Lundi de Pentecôte et journée de solidarité : modalités pratiques.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # journée de solidarité # durée du travail # temps partiel # rémunération

La journée de solidarité, issue de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, consiste en une journée de travail supplémentaire. Comme son nom l’indique, elle est destinée au financement d’actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées.
(Article actualisé par l’auteur en mai 2024).

-

1/ Fixation de la journée de solidarité.

a. Accord collectif ou DUE.

Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe les modalités d’accomplissement de la journée de solidarité [1].

Cet accord peut prévoir :

1° Soit le travail d’un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;

2° Soit le travail d’un jour de repos accordé au titre de l’accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44 (aménagement du temps de travail) ;

3° Soit toute autre modalité permettant le travail de 7 heures précédemment non travaillées en application de stipulations conventionnelles ou des modalités d’organisation des entreprises.

A défaut d’accord collectif (d’entreprise ou de branche), les modalités d’accomplissement de la journée de solidarité sont définies par l’employeur, après consultation du CSE [2].

Dans une telle hypothèse, l’employeur doit donc établir une décision unilatérale de l’employeur (DUE) pour fixer la journée de solidarité.

Quand il fixe la journée de solidarité unilatéralement, l’employeur peut utiliser les mêmes modalités de fixation que celles qui sont ouvertes à la négociation collective [3].

Cependant, la DUE ne peut pas contredire les accords en vigueur dans l’entreprise.

A titre d’exemple, lorsqu’un accord d’entreprise prévoit le bénéfice de deux ponts annuels payés, la journée de solidarité ne peut pas être fixée unilatéralement par l’employeur le jour de l’un de ces deux ponts [4].

b. Positionnement de la journée de solidarité.

Jour entier.

La journée de solidarité peut être effectuée au titre d’un jour férié autre que le 1er mai, d’un jour de repos accordé au titre de l’accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44 du Code du travail (aménagement du temps de travail sur plusieurs semaines) ou de toute autre modalité permettant le travail de 7 heures précédemment non travaillées [5].

Dans tous les cas, l’accord doit préciser clairement la journée retenue comme journée de solidarité et ne peut en aucun cas se borner à renvoyer à l’employeur le soin d’en décider unilatéralement [6].

Lorsqu’un jour férié tombe un dimanche, la règle du repos dominical prévaut et le salarié ne peut donc pas effectuer sa journée de solidarité ce jour-là [7].

NB. Pour les départements d’Alsace-Moselle, l’accord ou la DUE fixant la journée de solidarité ne peut désigner ni le premier ou le second jour de Noël ni, indépendamment de la présence d’un temple protestant ou d’une église mixte dans les communes, le Vendredi Saint comme la date de la journée de solidarité [8].

Fractionnement.

L’accomplissement de la journée de solidarité peut être scindé en heures et résulter ainsi d’un fractionnement.

La seule exigence est que le fractionnement soit effectif et corresponde à un travail supplémentaire de 7 heures par an.

Il convient donc de veiller à ce que ces tranches horaires correspondent bien à un travail effectif [9].

En cas de fractionnement, des modalités spécifiques doivent être prévues pour les salariés placés dans une situation particulière en raison, par exemple, de la convention annuelle de forfait-jours ou heures qui leur est applicable ou de la circonstance qu’ils travaillent à temps partiel [10].

c. Situations particulières.

L’Administration a apporté des précisions concernant les salariés placés dans des situations particulières.

Salariés à temps partiel.

Dans le cas des salariés à temps partiel, la journée de solidarité doit être effectuée en effectuant un prorata [11] :

Par exemple, un salarié à temps partiel ayant un horaire contractuel de 20 heures par semaine doit effectuer 7/35 × 20, soit 4 heures au titre de la journée de solidarité.

Pour les salariés qui cumuleraient deux temps partiels, il convient de distinguer deux situations :
- Le cumul des deux emplois ne dépasse pas la durée légale : dans ce cas, le mécanisme de la proratisation défini ci-dessus s’applique ;

- Le cumul des deux emplois dépasse la durée légale : les 7 heures sont dues à l’un et l’autre des employeurs au prorata de la durée contractuelle respective.

Salariés mis à disposition.

Dans le cas où le salarié est mis à la disposition d’une entreprise utilisatrice dans le cadre d’une prestation de service (gardiennage, restauration, entretien…), l’accord collectif ou, le cas échéant, la DUE peut prévoir que la journée de solidarité due par le salarié est celle applicable dans l’entreprise utilisatrice [12].

Plusieurs cas de figure doivent être distingués :

- La journée de solidarité fixée dans l’entreprise prestataire ne correspond pas à celle(s) fixée(s) dans l’(les) entreprise(s) utilisatrice(s) : la date de la journée de solidarité qui doit être prise en compte correspond nécessairement à celle de l’entreprise utilisatrice ;

- Les 7 heures au titre de la journée de solidarité sont accomplies en une seule fois dans une seule des entreprises utilisatrices : le salarié est alors dégagé de son obligation au titre de la journée de solidarité vis-à-vis des heures de travail accomplies au sein des autres entreprises ;

- Dans le cas inverse où les 7 heures au titre de la journée de solidarité sont accomplies en plusieurs fois auprès de plusieurs entreprises utilisatrices, la solution passe nécessairement par une modalité d’accomplissement fractionnée de la journée de solidarité, à l’instar de la situation des salariés à temps partiel auprès de plusieurs employeurs.

Entreprises fonctionnant en continu.

Cette hypothèse recouvre le cas des entreprises généralement ouvertes 365 jours de l’année (entreprises de transport, cinémas, etc.) mais également celui du travail posté en continu où des équipes se relaient aux différents postes de travail 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 afin que le processus de production ne s’interrompe pas.

Dans cette hypothèse, l’organisation du travail comporte obligatoirement une modalité de prise du repos hebdomadaire par roulement (le travail en continu comporte nécessairement la possibilité de déroger au repos dominical).

Tous les salariés pouvant ne pas être présents le même jour, l’employeur doit en conséquence pouvoir fixer plusieurs journées de solidarité.

Il peut les fixer par catégories de salariés ou individuellement [13].

Journée de solidarité coïncidant avec un jour habituellement non travaillé.

Dans le cas où un accord collectif fixerait la date de la journée de solidarité, l’employeur peut néanmoins fixer unilatéralement une date différente pour les salariés ne travaillant pas la journée de solidarité conventionnelle en raison de leur repos hebdomadaire pris cette journée ou d’une activité à temps partiel n’incluant pas ladite journée de solidarité comme jour de travail [14].

Uniformité de la journée de solidarité.

A l’exception des entreprises fonctionnant en continu, un accord collectif ou l’employeur ne peuvent pas fixer plusieurs journées de solidarité dans une entreprise pour des salariés placés dans des situations différentes, comme par exemple, des journées différentes dans chaque atelier de l’entreprise [15].

2/ Traitement en paie.

Le travail accompli, dans la limite de 7 heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération [16] :

1° Pour les salariés mensualisés dans cette limite de 7 heures ;
2° Pour les salariés dont la rémunération est calculée par référence à un nombre annuel de jours de travail, dans la limite de la valeur d’une journée de travail.

L’Administration [17] a apporté les précisions suivantes :

- Pour les salariés compris dans le champ d’application de la loi de mensualisation, un jour supplémentaire est travaillé par rapport aux années précédentes mais sans modification de la rémunération par rapport à la situation antérieure ;

- Toute éventuelle majoration de salaire (ou repos compensateur) prévue par convention ou accord collectif pour le travail des jours fériés n’a pas lieu de s’appliquer ce jour-là ;

- La journée de solidarité peut correspondre, du fait des accords signés ou des décisions unilatérales de l’employeur, à un autre jour qu’un jour férié chômé : jour de RTT, samedi… Elle n’ouvre pas droit, dans ce cas, à rémunération dans la limite des 7 heures ;

- Les salariés non mensualisés, qui ne bénéficient donc pas de l’indemnisation des jours fériés chômés, sont astreints à cette journée de travail supplémentaire, mais sont rémunérés normalement pour le travail accompli durant cette journée de solidarité.

Toutefois, si la date de la journée de solidarité correspond à un jour férié précédemment chômé, toute éventuelle majoration de salaire (ou repos compensateur) prévue par convention ou accord collectif pour le travail des jours fériés n’a pas lieu de s’appliquer.

Pour les salariés à temps partiel, la limite de 7 heures est réduite proportionnellement à la durée contractuelle [18].

Pour les salariés titulaires d’une convention de forfait-jours, la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération dans la limite de la valeur d’une journée de travail [19].

Quelle que soit la situation du salarié, il est recommandé de faire apparaître clairement la journée de solidarité sur le bulletin de paie de manière à apporter la preuve que la journée de solidarité a été effectuée [20].

3/ Impacts sur la durée du travail.

Les heures correspondant à la journée de solidarité, dans la limite de 7 heures ou de la durée proportionnelle à la durée contractuelle pour les salariés à temps partiel, ne s’imputent ni sur le contingent annuel d’heures supplémentaires ni sur le nombre d’heures complémentaires prévu au contrat de travail du salarié travaillant à temps partiel [21].

Elles ne donnent pas lieu à contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures effectuées au-delà de 7 heures ouvrent droit à rémunération et suivent, le cas échéant, le régime des heures supplémentaires [22].

Pour les salariés à temps partiel, les heures effectuées au titre de la journée de solidarité sont sans incidence sur le volume d’heures complémentaires [23].

En cas de fractionnement (cf. § 1.b.), les heures effectuées au titre de la journée de solidarité, dans la limite de 7 heures, continuent de ne pas être qualifiées d’heures supplémentaires, ne donnent pas lieu au déclenchement des droits à repos compensateur et ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires [24].

Enfin, l’accomplissement d’une journée de solidarité (par exemple le samedi) ne peut avoir pour effet d’entraîner un dépassement de la durée hebdomadaire maximale absolue de travail fixée à 48 heures [25].

4/ Journée de solidarité et employeurs successifs.

Le Code du travail règle la situation du salarié changeant d’employeur en cours d’année et ayant effectué la journée de solidarité auprès de son premier employeur.

Lorsqu’un salarié qui a déjà accompli, au titre de l’année en cours, une journée de solidarité s’acquitte d’une nouvelle journée de solidarité en raison d’un changement d’employeur, les heures travaillées ce jour donnent lieu à rémunération supplémentaire et s’imputent sur le contingent annuel d’heures supplémentaires ou sur le nombre d’heures complémentaires prévu au contrat de travail du salarié travaillant à temps partiel [26].

Ces heures donnent lieu à contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Toutefois, le salarié peut aussi refuser d’exécuter cette journée supplémentaire de travail sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement.

Enfin, lorsqu’un salarié est embauché en cours d’année avant l’accomplissement de la journée de solidarité, il n’y a pas lieu de proratiser le nombre d’heures à effectuer au titre de la journée de solidarité [27].

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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Notes de l'article:

[1C. trav. art. L 3133-11.

[2C. trav. art. L. 3133-12.

[3Circ. DRT du 20-4-2005 : Question-réponse n° 4.

[4Cass. soc. 12-6-2013, n° 10-26.175.

[5C. trav. art. L. 3133-11.

[6Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° II : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[7Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° II : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[8C. trav. art. L. 3134-16.

[9Circ. DRT 14 du 22-11-2005.

[10Circ. DRT 14 du 22-11-2005.

[11Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° IV-3 : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[12Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° II : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[13Circ. DRT du 20-4-2005 : Question-réponse n° 8.

[14Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° IV-2 : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[15Circ. DRT du 20-4-2005 : Question-réponse n° 6.

[16C. trav. art. L. 3133-8, al. 1 à 3.

[17Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° VI-2.1.1 : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[18C. trav. art. L. 3133-8, al. 4.

[19C. trav. art. L. 3133-8, al. 4.

[20Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° VI : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[21C. trav. art. L. 3133-9.

[22Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° V-1 : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[23Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° V-1 : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[24Circ. DRT 14 du 22-11-2005.

[25Circ. DRT 2004-10 du 16-12-2004 n° I-2 : BOMT 2005/1 p. 21 s..

[26C. trav. art. L. 3133-10.

[27Circ. DRT du 20-4-2005 : Question-réponse n° 14.

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