Combien coûte un divorce ?

Par Juliette Daudé, Avocate.

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Explorer : # pension alimentaire # prestation compensatoire # liquidation du régime matrimonial # frais annexes

Si deux mariages sur trois se soldent par un divorce, la crise économique pourrait bien inverser la tendance. En effet, divorcer a un coût et il faut bien penser et bien évaluer les postes de dépenses pour ne pas couler. Il est de plus en plus fréquent que le coût global du divorce dissuade les couples d’aller jusqu’au bout de la procédure ou bien les conduise à des stratégies de sous-évaluation, voire de dissimulation de revenus.

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Qu’il s’agisse d’un divorce à l’amiable ou d’un divorce conflictuel, un divorce a des conséquences financières importantes sur tous les plans : pour la pension alimentaire pour les enfants, la prestation compensatoire, mais aussi et surtout pour la gestion du patrimoine immobilier commun que l’on doit liquider, et enfin pour des frais annexes de la vie courante. Voici quelques informations sur ces différents postes de dépenses.

- La pension alimentaire pour les enfants

En application de l’article 371-2 du Code civil, les parents doivent contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants en proportion de leurs ressources.
La pension alimentaire est une somme d’argent versée par un parent à l’autre parent en exécution d’une obligation alimentaire. Effectivement, les parents ont l’obligation d’entretenir leurs enfants en subvenant à leurs besoins.
Si la pension alimentaire est due pour les besoins des enfants, elle sera versée directement au parent en ayant la charge à titre principal et ce même en cours de procédure de divorce.
En effet, le juge peut, au titre des mesures provisoires prévues par l’article 255 du Code civil, fixer la pension alimentaire que l’un des époux devra verser à l’autre pendant la procédure de divorce.
Le montant de la pension alimentaire est fixé soit conventionnellement entre les parties, soit en cas de désaccord par le Juge aux Affaires Familiales. Dans ce dernier cas, le juge va prendre en compte en premier lieu les ressources respectives de l’époux débiteur, puis, dans une moindre mesure, celles de l’époux créancier.
Une grille du ministère de la justice a été établie pour donner un ordre d’idées. Toutefois, il ne s’agit que d’une grille indicative, que les Juges ne sont pas obligés de suivre.
La pension alimentaire peut être révisée à tout moment à la demande de l’un des ex-conjoints si un changement de situation est apparu ou si les besoins des enfants ont évolué.
Dans l’hypothèse où l’époux créancier viendrait à se remarier ou à vivre en concubinage, la pension alimentaire serait maintenue puisqu’elle est attribuée pour l’entretien des enfants.

- La prestation compensatoire

Ce poste de dépense n’est pas systématique et intervient après le jugement de divorce, dans les cas où il y a un fort décalage entre les situations financières des deux époux, et où celui qui a une situation moins florissante a effectué des sacrifices professionnels pour la famille.
Ainsi, la prestation compensatoire est définie par l’article 270 du Code civil qui dispose qu’elle est « destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ».
La prestation compensatoire est ainsi détachée de toute faute et de tout besoin. Effectivement, elle a vocation à être versée par l’un des époux à l’autre, quel que soit le cas de divorce ou la répartition des torts.
La prestation compensatoire est appréciée souverainement par le Juge aux Affaires Familiales au jour du prononcé du divorce. Le juge va en effet procéder à un examen global de la situation patrimoniale des époux dans le passé mais aussi dans l’avenir prévisible.
Afin d’évaluer le montant de la prestation, le Juge aux Affaires familiales va prendre notamment en compte :
• la durée du mariage
• l’âge et l’état de santé des époux
• la qualification et la situation professionnelles des époux
• les conséquences résultant des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants ainsi que le temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne
• le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial
• les droits existants ou prévisibles des époux
• la situation respective en matière de pensions de retraites

Lorsque ce sont les parties qui fixent le montant de la prestation compensatoire d’un commun accord, il leur est possible de s’affranchir des critères posés par la loi.
Toutefois, dans le cadre d’un divorce amiable, le Juge aux Affaires Familiales vérifiera cependant que les intérêts des époux sont préservés avant d’homologuer la convention.
En principe, la prestation compensatoire doit être versée sous la forme d’un versement d’une somme d’argent en capital.
Lorsque le débiteur de la prestation compensatoire le peut, le versement de celle-ci s’effectue en une seule fois. A défaut de le pouvoir, la prestation compensatoire sera versée périodiquement (le plus souvent mensuellement) pour une durée ne pouvant excéder huit ans.
Enfin, le Juge peut, à titre exceptionnel, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère c’est-à-dire jusqu’à la mort de l’autre époux.
Une fois encore, dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, il est possible de prévoir des modalités plus spécifiques de versement (tel qu’un bien immobilier, ou une partie des droits dans ce bien).
En cas de changement important dans la situation de l’un des ex-époux, la prestation compensatoire pourra être révisée (dans son montant ou ses modalités de versement), suspendue ou supprimée, mais il est impératif que ce changement soit réellement significatif pour avoir gain de cause devant le Tribunal.
Toutefois, le montant de la prestation compensatoire en lui-même ne pourra pas être augmenté.

- L’indemnité d’occupation du logement

Lorsque des époux dont le domicile est un bien acquis en commun se séparent, il faut décider lequel des deux restera dans les lieux.
Au titre des mesures provisoires dans le cadre d’une procédure conflictuelle, le Juge aux Affaires Familiales décide, au vu des situations professionnelles et financières de chacun, lequel continuera à jouir du bien.
Le juge décidera aussi si la jouissance du bien se fera à titre gratuit ou à titre onéreux. Dans cette dernière hypothèse, cela signifie que l’époux qui reste dans le logement devra payer une contrepartie financière à son conjoint (une indemnité d’occupation).
Cette contrepartie interviendra lors de la liquidation du régime matrimonial et se déduira de la part devant revenir à l’époux qui a bénéficié du bien.
De façon générale, le montant de cette indemnité est fixé en fonction de la valeur locative du bien occupé, de la perte des fruits et revenus subie par l’indivision et des ressources et charges de chacun des époux.

- La liquidation du régime matrimonial ou le sort du patrimoine immobilier du couple

Le Juge aux Affaires Familiales qui prononce le divorce doit dès lors ordonner le partage des biens et des dettes de la communauté, c’est-à-dire la liquidation de la communauté.
Les époux ont la possibilité de décider eux-mêmes de la façon dont ils vont liquider leur patrimoine et de faire acter cet accord chez un Notaire (lien vers article sur le sort du bien immobilier).
Ils devront alors soumettre l’acte du Notaire au Juge aux Affaires Familiales pour homologation ; cela se passe dans le cadre d’une procédure de divorce par consentement mutuel.
Dans le cadre d’un divorce conflictuel et en l’absence de règlement conventionnel par les époux, le Juge aux Affaires Familiales va désigner un notaire chargé de ce partage.
Le notaire évaluera alors les biens de la communauté et effectuera le partage à parts égales entre les époux.
Il sera toujours possible d’acter un accord s’il intervient en cours de procédure.

- Le versement de dommages et intérêts dans le cadre d’un divorce conflictuel

• Sur le fondement de l’article 266 du Code civil

En vue de réparer un préjudice subi par l’un des époux, l’article 266 du Code civil octroi la possibilité au Juge aux Affaires Familiales, dans le cadre d’une procédure de divorce conflictuelle, d’allouer des dommages et intérêts.
C’est alors à l’époux aux torts duquel le divorce sera prononcé qu’incombera le versement de dommages et intérêts à son conjoint, en réparation des fautes qu’il a commises.
Depuis la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, la condamnation du conjoint au paiement de dommages et intérêts dans le cadre d’une procédure pour altération du lien conjugal est possible.
L’obtention de dommages et intérêts reste soumise à la preuve que le divorce a entraîné des conséquences d’une particulière gravité. Si tel est le cas, le Juge aux Affaires Familiales évaluera souverainement le montant du préjudice.
Le montant des dommages et intérêts n’est pas révisable.
De plus, le remariage de l’époux créancier est sans incidence sur le versement de ces dommages et intérêts.

• Sur le fondement de l’article 1382 du Code civil

La demande de dommages et intérêts peut également s’effectuer sur la base de l’article 1382 du Code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
La réparation pourra alors être demandée, à tout moment, pour toutes les autres circonstances que celles du divorce lorsque les préjudices invoqués ont été causés par le comportement du conjoint.
Il faudra en outre que le demandeur prouve la faute commise par son conjoint ainsi que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué.

- Les frais annexes à la séparation

Hormis les postes évoqués supra et qui sont directement liés à la procédure même de divorce, il faut aussi prendre en compte les dépenses que la séparation va engendrer dans la vie courante.
En effet, jusqu’ici il y avait deux salaires pour subvenir quotidiennement aux besoins d’une famille ; désormais il n’y aura plus qu’un salaire.
Les frais auxquels il faudra penser sont ceux relatifs au relogement, à l’achat d’un nouveau véhicule, mais aussi au quotidien des enfants (la pension alimentaire arrivant rarement à couvrir de façon concrète tous les frais).
En outre, la séparation entraine aussi la séparation du foyer fiscal.
Jusqu’alors le mariage permettait aux époux de ne plus être imposable individuellement mais de faire partie d’un foyer fiscal commun, réduisant ainsi le coût de leur impôt.
Or, après l’ordonnance de conciliation, les impôts doivent être déclarés séparément, il y a donc deux foyers fiscaux et une hausse des impôts en conséquence.

Juliette Daudé

Avocate à la Cour

Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 21 décembre 2016 à 10:33
    par laurent Fize , Le 21 décembre 2016 à 10:25

    J’admire l’habileté de la confrérie des avocats (dont vous faite partie madame) à maintenir l’opacité en matière de tarif afin que chacun puisse continuer à abuser son client à volonté dans une période où il est fragilisé.
    Il existe des brebis galeuses dans tous les métiers et si vous ne pouvez pas répondre précisément à la question, votre rôle devrait consister à donner des exemples chiffrés de fourchette de tarif en fonction des situations.
    Chacun pourrait ainsi retrouver globalement sa situation et provisionner son argent, en tous cas c’est ce que recherchent les gens sur les forum.
    J’appartiens aussi à une profession libérale et peux comprendre certains mécanismes mais pas celui de l’encouragement à profiter de la détresse des personnes. Ce que vous devriez dénoncer en publiant des coût globaux approximatifs.

    • par Christian , Le 21 décembre 2016 à 10:33

      Bonjour,
      je pense que cet article a pour but de faire la lumière sur la sommes des coûts, visibles et cachés, humains et de procédures ou autres, et non pas de faire de la simplification basique, ou de donner une moyenne, qui comme tout moyenne n’a aucun sens en dehors de son contexte ;-)

  • Dernière réponse : 2 mai 2016 à 10:37
    par GELLY , Le 15 septembre 2014 à 16:45

    Cher maître, vous omettez un léger point de détail : les frais d’avocat, voire de notaire (notamment en cas de possession immobilière) ...

    • par Maître Juliette Daudé , Le 2 mai 2016 à 10:37

      Cher Monsieur,

      Les honoraires de l’avocat sont régis par l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui dispose que "les honoraires de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés librement en accord avec le client".

      Il existe ainsi une liberté dans la fixation du montant des honoraires.

      Pour ce faire, la loi et les règles déontologiques applicables aux avocats prévoient qu’ils peuvent tenir compte, de la difficulté de l’affaire, de l’usage en la matière, de la situation financière du client, des frais exposés par l’avocat, sa notoriété, ainsi que les diligences accomplies.

      En outre, il existe trois modes de facturation des honoraires :
      - Le forfait : le montant des honoraires est fixé à l’avance entre l’avocat et son client ;
      - La facturation au temps passé : l’avocat et son client fixent le taux horaire qui sera pratiqué ;
      - L’intéressement aux résultats : une somme ou un taux sont alors prévus entre l’avocat et son client afin de récompenser le conseil qui a obtenu gain de cause dans la procédure.
      Il convient de préciser que les règles déontologiques de la profession d’avocat interdisent que soit établie une convention d’honoraires exclusivement au résultat.

      Ainsi, il ne m’est pas possible de donner une fourchette concernant le montant des honoraires pratiqués par les avocats en matière de divorce puisqu’ils peuvent varier en fonction de multiples critères et en fonction de leur mode de facturation.

      Pour éviter toute surprise, il convient de rappeler qu’une convention d’honoraires doit obligatoirement être signée entre l’avocat et son client en matière de divorce.

      Bien cordialement

  • par bonamy eric , Le 30 avril 2016 à 12:41

    en fin de compte je lis tous les commentaires est personne as ut de reponse a sa demande car la seule chose que veulent savoir les gens moi compris sais combien coute un divorce surtous les frais d avocat merci .

  • Votre explication est nette et précise, malheureusement elle ne donnent aucune petite idée du coût, de cette procédure. S’agit-il du tarif horaire de l’avocat qui va facilement du simple au double selon sa notoriété ?

  • par aubry , Le 2 août 2015 à 11:04

    bj je n ai pas ma reponse consernant l imposition du patrimoine pour un divorce par consentement mutuel merci d avance

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