vie, elle aussi, en vient à se déliter.
      Car croyez vous vraiment, dans ce cas, aux bienfaits d’une société ne posant pas de (justes) limites aux excès de l’Homme lorsqu’il s’agit notamment des conséquences matérielles ou parentales de la "liquidation" pas toujours pacifique d’une telle communauté de vie ?
      Napoléon n’aura pas toujours fait preuve de raison ou de nuance.
      Je reste donc surpris par votre commentaire, qui plus est sur ce site dédié aux praticiens du droit.
      Si l’on sert aujourd’hui en exemple l’œuvre de ce grand homme qu’est "son" code civil, la Loi a pu adapter celui-ci aux besoins de deux siècles d’évolution de notre société.
      Fort heureusement.
      FLIX

    • par Correcteur , Le 25 septembre 2014 à 14:21

      Je doute seulement que Napoléon ait écrit "la loi les ignorent"...

    • par Juliette Daudé , Le 25 septembre 2014 à 14:47

      Vous avez tout à fait raison, il s’agit d’une erreur d’inattention. Mille excuses !

    • par Tortuga , Le 28 septembre 2014 à 12:49

      Il y a, dans cette situation, un abus de la part de la Loi. Celle-ci est censée permettre la vie en société, et non pas régir chaque aspect de la vie de chacun.

      C’est une dérive hélas de plus en plus fréquente : la Loi commence à se mêler absolument de tout. Je peux comprendre que les spécialistes du droit aiment voir la Loi (leur objet de travail) partout, mais ce n’est pas le cas de toute la population. C’est un abus.

      Lorsque deux personnes ont choisi le concubinage plutôt que le PACS ou le mariage, c’est à priori parce qu’elles ne voulaient pas vivre sous un régime juridiquement contraignant. Mais là loi vient quand même se mêler de leurs affaires.
      Il n’est plus possible à un couple de vivre ensemble sans que la Loi ne s’en mêle. Il n’est plus possible de vivre en couple sans s’engager car la Loi a décidée d’imposer sa vision morale à tous. La liberté de choix, la liberté de mener comme on l’entend sa vie privée sans qu’autrui/la société/la Loi ne s’en mêle est attaquée.

      Au nom de quoi la société/la Loi s’immisce-t-elle dans la vie de tous les jours des citoyens ?

    • par Tortuga , Le 28 septembre 2014 à 12:52

      Je lis : "que vous le vouliez ou non, les droits et devoirs au sein de cette communauté"

      C’est un argument creux : ce n’est pas parce qu’on a des devoirs qu’on a en particulier les devoirs que vous souhaiter imposer à autrui.
      C’est le sophisme classique qui est systématiquement invoqué lorsqu’il est question de restreindre les libertés individuelles au nom des "devoirs".

    • par broussard.muriel , Le 28 septembre 2014 à 16:03

      Je me suis rendu compte que mon mari entretenais une relation suivi avec une avocate, qui résident
      dans le même immeuble que nous, que dois je faire ?

    • par Alain , Le 7 août 2015 à 10:42

      La loi ne régit pas certains aspects du concubinage ce qui est au contraire bien dommageable. Ainsi, l’attribution préférentielle du logement loué ordonnée par le juge est une possibilité ouverte aux époux et aux partenaires pacsés mais pas aux concubins cosignataires du bail. Une conséquence bien regrettable est que lors de la séparation de ces derniers, il est impossible de régler le sort du logement judiciairement. Il va alors subsister une situation où des concubins déchirés se disputent le logement indéfiniment, sans solution possible.

    • par Guillaume , Le 29 juillet 2020 à 12:16

      Un conjoint pacsé qui a quitté le domicile, peut il revenir à sa guise dans le domicile acheté mutuellement quelques années auparavant sans tenir informé de ses venus l’autre conjoints. Pouvons nous exiger d’être tenu informé de ces passages et de l’intention de ses derniers ?

  • Dernière réponse : 3 août 2018 à 11:33
    par Alain , Le 5 août 2015 à 16:35

    Concernant la solidarité en cas de départ d’un des deux concubins cosignataires :

    Droit antérieur : si les concubins co-signataires du contrat de bail sont tenus solidairement du paiement des loyers, dans ce cas le congé donné par l’un ne produira aucun effet et il sera toujours tenu de payer les loyers même s’il ne réside plus dans l’appartement. (Cass. 3e civ., 8 nov. 1995, no 93-17.110, Bull. civ. III, no 220).
    Toutefois, la solidarité ne peut se poursuivre au-delà de la période pour laquelle elle a été stipulée c’est-à-dire l’expiration du bail (Cass. 3e civ., 12 juill. 2000, no 98-15.868, Loyers et copr. 2001, comm. 5).

    Droit positif : la loi ALUR intègre l’article 8-1 à la loi du 6 juillet 1989 qui est applicable dans les conditions de droit commun. Il dispose en son VI que :

    « La solidarité d’un des colocataires et celle de la personne qui s’est portée caution pour lui prennent fin à la date d’effet du congé régulièrement délivré et lorsqu’un nouveau colocataire figure au bail. A défaut, la solidarité du colocataire sortant s’éteint au plus tard à l’expiration d’un délai de six mois après la date d’effet du congé ».

    Votre dernier paragraphe ne me semble donc pas tout à fait correct si je l’ai bien compris !

    • par Logan , Le 3 août 2018 à 11:33

      Bonjour.
      votre article est très bien écrit.
      je me permets de vous poser une autre question sur le concubins :
      Après une rupture, est-ce que le concubin qui a un salaire plus élevé doit verser une pension alimentaire à son ex-concubin ?
      merci d‘avance.
      Logan

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