Le 13 septembre 2023, la Cour de cassation décidait d’écarter les dispositions des articles L3141-3 et L3141-5 du Code du travail pour faire une application directe du droit européen et juger que le salarié malade acquiert des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non-professionnelle ou accident du travail au-delà d’un an [1].
Ce rappel à l’ordre de la Cour de cassation a incité le gouvernement, par le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole, à déposer un amendement en ce sens.
Cet amendement a fait l’objet d’une longue analyse par le Conseil d’Etat [2], et a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 18 mars dernier.
Les nouvelles règles envisagées par ce texte pourraient évoluer en Commission mixte paritaire et devant le Conseil constitutionnel mais prévoient, pour l’heure, l’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie ou accident d’origine non professionnelle (1) ; la suppression de la limite d’un an ininterrompu d’arrêt de travail pour la détermination de congés payés pour maladie ou accident d’origine professionnelle (2) ; un droit au report limité à 15 mois (3).
1) L’acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie ou accident d’origine non professionnelle.
L’amendement prévoit de modifier les dispositions de l’article L3141-5 du Code du travail pour compléter la liste des périodes considérées comme du temps de travail effectif. Désormais, sous réserve d’une adoption définitive du texte, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat est suspendue pour maladie ou accident d’origine non professionnelle seront assimilées à du temps de travail effectif et donneront droit à congés payés.
L’article L3141-5-1 du projet de loi dispose ainsi que le salarié en arrêt de travail pour accident ou maladie non professionnelle acquerra 2 jours ouvrables de congé par mois d’absence dans la limite de 24 jours ouvrables par période de référence, soit 4 semaines de congés payés par an.
Il en résulte que le salarié ne bénéficierait donc pas de la 5ᵉ semaine de congés payés ou des congés conventionnels, sauf dispositions conventionnelles plus favorables.
2) Suppression de la limite d’un an pour maladie ou accident d’origine professionnelle.
En l’état, l’article L3141-5, 5° du Code du travail, prévoit que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :
« Les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ».
Par l’amendement n°44, cette limite d’un an d’arrêt de travail causé par une maladie ou un accident d’origine professionnelle est supprimée. Le salarié continue d’acquérir 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois, soit 30 jours ouvrables par période de référence d’acquisition.
3) Un droit au report limité à 15 mois.
L’amendement crée l’article L3141-19-1 livrant au salarié en arrêt de travail pour maladie ou accident professionnel ou non, qui serait dans l’impossibilité de prendre au cours de la période de prise de congés tout ou partie des congés qu’il a acquis, une période de report de 15 mois pour pouvoir les utiliser.
Deux hypothèses pourraient alors se présenter :
- si le salarié a acquis ces congés avant l’arrêt maladie : la période de report de 15 mois débuterait à compter de la date à laquelle le salarié reçoit les informations de son employeur sur les congés dont il dispose. Ces informations lui étant données à sa reprise du travail ;
- si le salarié a acquis ces congés durant l’arrêt maladie : la période de report débuterait à la date à laquelle s’achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu, en raison de la maladie ou de l’accident, depuis au moins un an.
Au-delà de ces périodes, dont le point de départ est l’information du salarié par son employeur, les congés seront perdus.
Il en ressort, en vertu de l’article L3141-19-3 du projet de loi, une obligation à la charge de l’employeur d’informer son salarié, dans les 10 jours qui suivent la reprise du travail, sur les éléments suivants :
- le nombre de jours de congé dont il dispose ;
- la date à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
Conséquences pour les employeurs et salariés.
L’adoption de cet amendement aura pour conséquence, pour l’employeur, de devoir à son salarié des congés payés durant la période de son arrêt maladie.
En outre, le projet de loi prévoit que ces dispositions s’appliqueraient rétroactivement aux arrêts maladie intervenus à compter du 1ᵉʳ décembre 2009.
Selon ces dispositions, le salarié disposera :
- s’il est dans l’entreprise, de 2 ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi pour saisir la juridiction d’une action ayant pour objet l’octroi de congés payés acquis après le 1ᵉʳ décembre 2009 ;
- s’il a quitté l’entreprise, de 3 ans à compter à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action visant à l’octroi de congés payés acquis en arrêt maladie.
Il est à noter que cette rétroactivité au 1ᵉʳ décembre 2009 fait écho à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne permettant au salarié d’invoquer son droit à 4 semaines de repos au moins à l’égard de son employeur ; faisant d’application directe de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Reste à connaître la position de la Commission mixte paritaire sur ce projet et éventuellement celle du Conseil constitutionnel.