Gestation pour autrui : les arrêts de la Cour de cassation du 5 juillet 2017.

Par Caroline Elkouby Salomon, Avocat.

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Une 1ère reconnaissance du parent d’intention et la confirmation de la jurisprudence relative à la transcription de l’acte de naissance.

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Absence de filiation, droits sur l’enfant, problème administratif… La gestation pour autrui étant interdite en France, les conséquences de cette pratique demeurent difficiles pour les parents qui y ont eu recours à l’étranger.

Il existe une évolution jurisprudentielle depuis quelques années et de nouveaux rebondissements viennent d’intervenir.

Pour rappel :

A la suite de condamnations par la CEDH, le 3 juillet 2015, l’assemblée plénière de la Cour de cassation cassait, tout d’abord, partiellement un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 15 avril 2014, qui refusait de faire droit à la transcription du père biologique sur un registre consulaire de l’acte de naissance établi en Russie d’un enfant né dans ce pays d’une gestation pour autrui. Elle rejetait, par ailleurs, le pourvoi dirigé contre un arrêt de cette même juridiction du 16 décembre 2014, qui faisait droit à une telle transcription (arrêt n°619 du 3 juillet 2015, 14-21.323 , arrêt n°620 du 3 juillet 2015, 15-50.002).

Guidé par « l’intérêt supérieur de l’enfant », les juges acceptaient la transcription sur les registres de l’état civil français de l’acte de naissance étranger de l’enfant né d’une gestation pour autrui dès lors que «  l’acte de naissance était régulier, non falsifié et que les faits déclarés correspondaient à la réalité »

Ainsi, seul le parent biologique, en l’occurrence le père apparaissait comme le parent légal. La mère d’intention ou le parent dit « social » ne pouvait apparaitre, puisque la mère porteuse, étant la femme qui a accouché, était et est considérée, en droit français, comme la seule mère de l’enfant.

Le 21 juillet 2016, la CEDH condamnait, à nouveau, la France (Affaire Foulon et Bouvet c/ France) pour avoir refusé en 2013 de transcrire les actes de naissance d’enfants nés par GPA en Inde. (Il s’agissait en l’espèce de Philippe Bouvet, père de jumeaux nés en 2010 à Bombay d’une mère porteuse et de Didier Foulon, père d’une petite fille qui a vu le jour en 2009, dans une clinique de la même ville.)

Dans une série d’arrêts rendus mercredi 5 juillet 2017, la plus haute juridiction française a été amenée à se prononcer sur deux questions :
- Le recours à la GPA fait-il obstacle à ce que l’époux du père demande l’adoption simple de l’enfant ?
- Le couple peut-il obtenir la transcription à l’état civil français de l’acte de naissance établi à l’étranger alors que la femme qui s’y trouve désignée comme mère n’a pas accouché de l’enfant ?

1- S’agissant de l’adoption simple

La haute juridiction a estimé que les enfants nés par GPA à l’étranger pouvaient avoir deux parents français légalement reconnus, et non le seul père biologique, comme c’était le cas jusqu’à présent. Arrêt n°8536 du 54 juillet 2017 (16-16.455) – Cour de cassation – première chambre civile

Le parent dit « d’intention » ou « parent social » pourra voir sa filiation reconnue par la voie de l’adoption simple.

En effet, respectant leur position originelle selon laquelle la mère porteuse est considérée comme un parent à part entière, puisqu’en droit français, la mère est la femme qui accouche, la Cour de cassation autorise seulement l’adoption simple afin de ne pas gommer l’origine de l’enfant. L’adoption plénière détruirait le lien de filiation entre la mère porteuse et l’enfant puisqu’elle produit les mêmes effets qu’une filiation biologique et remplace l’acte de naissance sans indiquer que la filiation est adoptive, alors que l’adoption simple permet d’ajouter un lien de filiation en plus de ceux qui existent déjà.

Un lien de filiation est, ainsi, désormais reconnu mais demeure incomplet puisque si l’adoption simple confère à l’adoptant l’autorité parentale, l’adopté conservera des liens avec sa famille d’origine. Elle est, en outre, révocable dans le cas d’une procédure particulière.

Le communiqué de la Cour de cassation au sujet de cette décision du 5 juillet, citée précédemment, explique le raisonnement de la Cour qui a tiré des conséquences :
- de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Ce texte a pour effet de permettre, par l’adoption, l’établissement d’un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de procréation
- de ses arrêts du 3 juillet 2015, selon lesquels le recours à une GPA à l’étranger ne constitue pas, à lui seul, un obstacle à la transcription de la filiation paternelle

2- S’agissant de la retranscription

La Cour de cassation n’a pas accédé aux demandes concernant la transcription pure et simple en France de l’état civil établi à l’étranger d’enfant né d’une GPA, sans passer par une procédure d’adoption.

Dans la mesure où en droit français, la mère est la femme qui accouche, l’acte de naissance étranger qui ne mentionnerait pas la mère porteuse mais les deux parents français est considéré comme une fiction et ne peut être retranscrit.

« Qu’ayant constaté que Mme X... n’avait pas accouché des enfants, la cour d’appel en a exactement déduit que les actes de naissance étrangers n’étaient pas conformes à la réalité en ce qu’ils la désignaient comme mère, de sorte qu’ils ne pouvaient, s’agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l’état civil français » Arrêt n 824 du 05 juillet 2017 (15-28.597) - Cour de cassation - Première chambre civile, arrêt n° 852 du 5 juillet 2017 (16-16.901 ; 16-50.025) –Cour de cassation – première chambre civile , et arrêt n° 827 du 5 juillet 2017 (16-16.495) Cour de cassation - Première chambre civile

Ainsi, dans le communiqué au sujet de ces décisions, la Cour de cassation rappelle qu’ :
« Au regard du droit au respect de la vie privée et familiale des enfants garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation rappelle que :
- la prohibition de la GPA par la loi française poursuit un but légitime de protection des enfants et des mères porteuses ;
- la transcription partielle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant, dès lors que les autorités françaises n’empêchent pas ce dernier de vivre en famille, qu’un certificat de nationalité française lui est délivré et qu’il existe une possibilité d’adoption par l’épouse ou l’époux du père »

Caroline ELKOUBY SALOMON
Avocat au Barreau de Paris
Spécialisée en droit de la famille, des personnes et du patrimoine
Associée du cabinet BES Avocats
www.bes-avocats.com

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