Comment saisir une seconde fois le Juge aux Affaires Familiales ?

Par Juliette Daudé, Avocat.

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Explorer : # résidence de l'enfant # droit de visite et d'hébergement # autorité parentale # pension alimentaire

Lorsque toutes les voies de recours ont été épuisées et que les délais d’opposition, d’appel ou de cassation ont expiré, le jugement rendu par le Juge aux Affaires Familiales (JAF) est définitif.

Toutefois, la décision rendue n’est pas irrémédiable.

-

Il est en effet possible, dans certaines hypothèses, de demander au JAF de statuer à nouveau lorsqu’un élément nouveau est apparu.

- Sur la résidence habituelle de l’enfant

Le choix de la résidence de l’enfant est apprécié souverainement par le Juge aux Affaires Familiales qui va s’intéresser en priorité à l’intérêt de l’enfant.

Ainsi, si la situation a changé depuis le jugement et que l’intérêt de l’enfant est en péril, il sera possible de saisir de nouveau le Juge aux Affaires Familiales.

Le magistrat va ainsi prendre en compte la stabilité de la situation personnelle de chacun des parents pour étudier les conditions de vie de l’enfant.

Les repères matériels et affectifs des enfants vont aussi être pris en considération pour statuer sur leur lieu de vie.

Le JAF étudiera les circonstances alléguées et rendra une nouvelle décision qui pourra soit maintenir les anciennes dispositions soit imposer un changement de résidence.

Bien évidemment, la principale difficulté est qu’il faut arriver à prouver en quoi l’intérêt de l’enfant est menacé par la situation actuelle.

La jurisprudence a pu, par exemple, imposer le changement de résidence d’un enfant en raison du comportement de la mère visant à empêcher les relations entre le père et l’enfant (Cass.civ. 1ère 26 juin 2013 pourvoi n°12-14.392).

- Sur la résidence alternée

La résidence alternée est possible lorsque les domiciles des parents ne sont pas trop éloignés, dans un souci de préservation de la vie scolaire et de la stabilité du rythme de vie.

Il faut également que les parents soient tous deux en mesure d’offrir des conditions de vie et d’hébergement adaptées à l’enfant.

Lorsque tous ces éléments ne sont plus réunis, la résidence alternée devient impossible.

Il y a dès lors nécessité d’y mettre de fin et de fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un de ses parents.

A titre d’exemple, la jurisprudence a pu motiver la cessation de la résidence alternée par un contexte très conflictuel entre les parents (CA Lyon, 6 juin 2006), l’angoisse du jeune enfant lors de la séparation avec sa mère (CA Toulouse, 14 novembre 2006) ou encore par le besoin de stabilité d’un enfant en difficulté scolaire et présentant un mal-être comportemental (CA Lyon, 23 mai 2006).

- Sur la modification du droit de visite et d’hébergement

Une demande visant à étendre ou à restreindre le droit de visite et d’hébergement peut être faite auprès du Juge aux Affaires Familiales.

En revanche, l’article 373-2-1 alinéa 2 du Code civil dispose que « l’exercice du droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé à l’autre parent que pour des motifs graves ».

Ainsi, un parent a pu se trouver privé de son droit de visite et d’hébergement en cas de désintérêt total du père (CA Montpellier, 17 octobre 2007), ou en cas de mise en danger de l’enfant caractérisé par un risque d’excision (CA Douai, 19 octobre 2006), ou encore en raison de pressions morales et psychologiques liées à des convictions religieuses (Cass. civ. 1ère, 24 octobre 2000).

Si le TGI de Poitiers dans un jugement du 15 novembre 1999 a analysé le droit de visite et d’hébergement comme un devoir pour le parent à qui il a été reconnu et a dès lors conclu que son non-exercice était constitutif d’une faute, le non-respect ponctuel du droit de visite et d’hébergement ne peut pas être une cause de suspension pour motifs graves.

Voir aussi l’article intitulé « Panorama sur le choix de résidence de l’enfant et le droit de visite et d’hébergement. »

- Sur l’exercice de l’autorité parentale

L’article 372 du Code civil dispose comme principe général que « les pères et mères exercent en commun l’autorité parentale ».

Il est néanmoins possible pour le Juge aux Affaires Familiales d’écarter ce principe quand la mise en œuvre de l’autorité parentale commune s’avère impossible ou contraire aux intérêts de l’enfant mineur.

Des motifs graves empêchant un exercice en commun devront être mis en avant pour motiver la décision du magistrat.

Quelques exemples de motifs graves relevés par la jurisprudence :

• Le désintérêt manifeste et continu du parent pour l’enfant (Cass. civ. 1ère, 14 avril 2010 pourvoi n°09-13.686)

• La maladie grave de l’enfant afin de permettre le bon déroulement du traitement et des soins nécessaires (CA Paris, 11 juillet 2002)

• Les mauvais traitements infligés par un parent à l’enfant (CA Rennes, 15 mai 2000)

• Les différends parentaux permanents sur les choix éducatifs (CA Bordeaux, 21 mars 2001)

• L’attitude systématiquement conflictuelle d’un parent, d’hostilité à l’égard de l’autre ou de dénigrement permanent de l’autre (CA Rouen, 19 octobre 2006)

• Le risque avéré d’enlèvement international (Cass. civ. 1ère, 17 janvier 2006)
En revanche, le simple éloignement géographique ou l’orientation sexuelle ne constituent pas en eux-mêmes un motif pour exclure l’exercice conjoint de l’autorité parentale.

- Sur la pension alimentaire

En cas de modification des besoins ou des ressources du débiteur ou du créancier, il est possible de former une demande en réévaluation de la pension alimentaire.

L’article 209 du Code civil dispose ainsi que « lorsque celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments est replacé dans un état tel, que l’un ne puisse plus en donner, ou que l’autre n’en ait plus besoin en tout ou en partie, la décharge ou la réduction peut en être demandée ».

A nouveau, la production des pièces financières prouvant ces changements de situation est fondamentale.

- Sur la prestation compensatoire

Le montant de la prestation compensatoire ne pourra pas être augmenté après le jugement de divorce, même s’il s’agissait d’une procédure amiable.

Des modifications vont néanmoins pouvoir intervenir en fonction de la forme de la prestation compensatoire :

1) Hypothèse où la prestation a été fixée sous la forme d’un capital échelonné

Il est possible au débiteur de saisir le Juge aux Affaires Familiales lorsque sa situation a changé de façon importante afin que ce dernier révise le mode de paiement.

Le JAF pourra dès lors autoriser le débiteur à verser les échéances restantes du capital en une seule fois ou, de façon exceptionnelle, autoriser le débiteur à verser le capital sur une durée supérieure à huit ans.

Mais le montant en lui-même ne pourra pas être modifié.

2) Hypothèse où la prestation a été fixée sous la forme d’une rente

Pour les mêmes conditions que la prestation sous forme d’un capital, c’est-à-dire lorsqu’un changement important de situation est intervenu, l’un des ex-époux pourra saisir le JAF afin que ce dernier révise le montant de la rente, la suspende ou la supprime.

Il est aussi possible de demander au JAF de convertir la rente en capital.

- Sur les dommages et intérêts

Il n’est pas possible de saisir le Juge aux Affaires Familiales pour demander une révision du montant des dommages et intérêts alloués dans le cadre d’un divorce contentieux.

L’article 266 du Code civil dispose dans son dernier alinéa que la demande de dommages et intérêts « ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce ».

Visant à réparer les conséquences graves entraînées par le divorce, il n’y a donc pas lieu de revenir sur le montant des dommages et intérêts alloués dans le cadre de la procédure de divorce après le prononcé de celui-ci.

Voir aussi l’article intitulé « Prestation compensatoire & dommages et intérêts : quelles différences ? »

Juliette Daudé
Avocate à la Cour
Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Discussions en cours :

  • par Travhet , Le 7 mai 2024 à 12:03

    Bonjour combien de temp apres la 1 ere fois je suis passer au jaf je peux rattaquer ?

  • par Violette , Le 7 février 2024 à 16:42

    Bonjour,

    Le JAF a rendu sa décision il y a un an et demi. J’avais demandé à faire le trajet aller pour déposer ma fille mais j’aimerais revenir sur cette décision et demander au papa de venir chercher notre fille car je ne souhaite plus aucun contact avec lui.

    Il viendrait chercher notre fille à la sortie de l’école ou du centre.

    Comment je peux saisir à nouveau le JAF sans avocat s’il vous plait ?

    Merci

  • par CC77 , Le 27 février 2023 à 11:22

    Bonjour
    Lorsque nous voulons ressaisir le JAF pour réévaluer la pension alimentaire et que la partie adversaire n’est pas en accord, doit on envoyer tous les documents financiers etc. à la partie adverse ou non ?
    Merci de votre retour

  • par kikou1266 , Le 26 juin 2017 à 16:03

    Difficile de résumer la situation de mon fils en quelques lignes. Il a eu deux petites filles agées maintenant de 2 et 3 ans, et s’est séparé de sa compagne il y a plus de 2 ans car la vie conjugale était devenue un enfer pour lui, avec violences verbales, insultes etc...Pendant plus d’un an il a régulièrement eu ses petites en contre partie d’achat, d’argent etc...Puis de guerre lasse a décidé de saisir le juge pour demander la garde alternée qu’il était quasiment sûr d’obtenir, puisqu’il vivait à quelques mètres de son ex. Le jugement était au 5 janvier 2017. C’est alors que son ex, uniquement dans le but de lui nuire, puisque sans emploi, fâchée depuis des années avec sa famille, a décidé de déménager à CANNES, soit 500 kms d’ ARGELES, leur lieu de vie d’alors..Elle ne travaille pas, vit des allocations (2000€) et de la pension de son premier mari. Elle savait qu’en allant dans cette région mon fils ne pourrait pas la suivre, en raison du prix exhorbitant des loyers...Mon fils, n’ayant pas beaucoup de ressources, 1000€, a pris une avocate pour défendre ses droits.IL a quitté son emploi, est tombé malade (il a eu un cancer il y a deux ans)et est parti rejoindre sa nouvelle compagne près de GENEVE. La juge vient de rendre sa décision, il n’aura qu’un week end par mois, tous les frais à sa charge, et la moitié des vacances, ce qui veut dire en coût pour un week end, 180 euros d’autoroute, l’essence, l’hébergement sur CANNES etc, et pour les vacances 1 jour pour aller les chercher 1 jour pour les ramener. Je trouve cette décision scandaleuse, mon fils a démontré avec vingt pages de sms, où il n’est question que d’injures, de haine, qu’elle ne se sert des filles que dans le but de lui nuire. Elle a refusé pendant 6 mois qu’il les voit, et la juge dans ses attendus dit "qu’en l’absence de lien père/fille pendant plusieurs mois, le droit de visite et d’hébergement du père ne s’exercera pas l’intégralité des vacances comme demandé par le père"....alors que c’est son ex qui l’a privé de ses enfants....Cette décision le pénalise affectivement (80 jours sur 365jours) et financièrement et nous pénalise aussi en tant que grands parents (nous habitons l’aveyron) et avions un lien très fort avec nos petites filles quand elles étaient à ARGELES. Ma question est de savoir s’il faut faire appel et si ça sert à quelque chose, ou ressaisir un JAF à CANNES puisque le lieu de résidence de mon fils a changé en sachant aussi que mes deux petites filles auront une petite soeur fin août. Mon fils n’a pas retrouvé du travail pour l’instant mais n’a pas droit à l’aide juridique parce que sa nouvelle compagne a un travail, mais comme il ne veut pas dépendre d’elle je pense que nous allons être obligés de l ’aider...merci de vos conseils

  • Dernière réponse : 30 novembre 2018 à 00:28
    par CalleAnge , Le 3 janvier 2017 à 05:27

    Bonjour,
    séparé du père de ma fille depuis mes 3 mois de grossesse pour toute raison (alcool, pression psychologique , trompé, à la fin violence psychologique et physique etc..) , n’a pas été du tout présent pendant la grossesse ni après la naissance de ma fille,
    lui, sa copine et sa famille, m’ont harcelé, menacé, au point que j’ai du déménagé après la naissance de ma fille par peur de leur menace de ne me prendre ma fille.
    il a demandé de passé au tribunal pour avoir des droits , ce que j’ai été tout à fait d’accord.
    J’ai surtout très peur de sa copine qui fait une réelle fixation sur moi , qu’elle puisse faire du mal à mon bébé.
    J’ai toute les preuves de ce qu’il m’a fait subir (plainte, preuve écrite de sa part par message ou via reseaux sociaux , d’injure, menace, demande d’enlever ma fille , photos, témoignages).
    Et pourtant ... là magistrat a jugé bon de lui accordé après 1 année de bonne conduite avec ses droit de visite, de l’avoir 3 jours à son domicile , sachant que nous sommes à 700km l’un de l’autre.
    j’angoisse à l’avance pour le bien de ma fille , d’être si loin d’elle , elle n’a que 15 mois actuellement , j’ai peur de sa copine , ou qu’il ne me la rend pas !
    Que puis-je faire ? Je voudrais faire appel, mais j’ai peur que la décision soit pire, et que la juge pense que je m’acharne contre lui .

    • par Nathalie Verot , Le 30 novembre 2018 à 00:28

      Je suis divorcée depuis 2009 et ait eu la garde de mes 2 enfants..aujourd hui ils ont 19 et 15ans.Mon ex mari a pris la décision de ne plus me verser la pension alimentaire pour mon fils car il estime qu il est majeur et qu il doit lui la reverser directement quant à notre fille il veut qu’elle aille vivre avec lui à 120 km de mon lieu d habitation ( elle est d accord) ...que dois je faire ? Quels sont mes droits ?faut il ressaisir le juge des affaires familiales ?merci pour votre aide.

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