Extrait de : Droit de la famille : l’enfant

Evolutions et perspectives de la Kafala et de l’adoption simple entre le Maroc et la France.

Par Karim Adyel, Avocat.

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Explorer : # kafala # adoption simple # droit international # filiation

Exposé de l’étude doctrinale et jurisprudentielle comparative entre la Kafala et l’adoption simple. Maitre Karim ADYEL, Docteur d’état français en droit comparé.

L’objectif de Maitre Adyel était de préparer une étude doctrinale et jurisprudentielle comparative entre les deux institutions (Kafala et Adoption simple) ainsi que d’envisager des solutions juridiques pour parvenir à faire reconnaitre par la France le statut de la Kafala comme démarche d’adoption.

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1. Etude comparative des deux régimes

Deux statuts encadrés par des lois – En France, l’adoption simple est régie par les dispositions qui sont prévues aux articles 360 à 370-2 du code civil français.

Au Maroc, c’est la loi 15-01 relative à la prise en charge des enfants abandonnés qui s’applique en la matière et qui est définie dans son article 2.
Cette loi est composée de 32 articles prévoyants la condition de la Kafala, sa procédure ainsi que son exécution.

Il faut également rappeler que la Kafala est un concept juridique reconnu par le droit international prévu par la convention des nations unies du 20 Novembre 1989 relative au droit de l’enfant dans son article 20. En revanche, La convention de la Haye du 29 Mai 1993 sur la protection des enfants exclue la Kafala de son champ d’application puisqu’elle ne concerne que les formes d’adoption où il y a création d’un lien de filiation.

Dans les deux législations (Française et Marocaine), l’adoption est réservée à des époux mariés depuis 2 ans ou âgés l’un et l’autre de plus de 28 ans ou à des personnes seules âgées de plus de 28 ans L’adoption simple en droit français ne pose pas de condition d’âge de l’adopté.

- Des dispositions similaires en ce qui concerne la filiation et la succession

Le statut de l’adoption simple dans le droit français intéresse les familles adoptantes qui seraient soucieuses de respecter les conditions de la Kafala, à savoir l’impossibilité de filiation avec les enfants recueillis. En effet, en droit français, dans le cas de l’adoption simple, les liens de filiation préexistants ne sont pas rompus, l’adopté conservant ses droits notamment héréditaires dans sa famille d’origine. Elle n’implique pas l’acquisition automatique de la nationalité française.

De ce point de vue, la Kafala, également appelée en France recueil légal, est analogue à l’adoption simple car elle n’opère pas de rupture totale et irrévocable des liens de filiation préexistants.

2. Etude jurisprudentielle

La jurisprudence française a longtemps souffert d’un défaut d’unité, ce qui a poussé le législateur à élaborer la loi du 6 Février 2001 relative à l’adoption internationale prévoyant notamment le conflit des lois en la matière.

L’étude de la jurisprudence en France, concernant l’adoption d’enfants marocains, montre que malgré une certaine résistance des juges de fond, la Cour de cassation semble admettre que le juge puisse s’affranchir des limites de la loi nationale pour apprécier le consentement même de la Kafala.

Ainsi, dans une décision du 19 Juin 1997, la cour d’appel de Paris a considéré que tel était le cas lorsque les adoptants de nationalité française, après avoir obtenu successivement une Kafala marocaine puis une autorisation judiciaire de sortie du territoire et un acte notarié d’institution d’héritier, peuvent produire un acte du juge marocain, représentant légal du mineur, autorisant une régularisation de la situation de ce dernier auprès des autorités judiciaires françaises. La réponse dénuée d’ambigüité des autorités marocaines à la demande française qui leur avait été adressée permet de considérer que le juge marocain a donné un consentement éclairé à la demande d’adoption plénière.

La Cour d’appel de Toulouse a autorisé, le 22 novembre 1995, la transformation d’une Kafala en adoption simple, estimant que ces deux institutions étaient assimilables. La cour d’appel de Paris a rendu une décision identique, le 22 Mai 2001. La cour d’appel de Reims a prononcé, le 02 Décembre 2004, une Kafala marocaine en adoption simple.

Toutefois, par décision du 10 Octobre 2006, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Reims, considérant que du moment que la loi marocaine interdit l’adoption et que, par ailleurs, le mineur n’était pas né et ne résidait pas habituellement en France, la Cour d’appel de Reims a violé l’article 370-3, alinéa 2 du code civil français introduit par la loi du 6 février 2001 qui dispose que : « l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si le mineur est né et réside habituellement en France ».

3. Pistes de solutions

Il semble que la seule manière susceptible à apporter des solutions juridiques à cette problématique est de se situer d’un point de vue international.

Dans ce sens, et si l’on se réfère à la loi belge du 6 Décembre 2005 qui a introduit la Kafala dans son dispositif juridique interne sous certaines conditions à remplir, cette loi se rapproche considérablement de l’adoption simple. Sur le plan pratique, en suivant la procédure fixée, des personnes de nationalité belge parviennent à adopter légalement des enfants marocains abandonnés.

A l’instar de l’exemple belge, et dès qu’un accord similaire sera trouvé entre le Maroc et la France, il n’y aura plus de problème quant à l’application de cet accord qui, en respectant les conventions et traités internationaux, écartera de fait et de droit l’application de la loi 15-01 sur la Kafala ou invitera les états français et marocain à incorporer de nouvelles dispositions dans leur droit positif interne après avoir légiféré en la matière.

Maître Karim ADYEL.
Docteur d’Etat Français en Droit comparé, Avocat pluridisciplinaire.
docteurkarimadyel chez yahoo.fr

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Discussions en cours :

  • par maman par kafala , Le 9 juin 2018 à 23:30

    Bonjour à tous
    La kafala judiciaire d’un enfant orphelin résidant dans un orphelinat est désormais reconnue automatiquement par la France et permet aux enfants recueillis de bénéficier d’un visa long séjour vers la France (à la différence de la kafala adoulaire ou intrafamiliale qui ne donne pas droit au visa) ;
    LA solution évoquée par la circulaire de 2014 qui confirme la reconnaissance de la kafala judiciaire en France sans exequatur, est d’attendre la nationalité francaise pour demander l’adoption de l’enfant.
    et en 2016 la loi sur la protection de l’enfant a permis de réduire à juste 3 ans le délai pour demander la nationalité francaise d’un enfant s’il est bien recueilli par des citoyens francais.
    pour plus de renseignements il y a un site d’entraide gratuit qui donne aussi des textes de lois ainsi que des mode d’emploi pour faire les démarches
    IL s’agit du Forum de la kafala en Algérie et au MAroc
    le site est consultable à l’adresse
    http://forum-kafala.forumactif.com/

  • par Karine ROSSIER , Le 1er septembre 2014 à 02:50

    je suis maman française d’une fille que j’ai adopté au maroc sous kafala alors qu’elle avait trois jours. je dois toujours dire à ma fille qu’elle n’est pas ma fille, je dois toujours enfoncer le clou dans la plaie, c’est une douleur atroce, alors que c’est vraiment ma fille, c’est claire que je ne l’ai pas porté dans mon ventre mais je la porte et la porterai ma vie durant dans mon cœur. j’en veux à la France de ne pas me permettre d’épargner à ma fille cette souffrance. j’en veux au Maroc de ne pas faire l’effort de donner le droit aux parents de reconnaitre ces enfants comme étant les leurs s’ils le désirent, au lieu de les condamner à vivre éternellement avec une blessure que ses enfants sont condamnés à soigner en vain tous les jours.
    Dieu est plus clément que les deux pays réunis, on passe des années à chercher qu’elle loi appliquer pendant que des enfants n’ont besoin que d’une seule chose étre aimé en sécurité.

  • http://www.avaaz.org/fr/petition/Les_memes_droits_pour_tous_les_enfants_adoptes_ou_recueillis/

    Merci de signer et de diffuser la pétition que j’ai créée hier. Devant l’immobilisme dans lequel semble figée cette question, j’ai décidé de communiquer.
    Il est aussi essentiel de faire parler les parents ayant un enfant issu du régime kafala car eux seuls peuvent témoigner des difficultés rencontrées dans la mise en place de l’identité de leur enfant.
    Une identité qui au final n’est pas acceptable puisque les parents portent le nom de tuteurs et l’enfant n’est pas inscrit dans le livret de famille.
    Entre autres mais cette conséquence résume bien l’échec des dispositions qui régissent cette situation kafalienne illustrée par plusieurs milliers d’enfants en France

    En espérant votre soutien,

    Cordialement

  • le message n’est pas complet
    la mododication de 2001 du code civil en son article 370-3
    lequel dispose en son 2 eme alinéa que
    "l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution"
    la loi mattei nous a bloqué, il faut avant tout attendre 5 années avant de prétendre aussi a la nationalite francaise.
    une proposition de loi a ete propose EN SEPTEMBRE 2011 par m. tabarot n°3739 POUR ANNULER LES 5 ANS.........
    M.Fillon aussi a fait une proposition au sena n°353.

    espagne suisse et belgique on modifié leur code civil pour adopter les enfants venuent du maroc et algerie.
    la seule avancé a ete une circulaire du 11 juin 2010, la kafal est reconnue de plein droit sans exequatur, elle peut dans certain cas etre reconnue comme une DAP

    mais dans UN TRIBUNAL D’INSTANCE le mien la greffière a trouvé un moyen de ne pas enregistrer la demande de nationalité française en demandant une pièces au dossier qui n’existe pas.(avant c’etait cette attestation sans appel)......
    la kafala est un parcours semer d’embûche et chaque département décide ou pas de faire avancer nos dossiers.

    • Bonjour,

      Nous sommes une nouvelle association qui aide les orphelins du Maroc : www.Kafala.fr

      Afin d’offrir à ces enfants une situation stable et pérenne, notre association soutient les personnes désireuses de prendre en charge un orphelin.

      Nous apportons notre expertise et notre expérience dans le domaine de la procédure de recueil légal : la Kafala judiciaire (mise sous tutelle)

      Cette procédure est reconnue par le traité international de la convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies de 1989. La Kafala judiciaire engage le tuteur à assurer et assumer l’éducation, la protection et l’entretien de l’enfant recueilli jusqu’à sa majorité au même titre que le ferait un père ou une mère pour son enfant.

      A bientôt sur notre site.

    • bonjour maitre,
      suivant l’article21-12 et de lacirculaire du 11 juin 2010.
      nous avons demandé la nationalité française de l’enfant recueilli en France depuis 5 ans par des français.
      le tribunal refuse de souscrire notre demande .
      le T.I. ajoute une document qui n’est pas dans la liste
      une autorisation du juge de faire cette demande.
      la greffière nous confirme que si l’enfant devient français il pourra être adopte et que c’est interdit par sa loi personnelle.
      oui c’est frai mais nous ne voulons pas l’adopter par respect de notre engagement par kafala nous voulons la double nationalité,pour un statut satble dans le pays ou il vit régulièrement ou il a tous ses liens affectifs. .
      c’est une kafala algérienne avec visa tous les documents sont traduits.
      en France on donne la nationalité française sans cette autorisation pourquoi peut on me refuser la souscription .
      de plus si c’est un refus je vais devoir aller au parquet de Marseille
      .francoise

  • Bonjour,

    En l’état actuel du droit positif, à défaut d’un lien de filiation, le Kafil a-t-il un pouvoir de représentation légale du mineur en France ?
    Pourrait-il par exemple exercer une action en justice au nom du mineur, sans l’aval des parents ?

    Merci

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